Hôtellerie Lifestyle : un segment devenu incontournable

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Une conférence organisée par Extenso et Deloitte le 21 avril dernier a permis de revenir sur les tendances de l’hôtellerie en cette période de reprise du tourisme international. La crise sanitaire a consacré la réussite d’un segment devenu incontournable, celui de l’hôtellerie lifestyle qui propose aux clients une expérience d’hébergement personnalisé aux antipodes d’une offre standardisée.

L'hôtellerie Lifestyle est devenue incontournable à la faveur de la crise sanitaire.
Dans les hôtels The Hoxton, près de la moitié du chiffre d’affaires est réalisé grâce aux boissons et la restauration.

Organisée par In Extenso Tourisme, Culture et Hôtellerie, en partenariat avec Deloitte, la conférence annuelle des tendances de l’hôtellerie réunit chaque année les principaux acteurs du secteur : investisseurs, développeurs, banques, opérateurs ou encore acteurs publics, pour tirer les grands enseignements de l’année écoulée et échanger sur les orientations et perspectives du secteur.

À l’occasion de l’édition 2022, qui a réuni près de 600 participants, Olivier Petit (associé chez In Extenso Tourisme, Culture et Hôtellerie), Béatrice Guedj (directrice de la recherche et de l’innovation chez Swiss Life Asset Managers) et Aoife Roche (directeur commercial chez STR) sont revenus sur les performances du secteur en 2021 et sur les perspectives de développement pour 2022. Surtout, Kenneth Macpherson (CEO Europe, Middle East, Asia and Africa d’IGH Hotels and Resorts), Philippe Baudry (P-DG Artea Group), Matthieu Brivet (directeur général du groupe Steller Hôtels) ou encore David Heijligers (directeur général du développement France et Benelux chez Hilton) ont évoqué à l’occasion de tables rondes les défis auxquels fait face le secteur ainsi que les nouveaux modes de gestion déployés par les hôteliers dans un contexte où l’offre hôtelière lifestyle devient omniprésente.

Un concept en plein essor

Dans un établissement dit « lifestyle », l’accueil est décontracté et le personnel au petit soin. La décoration ou même les odeurs et la musique participent activement à la singularité du séjour et enrichissent l’expérience. Autre caractéristique typique : l’importance de la restauration et du divertissement qui représentent à eux deux au moins 45 % du chiffre d’affaires de l’hôtel. Aujourd’hui, tout comme Mama Shelter, l’hôtellerie lifestyle a essaimé dans le monde entier avec la création de nouvelles marques. Une croissance exponentielle puisque entre 2014 et 2019, le nombre de chambres disponibles a plus que doublé (de 115 000 à 240 000), selon le groupe Accor.

Un partenariat stratégique

Le lifestyle s’incarne notamment dans l’offre du groupe britannique Ennismore rejoint récemment par Accor. En fin d’année dernière, le Français Accor a en effet trouvé un accord avec Ennismore afin de prendre le contrôle d’une coentreprise réunissant ainsi 12 marques hôtelières et de coworking, auxquelles s’ajoutent plus de 150 restaurants et lieux de vie nocturne. Parmi ces marques, on retrouve des enseignes économiques avec Jo & Joe et Tribe ; et surtout un riche portefeuille de marques lifestyle comptant par ailleurs The Hoxton, Gleneagles, SO/, Mama Shelter, 25 Hours, 21c Museum Hotels, Delano, Mondrian, SLS et Hyde.

iUne chambre du Mama Shelter de Lille.
Une chambre du Mama Shelter de Lille.

« Notre fierté, c’est que ces marques ont été créées par leurs fondateurs respectifs. La famille Trigano pour Mama Shelter, Christophe Hoffmann pour 25 Hours, Sharan Pasricha pour The Hoxton. L’idée, c’est de réussir à garder les fondateurs car ce sont eux qui parviennent à développer ces marques et à recruter différemment. Le but, c’est aussi que ces enseignes conservent leur identité et leur positionnement », explique Nicolas Stachowiak, directeur développement Europe chez Ennismore.

« Nous travaillons quasi exclusivement avec des contrats de management hôtelier [un contrat entre une société, le gestionnaire, et un propriétaire d’hôtel, au titre duquel le gestionnaire assume l’entière responsabilité de la gestion opérationnelle de l’hôtel, NDLR] , mais nous avons ouvert la franchise pour les marques Tribe et Jo & Joe. L’idée, c’est de garder la main sur le marketing, la communication ou le recrutement, des composantes essentielles de la marque », ajoute-t-il.

Démonstration de cocktail en chambre, musique live et repas en chambre, tout est bon pour séduire les clients.

Durant la crise sanitaire, ces différentes enseignes sont parvenues à renforcer leur modèle malgré une période qui, comme pour tout le monde, « a été compliquée » mais durant laquelle Ennismore « a tiré son épingle du jeu » , principalement grâce à sa capacité à créer l’événement et à générer des séjours longs à l’occasion de la Saint-Valentin ou d’événements sportifs ; « autant de rencontres qui ont parfois permis d’atteindre les 100 % de taux d’occupation, y compris durant la Covid ». Là où l’hôtellerie standardisée ne propose que des services classiques, il s’agit chez Ennismore de « générer de l’événement à l’intérieur de l’hôtel et dans chaque chambre » : démonstration de cocktail en chambre, musique live et repas en chambre, tout est bon pour séduire les clients.

Selon les établissements, 45 à 65 % du CA sont générés par la restauration. « C’est un modèle que nous avons consolidé, y compris grâce à la livraison. Au moment de la reprise, le chiffre d’affaires a été relancé plus rapidement », dévoile Nicolas Stachowiak. La fréquentation des hôtels est confortée par le design, puisque ces différentes enseignes, Mama Shelter en tête, ont coutume de proposer des lieux permettant d’inonder de photos les réseaux sociaux. Ennismore se développe en ce moment même dans diverses métropoles régionales à l’instar de Rennes ou de Nice, avec des taux de réservation en direct insolents (40 % pour The Hoxton et 70 % pour Mama Shelter).

Un segment qui fait des émules

La conférence annuelle des tendances de l’hôtellerie a également permis de découvrir de nouveaux acteurs, comme Matthieu Brivet, du groupe Steller Hôtels, créé en 2017 par Martine Kampf, la fille de Serge Kampf, fondateur de Capgemini, et ses fils. « Ces derniers ont choisi de mener une aventure ensemble autour d’un projet hôtelier. Il s’agissait de construire une hôtellerie vivante et décontractée. Pour résumer les choses avec un terme convenu : lifestyle. Aujourd’hui, nous disposons de quatre établissements et deux ouvertures sont prévues pour 2023 », se félicite Matthieu Brivet. Le groupe Hilton était représenté par David Heijligers. Si Hilton ne fait pas figure de nouvel intervenant, il demeure peu présent sur le Vieux Continent. Le groupe gère 6 800 établissements dans une centaine de pays, dont 500 en Europe et seulement une vingtaine en France.

David Heijligers note que la crise sanitaire a changé la donne. « Il y a un engouement des clients pour les loisirs avec une expérience hôtelière globale. À cela s’ajoute l’émergence du télétravail qui devrait augmenter les flux dans le secteur de l’hôtellerie. En parallèle, on constate un attrait croissant des investisseurs sur des produits à dimension lifestyle, loisir ou bien-être » , livret-il. Selon lui, la tendance qui se dessine est celle des séjours longue durée et « il y a encore dix ans, l’hôtel standardisé désaisonnalisé régnait tandis que l’hôtellerie de loisir était réservée à des acteurs spécialisés et constituait un marché de niche ». Contrairement à d’autres opérateurs hôteliers qui choisissent de déléguer la gestion, Maisons Pariente a choisi d’être propriétaire et opérateur de boutiques-hôtels en France, tous classés en 5*.

Guy Bertaud, son directeur général, prépare l’ouverture d’un nouvel établissement dans le Marais. Il constate lui également une mutation de l’offre, conséquence du développement de l’hôtellerie lifestyle : « Nous assistons à une fusion de l’hôtellerie de business et de loisir. Cette tendance, nous la retrouvons dans nos hôtels avec des clients qui viennent d’abord pour le loisir et finissent par revenir pour télétravailler. »

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