Christian Leclou, le dénominateur commun
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Élu à la tête des Cuisiniers de France au mois de juin dernier, Christian Leclou essaie de ramener de la sérénité dans cette association mutualiste perturbée après le départ de Christian Millet. Lors de ses premiers mois de gouvernance, il s’emploie à restaurer l’esprit d’entraide qui a présidé à la création de cette société en 1840.
Le 17 juin dernier, Christian Leclou devenait président des Cuisiniers de France. Il a réuni à cette occasion 150 voix contre 99 pour Philippe Renard, jusque-là président par intérim. Ce scrutin constituait une vraie surprise puisque Christian Leclou était moins connu du grand public que son adversaire, ancien chef du Lutetia (Paris 6e). Néanmoins, il bénéficie de l’estime de ses pairs qui apprécient son côté fédérateur, susceptible de ramener de la sérénité dans les locaux de la rue Saint-Roch (Paris 1er) après le départ de Christian Millet.
Aussi le profil de Christian Leclou se révélait-il le meilleur dénominateur commun. Cet homme de 64 ans apparaît très représentatif des chefs qui constituent le socle des Cuisiniers de France. C’est vers le bureau de placement du siège de l’association qu’il s’est naturellement tourné, en 1983, lors de son arrivée à Paris pour décrocher un poste de chef de partie au Petrus (Paris 17e). Il a alors 23 ans et, venu de son Poitou natal, il souhaite tenter sa chance dans la capitale. Formé au lycée hôtelier de Loudun (Vienne), il a auparavant effectué un beau début de carrière, enchaînant les postes de cuisinier dans de beaux établissements de l’ouest de la France, comme le Ronsard, à Tours, le Bon Laboureur ou le Château de Chenonceau (Indre-et-Loire).
Du Poitou à la capitale
Il fait rapidement ses preuves à Paris, d’abord aux Armes de Bretagne et à la Fontaine Gaillon (Paris 2e), puis à la Fermette Marbeuf (Paris 8e). Il obtient ensuite son premier poste de chef lors de la création du Square Trousseau (Paris 12e). Après deux années passées chez Ledoyen (Paris 8e), sous les ordres de Ghislaine Arabian, Christian Leclou décide en 1997 de s’émanciper et de créer son premier restaurant Le Clou, rue Cardinet (Paris 17e). Il y rencontre vite le succès en proposant une cuisine bourgeoise, généreuse et proche du produit. Ce gaillard jovial reconnaît qu’il aime l’ambiance et la convivialité des bistrots. Outre ses talents de cuisinier, il connaît très bien le vin. Il a eu la chance d’être initié à l’œnologie par le sommelier du Petrus, Jean Frambourt.
« Aider nos anciens, mais aussi nos jeunes. »
Par la suite, il a créé une annexe proche, le Clou de Fourchette, rue de Rome (Paris 17e), avec son fils, professionnel en salle. Tour à tour, il a cédé ses deux restaurants à quelques années d’intervalle pour vivre une retraite active dès 2020.
Un patrimoine
Depuis lors, le chef effectue des missions de conseil et investit une partie de son temps libre dans cette association très particulière, créée en 1840, sous la forme de la Société de secours. Elle fut considérablement développée lors de l’arrivée à la présidence en 1903 de Léopold Mourier (1862-1923). Ce cuisinier qui a vécu une extraordinaire réussite en devenant propriétaire de nombreux restaurants parisiens, comme Foyot (Paris 6e), le Café de Paris, ou le Pré Catelan (Paris 16e), a doté l’association de nombreux legs, dont son siège, rue Saint-Roch.
Les Cuisiniers de France ont aujourd’hui concédé leur activité mutualiste à Klésia. Néanmoins, l’association continue à gérer son important patrimoine : une maison de retraite située à Cormeilles-en-Parisis (Val-d’Oise) et concédée à une société, un immeuble, avenue Montaigne (Paris 8e) et un centre d’hébergement pour jeunes cuisiniers de 52 chambres qui a vu le jour à Clichy (Hauts-de-Seine), sous la présidence de Raoul Gaïga.
Christian Leclou veut se montrer à la hauteur de cet héritage mutualiste en amenant davantage de transparence dans la gestion des Cuisiniers de France : « Le legs de Léopold Mourier ne doit pas servir pour faire de l’immobilier, mais pour aider nos anciens, mais aussi nos jeunes. » C’est pourquoi le nouveau président entend revenir à plus de réalisme en privilégiant l’entraide. Ainsi récemment, l’association a été en mesure d’aider financièrement un adhérent âgé de l’Essonne qui n’avait plus de domicile en raison des inondations.
La question de la transmission
Sur le volant mutuelle, alors que Klésia prévoit d’augmenter ses cotisations de 10% l’année prochaine, Christian Leclou négocie pour que les plus anciens soient exemptés de cette majoration. Il pense aussi aux jeunes. Outre le Trophée des cuisiniers de France, que l’association organise depuis six éditions, Christian Leclou et son équipe réfléchissent à une formule inédite de concours qui opposerait des brigades de cuisines et qui privilégierait le collectif. « Les prix ne seraient pas de simples chèques, mais des voyages de découverte », s’enthousiasme-t-il.
Il souhaite enfin que la société Les Cuisiniers de France apporte sa pierre au projet de développement de l’école hôtelière Médéric (Paris 17e). Des discussions sont en cours avec Bruno de Monte, le directeur, et Didier Chenet, le président, pour que l’association s’investisse dans une forme de mécénat.