Vins rosés : l’éloge de la diversité

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Les rosés montent en qualité. Ceux de la région de Provence ont acquis leurs lettres de noblesse. Mais le reste du vignoble français est riche en diversité d’expression pour fournir des vins très originaux.

En 2021, les ventes de vins de Provence rosés ont encore progressé de 9 %. Crédits : Divino Conseils.
Les parisiens consomment plus de vins que le reste de la France. Crédits : Divino Conseils.

Une étude de FranceAgriMer montre que les Français sont les premiers producteurs de rosés au monde et assument près du tiers de la production mondiale, qui culminait à 23 millions d’hectolitres en 2019. Ils sont aussi les premiers consommateurs puisqu’ils absorbent 35 % des volumes mondiaux. En dix ans, ce chiffre a progressé de quatre points.

Certains observateurs estiment cependant que le marché est en train de se normaliser. Il faut reconnaître que la réputation du rosé comme« petit vin accessible »n’est plus de mise. Les prix de ces vins n’ont plus rien à envier à ceux des autres couleurs. En outre, de nombreux vins rosés surtout et notamment en Provence ont gagné leurs lettres de noblesse. Ils commencent à être considérés avec respect par les plus grands sommeliers.

Dopée par ce succès, cette région vinicole a presque oublié qu’elle pouvait produire avec bonheur d’autres couleurs. L’année passée, les ventes de vins de Provence rosés ont encore progressé de 9 %. L’export qui représente près de 42 % des volumes est un puissant levier. Ainsi en dix ans la présence de ces vins sur les marchés étrangers a été multipliée par cinq. Cette région attire de nombreux investisseurs et non des moindres : fortunes du Cac 40, vedettes du cinéma ou milliardaires chinois. En une quinzaine d’années, ils ont acquis des propriétés importantes et ont augmenté de manière significative la qualité de leur production.

Les grands domaines provençaux

Dernièrement, un nouveau domaine a fait surface, le Clos de Caille, avec 30 ha de vigne et un chai signé par le célèbre architecte Rudy Ricciotti. Les premières bouteilles sont très convaincantes.En réalité, cette entité n’est pas néeex nihilo. Le domaine était depuis 30 ans la propriété de la famille monégasque Mariotti qui vendait jusqu’à présent les raisins aux grands noms alentour. Depuis quelques années, cette famille a décidé de produire son propre vin.

De même le domaine de la Navicelle, aux mains depuis 30 ans de la famille Kamprad, propriétaire d’Ikea, a décidé, selon ses propres termes, d’effectuer« un virage à 360 ° avec l’arrivée d’Alice Euvrard, directrice commerciale, et Romain Magnanou, chef d’exploitation »,afin de positionner la Navicelle parmi les grands noms de ce vignoble. La forte demande à l’export des rosés provencaux fait s’envoler les prix. Et les faibles vendanges 2021 et 2022, même si la région est moins touchée que la moyenne, n’arrangent pas les choses. D’autres régions doivent être désormais prises en considération et pas seulement Tavel, Sancerre ou alors l’Anjou.

Se réorienter vers le rosé

Beaucoup de vignobles qui n’ont pas de tradition sur cette couleur, abandonnent aujourd’hui partiellement leur production de rouges pour s’orienter vers les rosés. Ces transitions ne sont pas toujours heureuses, mais certaines sont remarquables à l’image du virage pris par la Maison Lorgeril. Elle détient six domaines qui s’étendent sur 250 ha en Languedoc (autour de l’AOC cabardès) et vient d’accroître significativement la part des rosés.« C’est une lame de fond à laquelle j’ai longtemps résisté, mais il y a cinq ans, j’ai pris conscience qu’il fallait évoluer. Le rosé est devenu le champagne de l’après-midi »,explique le dirigeant, Nicolas de Lorgeril. Pour opérer cette conversion d’une partie de son vignoble, il a décidé de remettre en question sa façon de conduire la vigne et de vendanger. Il a aussi tenu à élaborer des vins expressifs, parfois plus colorés que la norme actuelle.

Cet exemple n’est pas isolé, beaucoup de vignobles français présentent aujourd’hui des offres structurées, bien adaptées à la diversité de la demande et aux différentes occasions de consommation. Ainsi, en Loire, Bourgueil, dans sa dernière campagne, positionne ses rosés (5 % de l’AOC) l’été en vantant leur caractère« sec, mais aussi aromatique et fruité »… et« parfois relevé par des notes d’agrumes ou de poivre ».dans la même région, les rosés de Loire (cabernet d’Anjou et rosés d’Anjou), plus opulents, donnent rendez-vous aux consommateurs en automne avec des vins comme celui des Deux Moulins, qui présente le fruité intense d’un monocépage grolleau noir.

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