Tout ce qu’il faut savoir pour cuisiner avec des lames aiguisées

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L’aiguisage des couteaux a autant d’importance que l’entretien du fourneau ou de la batterie de cuisine. Pourtant, il est souvent approximatif ou expéditif, ce qui nuit à la fois au matériel mais aussi à l’efficacité du cuisinier. Une coupe franche, qui ne demande pas d’effort, est le fruit d’un travail précis, sur le fil du rasoir.

Illustration aiguisage.
Illustration aiguisage. Crédits : AtelierDoma

Le couteau, c’est le prolongement de la main du cuisinier. Pour autant, son savoir-faire ne sera pas d’une grande aide si ses couteaux ne sont pas à la hauteur. Une cuisine précise implique des lames affûtées et entretenues jour après jour. Les méthodes d’affûtage sont nombreuses. Mais toutes ne sont pas accessibles aux novices ni forcément adaptées à tous les types de couteaux.

Du remoulage traditionnel au fusil, en passant par la pierre à aiguiser et les aiguiseurs assistés, comment préserver le tranchant de ses couteaux ? « La culture de l’affûtage en France est encore très tournée vers la meule et le fusil, constate Marina Menini, affûteuse de couteaux fondatrice de l’Atelier Doma, à Paris, et spécialiste de l’aiguisage sur pierre. Pourtant, ce sont des techniques assez peu précises dans la mesure où elles ne permettent pas d’affûter les couteaux de manière différente selon leur usage. »

Cette question est en effet primordiale au moment de choisir son outil d’aiguisage. Selon le type de couteau, son état et l’intention de l’utilisateur, la méthode nécessaire ne sera pas la même. « On peut faire appel à un rémouleur, mais uniquement lorsque c’est nécessaire. Ils utilisent généralement un abrasif de 80 qui enlève pas mal de matière sur les couteaux, ils réduisent donc très vite. En comparaison, pour un affûtage sur pierre, le grammage minimum est de 200. »

L’angle d’aiguisage, un point clé

Connaissez-vous l’angle de vos couteaux ? C’est primordial pour ne pas les abîmer et préserver leur efficacité. Une majorité présente un angle de 20° par côté, mais certains couteaux japonais se situent plutôt autour de 15°. Il est conseillé de vérifier dès l’achat l’angle du couteau pour son futur entretien. L’aiguisage sur pierre, par définition manuel, constitue sans doute la méthode la plus précise puisqu’elle permet de contrôler la vitesse, la pression et l’angle de travail. Quant à la fréquence, les experts sont unanimes, impossible de déterminer une fréquence type d’affûtage.

« Tout dépend de la planche, de la fréquence d’utilisation du couteau et du ressenti de l’utilisateur, atteste Marina Menini. La seule chose que je conseille, c’est d’éviter d’attendre qu’il ne coupe plus du tout ! » Dans ce cas, pas d’autre solution que de le confier à un spécialiste. « Plus le fil d’un couteau est fin, plus il faut l’affiler fréquemment, précise Jérôme Brutus, directeur commercial chez Fischer-Bargoin, dernier fabricant français de cet outil. Dans les boucheries d’abattoir par exemple, les couteaux sont affilés toutes les minutes. »

Pierre ou fusil ?

Ce choix ne se fait pas à la courte paille puisqu’il obéit à des critères techniques. « Il vaut mieux éviter le fusil sur les aciers durs, comme ceux des couteaux japonais, car il y a un risque de casse, souligne Marina Menini. C’est plus adapté sur l’acier tendre des couteaux européens pour redresser et dégraisser la lame. » Concernant les pierres à aiguiser dont elle s’est fait une spécialité, elle recommande de se tourner vers des pierres synthétiques, dont l’utilisation est plus accessible.

« Elles sont fabriquées en fonction des couteaux qu’on trouve dans le commerce, c’est donc plus adapté pour les novices, alors que les pierres naturelles sont beaucoup plus complexes à utiliser. »

Il existe différents grammages de pierres qu’on choisit en fonction de l’état de la lame. Il est donc intéressant de s’équiper de plusieurs pierres, par exemple un gros grain autour de 200, un grain moyen de 1 000, le plus polyvalent, et un grain fin de 4 000 pour un affilage très régulier. « Plus ce sera progressif, meilleur sera le résultat », confirme la spécialiste de l’Atelier Doma. La logique est sensiblement la même pour le fusil à aiguiser.

Bonnes pratiques pour entretenir son couteau. Crédits : Au Coeur du CHR.
Bonnes pratiques pour entretenir son couteau. Crédits : Au Coeur du CHR.

« Plus on entretient les couteaux, moins on force et moins on risque de blessures et de troubles musculo-squelettiques », souligne Jérôme Brutus chez Fischer-Bargoin. L’entreprise a récemment fait d’importants investissements pour augmenter sa capacité de production et rapatrier en interne toutes les étapes de fabrication des fusils à aiguiser.

« En cuisine, on utilise généralement un fusil diamant pour son côté plus abrasif. Mais pour les chefs qui cherchent un tranchant plus fin, je conseille d’aller sur des modèles comme le taillage fin, sans doute le plus polyvalent. Les fusils extra-fins seront adaptés à des couteaux utilisés intensivement et ont moins de sens pour les cuisiniers. » On choisit un fusil de la taille du couteau le plus long, généralement 30 cm pour être capable d’entretenir un couteau Chef. La qualité du produit se joue par ailleurs sur celle de l’acier utilisé qui doit « être très dur, 63 ou 64 HRC, pour résister à des lames elles aussi très résistantes ».

Les détails, comme une garde en plastique ou en métal, feront également la différence, en matière de prix et de longévité. Quant à la forme, ovale ou ronde, le premier offre un affilage plus doux car davantage de stries passent en même temps sur le couteau ; le second offre un peu plus de grattant en taillage fin et une durée de vie plus longue car on utilise toute la circonférence de la mèche.

Que valent les alternatives ?

On trouve également sur le marché des aiguiseurs à bande ou aiguiseurs rapides. Ils sont en effet très pratiques à utiliser mais laissent sceptiques les spécialistes : « Ces aiguiseurs travaillent seulement en surface et ne peuvent absolument pas réparer un couteau émoussé, ils n’enlèvent pas assez de matière. » On parle donc dans ce cas plutôt d’affilage, avec un angle prédéterminé. « C’est la limite de ces outils, on ne peut pas choisir l’angle de travail », note Jérôme Brutus.

Le système d'aiguisage de l'entreprise allemande Horl 1993.
Le système d'aiguisage de l'entreprise allemande Horl 1993. Crédits : HORL, Markus Ruf

Une entreprise allemande, Horl 1993, a pour sa part trouvé un entre-deux en mettant au point un système d’aiguisage assisté surprenant. Stabilisée par un aimant selon l’angle choisi, la lame est aiguisée à l’aide d’un rouleau en pierre diamant puis en céramique.

Le système, conçu par l’entreprise allemande, mise sur un support aimanté, définissant l’angle (15° ou 20 °), et sur un cylindre muni d’une surface diamantée pour aiguiser facilement et avec précision en le faisant simplement rouler d’un bout à l’autre de la lame. L’autre face du cylindre, en céramique (ou acier inox sur le Horl®2 Cruise), permet la finition.


La surface diamant convient à tous types de lames aciers, que ce soit pour un simple affilage ou pour un aiguisage plus sérieux. La version Pro dispose d’un engrenage planétaire permettant un aiguisage trois fois plus rapide. L’entretien des couteaux ne doit donc pas être laissé au hasard. De bonnes habitudes évitent un passage trop systématique au remoulage qui, s’il est incontestablement efficace, use prématurément les couteaux.

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