Le rôle crucial des consultants

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Comme complément d’activité ou par volonté de transmettre leur passion, les chefs sont nombreux à se lancer en tant que consultant. Pour ouvrir un établissement, gérer un restaurant en crise, renouveler une carte ou encore former le personnel, leur métier touche-à-tout leur permet de se révéler bons conseillers. Rencontres.

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Forts de leurs expériences, les chefs sont nombreux à devenir consultants pour les restaurants. Crédit : Unsplash

Un hôtel-restaurant des Landes a fait appel à Lucas Mendes. Alors que la partie hôtellerie tourne bien, l’établissement souhaiterait développer le côté restauration. En effet, peu de clients extérieurs à l’hôtel viennent profiter de la prestation gastronomique. C’est là que le chef consultant intervient, pour réaliser un audit complet, conseiller et accompagner le personnel sur plusieurs mois.

Chef privé depuis trois ans, à domicile ou pour de l’événementiel, Lucas Mendes offre également ses services de consulting. Sa volonté de transmettre et son sens de l’organisation l’ont poussé à accompagner les restaurateurs. Pendant un an, il a notamment suivi un établissement à Marrakech, au Maroc. Il a d’abord observé en profondeur le fonctionnement général, des cuisines à la salle en passant par les bureaux. Puis il a proposé un changement de carte, car l’identité culinaire du restaurant n’était pas très claire. « Ils proposaient des plats franco-marocains, mais faisaient aussi des tapas et des pizzas, le client s’y perdait un peu, justifie-t-il. À vouloir faire trop, on fait mal alors j’ai sélectionné les plats qui fonctionnaient le mieux et j’en ai supprimé d’autres. J’ai aussi lissé les marges, elles étaient parfois multipliées par 15 et d’autre par à peine 1,5. » Ensuite, le chef en a profité pour recalculer les coûts fixes de l’établissement et créer des fiches techniques pour chaque recette. Enfin, il a formé le personnel et l’a suivi pendant près d’un an à raison d’une fois tous les deux à trois mois. De son côté, Ducasse Conseil, constitué en cabinet depuis 2015, intervient dans le domaine du conseil. « Avant, le consulting consistait à faire un PowerPoint avec des préconisations sans mise en œuvre opérationnelle, raconte le directeur Jérôme Lacressonnière. Aujourd’hui, il s’est développé et on accompagne nos clients jusqu’au bout avec nos valeurs d’excellence. » Il as- sure que c’est à son équipe de s’adapter aux restaurateurs et à leurs contraintes en matière de matériel, d’espace et de personnel.

Problème de gestion

« Quand on m’appelle, c’est qu’il y a un manquement quelque part, souligne Lucas Mendes. Ce sont souvent des petits problèmes qui peuvent être réglés rapidement. Parfois, il faut aller plus en profondeur. » D’après lui, il s’agit la plupart du temps d’un souci de gestion. « En cuisine, ça se passe bien car c’est le cœur de métier, les chefs sont de très bons cuisiniers mais la comptabilité, le recrutement, la gestion des fournisseurs sont parfois plus compliqués, détaille Lucas Mendes. Par exemple, un restaurant va être le plus gros client d’un fournisseur depuis dix ans, mais il ne va pas forcément penser à négocier les prix. Quand on travaille énormément, on ne voit pas forcément le problème, alors que si quelqu’un d’extérieur avec plus de recul sur la situation intervient, cela paraît plus évident ». Quant à Pania Chann, chef consultant, il a suivi une formation en gestion et management pour compléter son expérience. « On peut être un très bon chef, mais ne pas savoir manager une équipe de 30 personnes, c’est un autre métier, note-t-il. Quand tu sors de ta cuisine pour devenir consultant, c’est un travail totalement différent, tu dois être à l’écoute des patrons. »

Dans les problèmes de gestion, celui du recrutement s’est avéré central pour la majorité des restaurateurs. Et pour qu’un établissement fonctionne bien, un bon recrutement est essentiel. « La clé de la réussite d’un restaurant, c’est qu’il n’y ait pas de turn-over tous les six mois », affirme Lucas Mendes. Même son de cloche chez Pania Chann. « Depuis deux ans, c’est de plus en plus compliqué, que ce soit en salle ou en cuisine, complète-t-il. Il faut trouver des compromis et être à l’écoute des salariés. » Le manque est devenu chronique. « Avant, on avait plusieurs candidats pour un poste, maintenant si on a un CV c’est déjà bien», admet Lucas Mendes. Ce dernier fait marcher son réseau et LinkedIn quand un client a besoin de recruter. Il mise aussi sur des postes logés dans une région très touristique où la crise du logement est forte. Pania Chann n’hésite pas à gonfler le salaire, « même pour les commis » et à ré- duire au minimum le nombre de coupures dans la semaine.

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Pour des ouvertures d’établissements, un restaurant en crise, renouveler une carte ou encore former le personnel, leur métier touche-à-tout leur permet d’être de bons conseillers. Crédit : Unsplash

Expérience solide nécessaire

En outre, ce sont leurs expériences précédentes qui ont permis à Pania Chann et à Lucas Mendes de se lancer et de trouver de la crédibilité en tant que consultant. Passé par les plus grandes maisons, Pania Chann a débuté comme commis chez Lenôtre et Hédiard, a gravi les échelons chez Marius et Janette, ainsi qu’avec les chefs Thierry Marx et Jean-François Piège, puis a eu son restaurant pendant trois ans. « Grâce à des recommandations et au bouche-à-oreille, j’ai commencé à faire du consulting, c’est un petit monde et tous les chefs se connaissent », raconte-t-il. Actuellement, il effectue une dizaine de missions par an en parallèle d’extras et de petits contrats comme chef. Il intervient également pour le Collège culinaire, un collectif indépendant constitué de plusieurs milliers de restaurants et producteurs.

Lucas Mendes a, quant à lui, un parcours bien différent, et pourtant tout aussi solide. Son expérience de chef privé l’a amené à côtoyer beaucoup de professionnels de la restauration, notamment lors des événements. Son travail d’indépendant lui a permis de maîtriser tous les aspects de la gestion de personnel et administrative. « Le premier contrat en a amené un autre, puis un autre et maintenant je suis assimilé comme consultant bien que je n’aie pas en- core vraiment communiqué », confie le chef qui souhaite continuer à se développer.