Cultiver les morilles, une démarche presque scientifique

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La morille est un des champignons les plus appréciés… et les plus chers. Sa culture serait possible, comme l’affirme Christophe Perchat, directeur de la société France morilles, spécialisée dans la vente de mycélium et l’accompagnement technique des producteurs. Dans le Tarn-et-Garonne, Frédéric et Béatrice Ducasse se sont lancés dans l’aventure.

Dans la nature, les coins à morilles sauvages répondent à trois critères constants : ni vent, ni lumière directe, et un taux d'humidité régulier et élevé.
Dans la nature, les coins à morilles sauvages répondent à trois critères constants : ni vent, ni lumière directe, et un taux d'humidité régulier et élevé. Crédits : France Morille

Farouchement sylvestre, la morille a longtemps résisté à toute tentative de domestication. Depuis plus d’un siècle, cultiver le précieux champignon fait pourtant rêver les scientifiques et surtout les gastronomes. Aujourd’hui, certains continuent d’expérimenter la méthode du baron d’Yvoire, mise au point en 1889… avec plus ou moins de succès. Christophe Perchat, lui, s’est tourné vers la Chine. Dès 2008, ce passionné de champignons s’intéresse de près aux progrès des Chinois en la matière. L’Empire du Milieu est le premier exportateur mondial de morilles.

En effet, leur comportement sous serre y est étudié depuis 30 ans et la maîtrise de la culture y est très aboutie. En 2009, Christophe Perchat se rend sur place accompagné par l’Institut national de la recherche agronomique. À son retour, il a dans ses bagages un droit d’exploitation exclusif des brevets de culture et une ambition, bâtir une filière morilles 100 % française et de qualité.

La culture des morilles respecte un cahier des charges précis.

La morille peut se cuisiner farcie, comme ici au restaurant L'Ominvore à Montauban.

Christophe Perchat au centre, directeur de France morilles, lors d'un voyage en Chine

« Pour cela, nous vendons aux producteurs une licence, les blancs de semis nécessaires pour ensemencer la terre et un accompagnement technique expert, détaille celui qui est aujourd’hui le directeur de la société France Morilles. Sa méthode ? « Dans la nature, les coins à morilles sauvages répondent à trois critères constants : ni vent, ni lumière directe, et un taux d’humidité régulier et élevé. L’objectif est de recréer ces trois conditions en serre pour que le mycélium se développe. »

Une centaine de licenciés en France et à l’étranger

Lauréate du concours national France Agrimer 2015 dans la catégorie « Initiatives innovantes dans l’agriculture et l’agroalimentaire », l’entreprise revendique aujourd’hui plus d’une centaine de licenciés professionnels en France et à l’étranger. Dans le Tarn-et-Garonne, Béatrice et Frédéric Ducasse tentent depuis deux ans l’aventure.

iBéatrice et Frederic Ducasse, producteurs de morilles. Crédits : Peuriot Ploquin
Béatrice et Frederic Ducasse, producteurs de morilles. Crédits : Peuriot Ploquin

« C’est en voyant un reportage sur Christophe Perchat que nous avons eu le déclic, raconte le couple. Coïncidence, quelques jours plus tard, des morilles poussaient dans notre jardin ! On a pris ça comme un signe. » En reconversion après la vente de leur entreprise, tous deux éprouvent l’envie de retrouver une activité liée à la terre. Ils s’installent sur d’anciens pâturages bordés d’arbres, près d’une source.

Sentir la terre pour cultiver les morilles

Des tunnels de culture sont montés et mis en condition « sous-bois ». « Un sacré challenge. Il faut vraiment “sentir” la terre, contrôler l’hygrométrie toutes les deux heures… C’est une culture pointue, il faut accepter les échecs. » Favorisée par le climat local, la pousse démarre à la mi-février et se poursuit jusqu’au début d’avril. « À ce stade c’est une surveillance de tous les instants » , insistent Béatrice et Frédéric.

Le couple a sélectionné cinq souches de mycélium originaires d’Aquitaine et de Dordogne, notamment une permettant d’obtenir 30 à 50 g pièce, voire plus, de morilles particulièrement grosses et trapues. Par l’entremise d’un producteur de fruits voisin, le couple livre plusieurs étoilés parisiens, notamment Pierre Gagnaire et Bruno Verjus, mais aussi des tables locales comme l’Omnivore, à Montauban, où le chef Antoine Labroche les prépare farcies. Prix de vente en frais : 100 € le kg. Selon Christophe Perchat, les surfaces cultivées en morilles augmenteraient chaque année. L’ambitieux mycologue serait-il en passe de gagner son pari ?

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