Une offre diversifiée et sans complexe

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Les grandes maisons de champagnes comme les vignerons multiplient les cuvées et les démarches de vinification originales afin de mieux valoriser leurs raisins. Cette offre diversifiée intervient à point nommé pour répondre à une clientèle à la recherche d’expériences uniques.

Alors que l’univers de la restauration est en train se départir de tous ses cérémoniaux et de faire évoluer ses codes en profondeur, la position du champagne dans les CHR s’en trouve bouleversée. Le prestige de la boisson demeure auprès de la clientèle, mais le cérémonial qui existe autour de ce vin apparaît aujourd’hui un peu désuet. Alors que la clientèle privilégie des univers décontractés, impromptus et les expériences uniques, le moment solennel et convenu de la coupe de champagne en début de repas semble un peu dépassé.

C’est justement l’occasion pour la boisson des grands moments d’intégrer la liste des petits plaisirs du quotidien. Pourquoi serait-il incongru d’accompagner un plat de bistrot avec une coupe de champagne? Les grandes marques l’ont bien compris. « L’instant champagne doit devenir plus naturel, moins conventionnel », assure Nadia Lelandais, directrice marketing de Nicolas-Feuillatte. Numéro un en France, numéro trois dans le monde, cette marque revendique en France le leadership des ventes de champagne dans les bars et la deuxième place en CHR.

L’entreprise est bien décidée à gagner du terrain dans ce domaine.

Pour ce faire, Nicolas-Feuillatte souhaite présenter une image nouvelle et une proximité des restaurateurs, et pas seulement des grands chefs. On a pu la voir occuper sur Equip Hotel une position stratégique dans le hall 7.2. La nouvelle équipe dirigeante, arrivée il y a un an, a peaufiné une stratégie offensive. Le directeur général, Christophe Juarez, a résumé ses objectifs en trois points : « Nous souhaitons demeurer une marque accessible. Nous voulons montrer que le champagne peut passer à table.

Enfin, nous souhaitons emmener le champagne dans une nouvelle histoire. » La marque coopérative, qui s‘appuie sur les approvisionnements de 4500 producteurs, a dévoilé au printemps le nouvel habillage de ses cuvées. La marque élue « Champagne préféré des Français » veut aller au-delà de cet acquis. Elle souhaite montrer qu’elle est capable d’assembler de très grands champagnes en comptant sur un approvisionnement de crus choisis parmi les 11 des 17 grands crus et 26 des 42 premiers crus. Mais, surtout, au printemps, Nicolas-Feuillatte, a redéfini des gammes mieux adaptées aux évolutions du marché. Ainsi, 13 des cuvées de la maison ont vu leur esthétique et leurs noms complètement repensés dans un objectif de modernité. Désormais, quatre références sont destinées exclusivement à la grande distribution et huit références sont résolument orientées vers le circuit traditionnel. Parmi elles, on remarque la Grande Réserve brut qui incarne ces nouveaux champagnes conçus pour la table avec 80 % de raisins noirs (pinot noir et pinot meunier).

« dentelle de pinot noir ». La démarche du terroir peut être plus recherchée. Les champagnes Pannier viennent de lancer une cuvée Blanc de velours qui allie le chardonnay de la Côte des blancs (72 %), le pinot noir de la Montagne de Reims (20 %) et le pinot meunier de la vallée de la Marne (8 %).

L’heure n’est plus aux grands volumes de bruts uniformes. La champagne retrouve son statut de vin en reflétant les subtiles nuances de son terroir. Ces cuvées particulières apportent une réponse à des consommateurs en quête d’expériences uniques. Les initiatives sont diverses et variées.

Collet présente un champagne non seulement réalisé à partir de pinot meunier, mais exclusivement obtenu à partir de vieilles vignes presque centenaires. Une marque connue pour ses volumes, comme Lanson, dévoile Green Label, un champagne issu de vignobles biologiques. Charles Clément a choisi des raisins issus de la vendange 2007 pour créer une cuvée Natura, exempte de liqueur de dosage.

Charles Legend, présent sur les grandes tables mondiales, va plus loin et satisfait à trois tendances du moment en présentant un brut nature, entièrement réalisé avec du pinot noir, et présentant zéro dosage. Un champagne très pointu, conçu pour les puristes.

Un clos qui produit un coteaux champenois

A contrario, Piper-Heidsieck met en avant sa nouveauté, Riviera, un champagne on ice dosé à 30 g et censé renouveler la consommation du champagne, à l’instar de Piper-Piscine lancé par la maison en 2006. Mais l’heure n’est plus à ces champagnes bling-bling. Les acteurs du champagne ont plutôt tendance à revenir à plus de naturalité, voire aux pratiques originelles. Colin utilise le chardonnay de son clos de Vertus, La Fosse le Loup, planté en 1963, pour créer un vin tranquille sous l’AOC Coteaux champenois. Ce produit, qui porte le nom du clos, est vieilli en fûts de chêne durant près d’un an. Il présente l’originalité d’avoir un bouchon champenois fermé par une agrafe. Une caractéristique que partage la cuvée Authentique, un blanc de blancs du champagne Le Brun de Neuville. Selon cette maison, cet élevage particulier favoriserait la micro-oxygénation du vin et développerait la puissance et la finesse de ses arômes. 5 % du chardonnay est élevé en fûts dont 30 % de vin de réserve. Philippe Gonet va pour sa part reproduire un flacon du siècle retrouvé dans sa cave pour conditionner les deux champagnes de sa collection TER qui allient les vins issus de trois terroirs distincts, vieillis en foudres de chêne. La démarche des maisons de champagnes va jusqu’à épouser les tendances de la restauration. Drappier décline son champagne au gré des saisons dans un coffret de quatre bouteilles : rosé nature (printemps), brut nature (l’été), Carte d’or (l’automne) et Grande Sendrée (l’hiver). La maison s’intéresse en outre à la tendance grandissante de l’orientation de l’alimentation vers le végétal.

Michel Drappier a organisé à la fin de l’été un déjeuner dans le potager d’Alain Passard où il alliait ses divers champagnes avec les recettes du célèbre chef, dominées par les fruits et légumes. Il a pu démontrer à cette occasion que le champagne et les différences de minéralité des cuvées étaient tout indiqués pour ce type d’accords mets-vins.

Les petits vignerons à l’assaut des grandes tables

Dans cette exploration de nouveaux territoires, les vignerons champenois ont une belle carte à jouer. Vincent Genet, qui possède les champagnes Michel-Genet, un domaine de 10 ha, a pris l’initiative depuis deux ans de vinifier les grands crus de son domaine. Pour cela, il a isolé une quarantaine de parcelles qui lui permettent par exemple de produire la cuvée MG BB Spirit, un blanc de blancs aux arômes miellés. On peut également évoquer le champagne Franck-Pascal, un domaine de 7 ha cultivés en biodynamie dont on retrouve les bouteilles dans des restaurants comme Astrance, Arpège, Jean-François Piège. Sur ces cuvées, Franck Pascal affirme miser sur la tension des vins :

« Pour vendanger, nous ne raisonnons pas sur le taux d’acidité du raisin.

Nous attendons qu’il passe de l’acidité à la tension. » Résultat, ses cuvées témoignent d’une vraie originalité : Reliance, son brut nature, présente une étonnante rondeur, d’un beau fruit et d’une bulle très discrète qui intervient simplement pour relever les arômes. Autre vigneron indépendant, Charles Baffard possède un domaine de 6,5 ha. Il vinifie les deux tiers de son vignoble qu’il commercialise sous la marque Bolieu. Il travaille avec la restauration et l’on retrouve ses champagnes sur des tables comme Les Crayères, à Reims. Ces établissements apprécient ses cuvées comme Carnets de Léone, un blanc de blancs extra-brut vieilli six à huit mois en fûts de chêne. Un champagne de gastronomie de haut niveau qui est proposé au prix de 33 euros départ cave et qui peut constituer un atout pour un restaurateur soucieux de surprendre sa clientèle. C’est la raison pour laquelle, à l’avenir, les caves particulières de Champagne peuvent constituer un joli vivier de découverte et d’originalité pour les restaurants.

2018, l’année de la bascule

En 2017, les ventes de champagnes ont représenté près de 307,3 millions de bouteilles. Le marché français, en recul de 2,5 %, absorbait 153,7 millions de bouteilles alors que l’export, en progrès de 3,5 %, arrivait pour la première fois au coude à coude (153,6 millions de bouteilles). Sachant qu’en 2018 cette tendance de recul du marché intérieur et de hausse de l’export se poursuit, les ventes en volumes de champagne à l’étranger devraient dépasser celles conclues sur le sol français. Il faut dire que cette prééminence de l’export en valeur est déjà une réalité depuis de nombreuses années puisque le chiffre d’affaires global de la Champagne (4,9 milliards d’euros) est réalisé à 57 % à l’export.

Des cuvées particulières

D’une manière générale, dans toute la Champagne, grandes maisons et vignerons s’emploient à créer de nouvelles cuvées, issues de sélections parcellaires ou résultats de savants assemblages. Ainsi, dans ses nouveautés de l’année, Leclerc Brillant propose un premier cru d’Hauvilliers, baptisé Basse Prière, du nom de la parcelle d’où est issu ce que la maison qualifie joliment de

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