Les desserts gagnent du terrain

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Peu considérés il y a encore quelques décennies, les pâtisseries et les desserts à l’assiette se sont fait une place de choix en restauration. Ils incarnent même une facette luxueuse de l’art culinaire et de la gastronomie française. De plus, les fournisseurs et les chefs pâtissiers sont désormais soucieux de proposer des desserts moins sucrés.

desserts
Image d'illustration. Crédits : Frosty Ilze

La ferveur autour de la pâtisserie et des desserts se confirme aujourd’hui dans le secteur de la restauration… bien que la réalisation d’offres sucrées artisanales fasse souvent les frais du manque de personnel. Ce constat concerne moins les établissements haut de gamme et les tables gastronomiques. Ces derniers aiment à conforter leurs chefs pâtissiers et mettre en valeur leur virtuosité. Un enthousiasme que l’on retrouve également auprès de la clientèle de cette catégorie d’adresses. « Les gens ont redécouvert la pâtisserie avec les émissions de télévision. Dans mon dernier poste en salariat, j’étais pâtissière à Mojo, dans le 17e arrondissement de Paris, où j’étais installée sur un îlot au milieu des clients. Et les gens adoraient regarder ce que je faisais. Il y a un certain engouement pour la pâtisserie, que l’on observe même sur les réseaux sociaux », explique Margot Delacroix, désormais cheffe et propriétaire du restaurant Acmé (Paris, 11e).

Le rapport aux desserts, aux pâtisseries et aux créations boulangères, semble en effet plus accessible que peut l’être la gastronomie à travers ses plats salés. Notamment vis-à-vis des touristes étrangers, qui aiment déguster des pâtisseries ou des desserts dans les restaurants, les hôtels et les salons de thé – particulièrement à Paris, dont la renommée est incontestée. Ce que confirme François Perret, chef pâtissier du Ritz (Paris, 1er) et à l’origine du Ritz Comptoir, boutique attenante à l’hôtel 5 étoiles où sont vendus ses madeleines fourrées, entremets et autres millefeuilles. « La haute pâtisserie sera toujours plus accessible que la haute cuisine […] Le Ritz s’ouvre sur Paris, cela va avec l’air du temps », confiait l’an dernier le Meilleur pâtissier de restaurant du monde 2019 (élu par Les Grandes Tables du Monde), dans un article de La Nouvelle République. « Le mode de consommation évolue sur le sucré, les gens s’habituent à acheter des pâtisseries dans des hôtels 5 étoiles », ajoute dans cet article Yann Brys, pâtissier du groupe d’hôtels Evok Collection, dont deux établissements ont des boutiques de pâtisseries.

Le luxe, une figure de proue

Depuis quelques années, les visages de la pâtisserie française sont incarnés par des chefs starisés, comme pouvaient l’être avant eux les représentants de « la nouvelle cuisine »: Paul Bocuse, les Troisgros, Michel Guérard, Joël Robuchon… Mais aujourd’hui, ces chefs sont aussi des pâtissiers. Ils se nomment Cédric Grolet, Maxime Frédéric ou encore François Perret. Et évoluent tous dans l’univers du luxe parisien, au sein de grands hôtels que sont respectivement Le Meurice, le Cheval Blanc et le Ritz. Leur travail est plébiscité, admiré et relayé médiatiquement sur les réseaux sociaux, via des documentaires ou encore des séries. Actuellement, le chef normand Maxime Frédéric crée les collections de desserts Louis Vuitton (propriété du groupe LVMH, comme le Cheval Blanc), dans un espace dédié du musée temporaire LV Dream, conçu par la marque française pour ses 160 ans. L’hôtellerie de luxe et les palaces mettent en avant ces chefs pâtissiers, dont certains vont même jusqu’à proposer des menus entièrement sucrés.

Les gens recherchent plus l'équilibre aujourd'hui
Margot Delacroix, Cheffe du restaurant Acmé

Comme le fait Sébastien Vauxion, chef du Sarkara – 2 étoiles Michelin – au K2 Palace de Courchevel (Savoie). « Du jamais vu, ou presque ! Ses créations autour des fruits et légumes (associés aussi aux laitages, au chocolat ou au café) se révèlent ébouriffantes, marquées par des jeux de saveurs complexes », le félicite le Guide rouge. Une proposition que souhaite faire sienne Margot Delacroix dans sa petite table parisienne, Acmé, où l’offre gastronomique se veut plus accessible financièrement. « On essaie tout le temps d’amener les gens à prendre un dessert : c’est ça découvrir le coeur d’Acmé. Et il y a toujours un effet “Wow”, note la cheffe de 28 ans, pâtissière de formation. Les gens recherchent plus l’équilibre aujourd’hui. C’est là-dessus que l’on m’a beaucoup félicitée. À terme, j’aimerais proposer un menu dégustation de desserts, en quatre ou cinq temps. »

Rentabilité

Si la note sucrée en fin de repas est parfois délaissée par les clients, les desserts restent des moments de plaisir qui ravissent les gourmands et les curieux. Quant aux professionnels et aux chefs, qui réalisent eux-mêmes leurs pâtisseries et entremets, cela peut être une source de rentabilité et de bénéfices. « En coût “matière”, ce n’est pas très élevé, c’est le matériel qui est cher. Pour le coût d’un dessert, je suis souvent en dessous d’un euro. Mais une cellule de refroidissement, indispensable en pâtisserie, s’élève à environ 5.000 euros », confie Margot Delacroix. Lorsque le matériel et les équipements de cuisine ne sont pas à disposition des CHR ou qu’il manque de personnel, ils peuvent faire appel à des fournisseurs proposant des produits adaptés. Artisan glacier à sa création en 1983, La Compagnie des Desserts, basée à Lézignan-Corbières (Aude), fournit et distribue aujourd’hui ses produits à près de 14.000 clients en restauration hors foyer sur toute la France, dont 60% de restaurants à table. « On observe une consommation qui s’étend sur la journée, et de plus en plus de desserts sont vendus. Le dessert est une belle façon de fidéliser un client et d’augmenter son ticket moyen. Alors que les ventes d’alcool sont en diminution, je pense que c’est un bon axe de développement pour nos clients », estime Sylvain Bertrand, directeur général de La Compagnie des Desserts.

Moins de sucre

Les propositions classiques de desserts – moelleux au chocolat, tiramisu, panna cotta, crème brûlée – sont encore très sucrées aujourd’hui. Mais les consommateurs, de plus en plus soucieux de leur santé, sont en quête de produits réduits en sucre. « Il y a une évolution dans le goût des gens, qui recherchent plus l’équilibre et le minimum de sucre », note Margot Delacroix. La cheffe, qui aime « travailler les légumes », continue à offrir des desserts moins sucrés à la carte. Spécialiste du secteur de la restauration – et grâce au travail de Philippe Urraca (pâtissier et Meilleur Ouvrier de France), son chef exécutif depuis 2011 – La Compagnie des Desserts dispose de dizaines de références pour ses clients CHR : gaufres, tartes aux pommes, fonds de tarte, babas au rhum, cheesecakes, mi-cuits… Et se veut aussi à l’écoute des tendances. « Nous couvrons les marchés de niche. Et avec notre collaboration avec Les Belles Envies, des pâtissiers qui proposent des produits à indice glycémique bas [afin de réduire le taux de glucides dans le sang, NDLR] en se tournant vers des sucres bruts, non raffinés ou des sucres de coco ou d’agave, nous avons développé un brownie », explique Sylvain Bertrand. Cet « Incroyable brownie » est l’un des symboles des produits adaptés à une consommation plus responsable, à laquelle veut répondre aujourd’hui l’entreprise occitane.

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