Saint-Joseph, la bonne affaire des côtes-du-rhône

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Après avoir retrouvé ses vignes en coteaux durant les trente dernières années, cette AOC des côtes-du-rhône septentrionales est largement montée en gamme tout en restant sur des prix accessibles.

C’est un des derniers vignobles orientaux du Massif central. Saint-Joseph s’étend sur 50 km, le long de la rive gauche du Rhône, de Limony à Châteaubourg. Ce n’est cependant pas l’AOC la plus à l’est issue de ce terroir granitique montagnard. En face de Tournon-sur-Rhône, à Tain-l’Hermitage, sur la rive droite, les impressionnantes collines de l’Hermitage font aussi partie du même bloc rocheux du Massif central car dans ce couloir de quelques kilomètres, le Rhône est parvenu au fil des millénaires à se frayer un chemin dans le granit. En cet endroit, de part et d’autre du fleuve, on trouve un terroir et un encépagement identiques. Des deux côtés, les vignes prennent le plus souvent place sur les pentes raides des coteaux où des terrasses ont été aménagées. Ces conditions difficiles ne permettent des rendements moyens modestes n’excédant pas 35 hl/ha, soit un niveau beaucoup moins élevé que ce qui est autorisé par le cahier des charges.

Le vignoble de Saint-Joseph a en effet entrepris dès 1994 une restructuration importante qui est en train de s’achever. Après le phylloxéra, les vignerons ont eu tendance à déserter les coteaux pour planter leurs vignes sur la plaine en contrebas, là où le travail était plus aisé et les rendements plus dynamiques. Il s’agissait alors de produire ; la qualité passant au second plan. Mais les productions de qualité proviennent des collines escarpées. Il y a près de trente ans, l’interprofession a entrepris de reconquérir les coteaux. Les vignerons ont été encouragés à y planter de nouvelles vignes et à abandonner progressivement les plaines. Ainsi, en trente ans, le territoire délimité de l’AOC est passé de 7 000 à 3 000 ha. Les vignes qui sont restées en contrebas sont passées dans l’IGP collines rhodaniennes.

Des prix attractifs 

Ces efforts considérables consentis par l’AOC saint-joseph expliquent en partie la montée qualitative de ces vins qui intéressent de plus en plus les grands négociants de la région. Pourtant, les prix demeurent encore accessibles si on les compare à ceux des appellations voisines des côtes-du-rhônes septentrionales élevées sur des coteaux et avec un encépagement presque comparable, comme la côte-rôtie ou l’hermitage. Ainsi sur le tarif public d’un célèbre négociant de tain l’hermitage, les premiers prix des saint-joseph sont trois fois moins élevés que ceux de ces deux AOP plus prestigieuses. L’histoire de saint-joseph explique cette accessibilité : l’AOC ne représente qu’une production de 6,5 millions de bouteilles. Seuls 1 348 ha, soit moins de la moitié du potentiel de l’appellation, sont plantée. La montée en gamme est récente et seuls 10 % des volumes sont vendus à l’export et 68 % des ventes sont réalisées sur le circuit traditionnel. Une importante partie des coteaux classés, même lorsqu’ils sont favorablement exposés, reste encore abandonnée. Comme l’explique une négociante, outre le coût de la plantation, le prix de revient de la main-d’œuvre y est trois fois plus élevé en raison de l’absence de possibilités de mécanisation.

Un hectare de vigne se négocie à plus de 150 K

Reconquérir ces espaces escarpés en y plantant des terrasses représente en effet un travail titanesque. L’aventure est pourtant tentante. Un terrain en coteau adapté, nu, se négocie autour de 10 K€ l’hectare alors qu’un hectare de vigne planté peut largement dépasser les 150 K€. C’est peut-être la raison pour laquelle de nombreux jeunes vignerons sont arrivés ces dernières années aux commandes d’exploitations, soit ils ont succédé à leurs parents, à l’instar de Guy Farge, soit ils sont venus d’autres horizons, à l’image de Nelly France et d’Arnaud Boel, un couple venu de deux terres non vinicoles, respectivement la Bretagne et la Belgique, qui signent chacun des cuvées distinctes pleines d’originalité. Certains ont même quitté d’autres vignobles pour s’installer sur le territoire de Saint-Joseph. Sylvain Gauthier a ainsi abandonné son exploitation familiale mosellane pour fonder en 2007 le Domaine des pierres sèches sur un demi-hectare. Depuis lors, il en a rassemblé neuf, où il produit des vins très minéraux qui rappellent par certains aspects la légèreté et l’élégance bourguignonnes.

Ces nombreux jeunes acteurs participent très activement à la montée en gamme et en réputation de cette AOC. Mais la qualité du vignoble reste globalement assez homogène. En outre, il faut savoir que la production est assez équitablement répartie entre les négociants, les vignerons, mais aussi les caves coopératives dont celle de Saint-Désirat, acteur majeur de ce vignoble qui n’a pas à rougir du rapport qualité-prix de ses cuvées côtes Diane (blanc) ou Septentrio (rouge). Les restaurateurs peuvent ainsi découvrir sur ce terroir des cuvées à des prix parfois inférieurs à 10 € HT (prix restaurateur). Il faut, bien sûr, compter davantage pour des sélections parcellaires où des vins plus longuement vieillissent dans bois.

Les négociants investissent sur les côtes-du-rhône septentrionales

Si les côtes-du-rhône septentrionales affichent une production largement inférieure à celle du versant méridional, elles concentrent la présence de la plupart des grands noms du négoce. Non seulement ces derniers ont pris des positions foncières importantes, mais ils ont récemment investi dans des réalisations d’envergure.

À Ampuis, Guigual a ainsi récemment ouvert le Clos Joly dans l’ancienne maison d’été des propriétaires de la Vidal Fleury. La maison de négoce avait été absorbée en 1985 et depuis lors, la demeure appartenait à Philippe Guigual qui s’est finalement décidé à la rénover pour en faire un caveau de dégustation, des salles de séminaire flanquées d’une cuisine animée ponctuellement par les chefs de la région. Un musée du vin intégrant près de 800 objets de collection accueille également les visiteurs. Le négociant a par ailleurs différé son projet de construction d’hôtel dans la maison de la Gabelle à Condrieu.

Tain-l’Hermitage, Delas Frères, négociant lié aux champagnes Deutz, a accueilli sa vendange 2019 dans un nouveau chai installé en plein centre-ville au sein de l’ancienne villa de la famille Jaboulet. Après avoir acquis l’édifice en 2015, Delas a confié à l’architecte danois, Carl Fredrick Svenstedt, le soin de créer un nouveau chai creusé dans le sol et de le protéger par un étonnant mur autoporteur baptisé Moving Mountain. La villa d’habitation a pour sa part été convertie en suites. Le projet aurait mobilisé un investissement de 18 M€.

Toujours sur Tain-l’Hermitage, Michel Chapoutier a accolé sa devise sur l’enseigne Fac & Spera (« fais et espère ») sur l’enseigne d’un hôtel de la ville. Il vient ainsi de rénover l’établissement pour ouvrir fi n 2019 un 4* flanqué d’un restaurant baptisé le Bistrot de Marius, prénom de l’une de ses cuvées les plus diffusées.

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