Céline Chung et Billy Pham, la nouvelle vague de la cuisine chinoise
- Temps de lecture : 4 min
Cinq ans après sa création, la Bao Family sort de Paris pour ouvrir son 5e restaurant à Marseille. Initié par deux jeunes entrepreneurs d’origine asiatique, ce concept qui mise sur une cuisine chinoise moderne, transparente et décomplexée, fait recette. Bao pourrait vite s’inviter dans le paysage des enseignes nationales.

C’est un démarrage sur les chapeaux de roue que viennent de réaliser Céline Chung et Billy Pham. Cinq ans après avoir créé leur premier restaurant, Petit Bao, rue Saint-Denis (Paris 2e), ils sortent pour la première fois de la capitale pour installer un Gros Bao, cours Saint-Louis, à Marseille (Bouches-du-Rhône). Ils ont racheté Toinou, une institution locale du quartier du Vieux Port, pour y aménager leur cinquième adresse dans un décor d’inspiration shanghaienne, signé par le studio Neri&Hu. Le lieu offre 350m2 répartis sur trois étages. « Nous avons eu un coup de cœur pour Marseille, indique Céline Chung, c’est une ville dynamique, en pleine effervescence. C’est aussi un carrefour d’immigration, ce qui parle à nos origines. »
Depuis le Petit Bao de la rue Saint-Denis, les deux associés ont fait du chemin. Ils ont créé un Gros Bao sur le canal Saint-Martin (Paris 10e) disposant de 120 places assises, un Bao Express, rue Bréguet (Paris 11e), de 130 places, et Bao Bleu (Paris 9e), une déclinaison assez haut de gamme de 80 places, comme une « sorte de flagship de la Bao Family » animant la rue saint Lazare.
Gros Bao Marseille, qui offre 150 places, apparaît comme le plus gros porteur de l’enseigne. Mais c’est sans doute la déclinaison Petit Bao qui va connaître le développement le plus actif. Une version réduite et plus facile à dupliquer, est en gestation rue du Faubourg-Saint-Denis. Aujourd’hui le groupe de Céline Chung et Billy Pham sert près de 1.500 repas par jour et emploie 150 personnes. La crise sanitaire n’a en rien freiné le succès immédiat de ce concept. « En ouvrant le Petit Bao, j’ai présenté un business plan, détaille Céline Chung. En seulement six mois, j’ai réalisé le niveau de CA que je prévoyais d’atteindre en un an. » Depuis lors, les banquiers se sont montrés à l’écoute, même si la créatrice de la Bao Family estime « que rien n’est jamais gagné d’avance en ce domaine. À chaque projet, nous devons nous battre et nous justifier pour obtenir de nouveaux crédits. »
Dépoussiérer les clichés
La cuisine asiatique, bien implantée en France, a vu ses formules classiques vieillir et faire l’objet de campagnes de dénigrement. Céline Chung et Billy Pham sont parvenus à dépoussiérer les clichés en insufflant simplicité, transparence et authenticité. Proposant une offre lisible, dans un décor très contemporain, avec un ticket moyen oscillant entre 22 et 30€ selon les établissements, ils fédèrent aujourd’hui un public jeune.
Céline Chung représente une troisième génération d’immigrés asiatiques. Ses grands-parents, arrivés en France, ont ouvert un modeste commerce de maroquinerie que ses parents ont ensuite développé. Mais, travailler dans la restauration représentait à leurs yeux une forme de déchéance, explique la patronne de Bao Family : « Dans la communauté chinoise, c’est perçu comme une activité pour survivre quand on ne peut rien faire d’autre. Il leur a fallu deux ans pour admettre que j’avais fait le bon choix », assure-t-elle. Auparavant, la jeune femme avait suivi de brillantes études en obtenant un diplôme de management à Grenoble. D’ailleurs, elle n’a connu qu’un seul échec : le concours d’entrée à HEC. Elle se souvient que son père s’était montré très déçu : « Pour la famille, les études représentent un ascenseur social et culturel important. J’étais la première de ma famille à obtenir un Bac+5 ».
Trois premières années de carrière dans une société de conseil font la fierté des siens. Mais quand elle leur annonce qu’elle va tout plaquer pour travailler dans la restauration, elle sème de nouveau la consternation. Pourtant, ce projet représente une démarche de réappropriation de ses racines. En effet, à l’âge de 22 ans, Céline Chung a fait un séjour de six mois à Shanghai dans le cadre d’un échange. Elle s’est alors intéressée à la complexité de la gastronomie chinoise et découvert les baos, qui signifient « bourses » en chinois. Elle s’est donc initiée au baozis, aux xiaolongbaos, et a observé les subtiles techniques des baos présentés avec 18 plis, leurs bouillons et leurs farces.
Et l’idée a fait son chemin. « J’adore la restauration, j’adore ce milieu. J’ai grandi dans un commerce, raconte-t-elle. Pour moi, la cuisine est un témoignage d’amour. En Chine, on ne dévoile pas ses émotions. On ne dit pas “ je t’aime ”, on demande “ tu as faim ? ”. J’ai conçu Bao Family comme un pont entre deux cultures. »
Par ailleurs, en 2017, elle choisit de débuter dans ce métier comme serveuse dans la petite chaîne de burgers PNY. Elle est très vite amenée à seconder le fondateur. C’est là qu’elle rencontre Billy Pham, qui est par ailleurs ancien franchisé Subway. Enfin, associée à ce Français d’origine vietnamienne, elle fonde la Bao Family. La répartition des tâches est simple et très complémentaire : Billy, directeur général, veille sur la gestion opérationnelle alors que Céline, présidente, a pris en main les cartes et les concepts.