Spiritueux français : après une année 2023 difficile, 2024 s’annonce incertaine

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Les spiritueux ont connu durant l’année 2023 de nombreux vents contraires, comme l’a déploré la Fédération française des spiritueux (FFS).

Les acteurs français du monde des spiritueux ont connu durant l’année 2023 de nombreux vents contraires. Crédit : Unsplash.
Les acteurs français du monde des spiritueux ont connu durant l’année 2023 de nombreux vents contraires. Crédit : Unsplash.

Les acteurs français du monde des spiritueux ont connu durant l’année 2023 de nombreux vents contraires. C’est ce qui ressort de la conférence de presse de ce jour organisée par la Fédération française des spiritueux (FFS), en présence de son président Jean-Pierre Cointreau et de son directeur général Thomas Gauthier. Les spiritueux, à l’image du reste des alcools, souffrent d’une baisse de la consommation, aussi bien en hors domicile qu’en grande distribution.

« Les CHR représentent seulement 10% des volumes des spiritueux vendus mais constituent un vecteur de communication et d’expérience très important », a indiqué le président. Le chiffre de 21,1 millions de litres, en baisse de 2% par rapport à l’année 2022, est avancé mais il ne représente que 70% du marché, à travers les sorties enregistrées par les grossistes. « Annoncer une bouteille sur 10 est plus global », a-t-il donc résumé.

Les catégories les plus impactées : whiskies, rhums et anisés

La baisse se révèle plus importante du côté des rhums (18,2% des volumes, -6,5%), des whiskies (11,5% des volumes, -9,5%) et des anisés (8,5% des volumes, -7,6%). Les alcools blancs, qui représentent 23,2% des volumes ont quant à eux connu une légère baisse de 1,8%. À l’inverse, les liqueurs et crèmes de fruits (22,5% des volumes) ont connu une croissance de 2,2% (bien aidées par la liqueur de sureau), tandis que les amers blonds (6,9%, +6,5%) et bruns (3,4%, +5,3%) sont également à la fête.

La consommation de cocktails connaît un ralentissement, selon la FFS, sauf les recettes de spritz « qui restent très dynamiques (+17,2%) ». De plus, les apéritifs sans alcool (0,6%, +28,1%) et cocktails et prêt-à-boires (0,9%, +17,5%) ont connu les plus fortes croissances. « Le sans alcool correspond à des volumes limités, d’où un fort pourcentage de croissance. Mais il s’agit d’une tendance que toutes les entreprises surveillent, voire accompagnent à travers leurs créations. Nous n’avons pas fini d’en voir », a estimé Jean-Pierre Cointreau.

Après l’euphorie, un retour à la normale

Malgré le constat de la baisse sur un an, les volumes de 2023 ont connu une hausse de 5,3% par rapport à ceux de 2019. « Les spiritueux sont les seules boissons alcoolisées qui ont dépassé leur niveau pré-Covid, s’est d’ailleurs félicité Thomas Gauthier. Cela reste donc positif par rapport à l’année de référence que constitue 2019. » L’année dernière a également représenté un retour à la normale, après une période d’euphorie liée à la sortie de la pandémie et la reprise d’activité des CHR.

« Nous étions sur des hausses à deux chiffres avec la réouverture des CHR. Nous sommes maintenant davantage dans la réalité du marché », a confirmé le directeur général. En outre, 53% des consommateurs ont réduit leurs sorties en CHR sur le dernier trimestre 2023, un chiffre en hausse de 10 points par rapport à 2022. Ce qui permet d’expliquer la baisse de consommation qui touche plus fortement certaines catégories.

En grande distribution par ailleurs, la dynamique se révèle négative, avec une baisse pour la troisième année consécutive : -4,3% en volume entre 2022 et 2023 pour 251 millions de litres, et -9,6% entre 2020 et 2023. Tout comme sur le circuit CHR, les whiskies (37,9% des volumes, -5,20%), les anisés (19,7%, -5,97%), les alcools blancs (11,1%, -1,68%) et les rhums (14,1%, -3,91%) ont reculé. De plus, la valeur a connu une très légère progression, de 0,02%, pour s’établir à cinq milliards d’euros en 2023. Les whiskies (42,5%, -1,73%) représentent la part la plus importante, devant les anisés (19,2%, -2,34%), les rhums (14,3%, +0,96%), et les alcools blancs (11,3%, +3,91%).

L’export marque le pas

Quant à l’export, dont la moitié de la production française est destinée, le marché a également connu une année morose avec une chute de 13,2% en volume et de 12,2% en valeur, pour atteindre les 406 millions de litres et les 4,8 milliards d’euros. Le cognac, qui représente 70% de la valeur a connu une baisse conséquente de 14,8%. Le constat est le même en volume : il a baissé de 21,12% pour correspondre à 28,7%.

« Après une très bonne année 2022, les spiritueux ont connu une régression en 2023. Les premiers chiffres de 2024 montrent certains signes de reprise mais celle-ci ne concerne pas toutes les catégories. Le cognac reste à la peine parce que le marché chinois n’a pas encore redémarré et les États-Unis continuent d’utiliser leurs stocks », a ainsi analysé le président de la FFS. En outre, l’Amérique du Nord représente 33% des exportations de spiritueux en valeur et l’Asie 34%.

« Les difficultés pour 2024 sont devant nous avec des incertitudes aux États-Unis avec les élections présidentielles, et en Chine avec cette enquête anti dumping qui peut avoir des conséquences. Deux tiers de la valeur de nos exportations sont classés à risque », a complété Thomas Gauthier.

Un contexte de tension économique

Les résultats commerciaux s’inscrivent par ailleurs dans le contexte d’une tension économique particulière avec une hausse continue des coûts de production, sur les matières sèches, comme sur l’énergie. La FFS avance une augmentation comprise entre 5% et 25% pour 80% des entreprises du secteur. Néanmoins, « les négociations ont été compliquées avec la grande distribution et les entreprises n’ont pas répercuté ces hausses et ont donc pris sur leurs marges », a déploré Jean-Pierre Cointreau.

Face à ce constat, la fédération a tenu à rappeler l’importance du secteur des spiritueux dans l’économie nationale, à travers l’étude Utopies réalisée en 2023. Les activités de production, négoce et vente de spiritueux génèrent donc un PIB de 17 milliards d’euros et représentent 151.500 emplois en France. De plus, les spiritueux nécessitent quatre millions de tonnes de matières premières en France, dont 1,9 million de tonnes de raisin, ce qui représente un tiers de la production française, mais également 860.000 tonnes de cannes à sucre. Et parmi les 151.500 emplois soutenus en France, 11.000 équivalents temps plein ont trait aux CHR et représentent ainsi 2% des emplois de ce secteur.

Enfin, face aux différents enjeux, la FFS a exprimé « la nécessité absolue d’une stabilité fiscale », comme l’a souligné Thomas Gauthier, alors que les taxes représentent 71% du prix de vente et que « le consommateur est ultra sensible à son pouvoir d’achat ». La fédération a également souhaité des mesures de simplification administrative afin de dynamiser les PME qui représentent 95% des entreprises adhérentes, ainsi que la préservation des règles des marchés harmonisés dans l’Union européenne.

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