Franck de Bona, le comptoir du quartier des Abbesses

  • Temps de lecture : 4 min

Depuis 1982, le Saint-Jean, brasserie emblématique du quartier des Abbesses (Paris 18e), est aux mains de la famille de Bona. Franck, aujourd’hui âgé de 49 ans, a repris le flambeau en 1997. Il prépare actuellement la rénovation de cet établissement, planifiée en 2025, tout en échafaudant de nombreux projets.

Franck de Bona
Franck de Bona. Crédit DR.

Tous les spécialistes de l’immobilier des fonds de commerce conviendront que le Saint-Jean (Paris 18e) dispose d’un emplacement de premier choix. Implantée à la sortie du métro Abbesses, qui déverse des cohortes de touristes venus découvrir Montmartre, la brasserie se situe à équidistance de la rue Lepic et de celle des Martyrs. Même les paroissiens de l’église voisine Saint-Jean ne dédaignent pas faire une halte dans ce bistrot, après avoir écouté le sermon du père Olivier Ségui.

Depuis 42 ans, la famille de Bona veille avec soin sur cet établissement de taille modeste (50 places assises), mais qui peut tripler sa capacité avec sa terrasse. Il y a une quinzaine d’années, Franck de Bona a même fait l’acquisition d’Au Petit Montmartre (Paris 18e), un bar, quasi saisonnier, qui fonctionne avec sa seule terrasse, positionnée sur la place des Abbesses.

Un destin tout tracé

C’est Robert, le père de Franck qui a racheté Le Saint-Jean en 1982. Le destin de cet Aveyronnais est hors du commun. En 1940, dès sa naissance, ses parents qui travaillent à Paris le confient à sa tante, habitante de Saint-Côme-d’Olt (Aveyron). Ils ne viendront jamais le rechercher. Par ailleurs, après son enfance aveyronnaise, Robert monte à Paris chez un autre oncle, qui exploite le Cyrano, place Blanche (Paris 9e). Âgé de 13 ans, il débute comme plongeur avant d’emprunter l’ascenseur social de la restauration. Il s’associe en 1972 à son oncle, en rachetant la moitié des parts du Cyrano.

Sept ans plus tard, les deux hommes cèdent la brasserie, permettant ainsi à Robert de Bona de racheter le Saint-Jean. « La brasserie fonctionnait déjà très correctement, admet Franck de Bona, mais mon père a entraîné à sa suite toute sa clientèle de la place Blanche. L’établissement était bondé en permanence. Trois rangées de clients cohabitaient devant le comptoir. Il flottait un nuage de fumée de 50 centimètres d’épaisseur sous le plafond. »

Un passé de cuisinier

Franck de Bona apprécie ce côté populaire. Comme il l’explique, il a passé sa vie dans les restaurants et brasseries. Tenté par la cuisine, il est formé à l’ESCF Ferrandi (Paris 6e), puis écume les grandes brigades étoilées comme celle de Christian Constant, au Crillon (Paris 8e), ou Jean-Pierre Vigato, à l’Apicius (Paris 8e). En 1997, son père lui met le marché en main : « Si tu veux prendre la suite, c’est le moment ou jamais ! » C’est ainsi que Franck s’est installé derrière le comptoir au-dessus duquel trône le panneau indiquant la commune de Bozouls.

Son passage chez les étoilés ne l’a pas grisé, il a repris le flambeau avec humilité, en présentant des recettes à des prix accessibles (le ticket moyen oscille entre 20 et 30€ entre le déjeuner et le dîner). Lorsque les touristes sont partis, il peut compter sur une clientèle parisienne fidèle. Pour ce faire, il propose une cuisine simple, mais composée de produits de grande qualité. Lors de son arrivée dans les lieux, il avait demandé au décorateur René Bouldoires de lui créer un environnement de bistrot parisien. En janvier 2025, 30 ans après avoir accompli ce travail, l’architecte d’intérieur reprendra du service, pour donner au Saint-Jean une atmosphère nouvelle, toujours sur fond de bistrot parisien. Seules les boiseries seront conservées. La cuisine et les toilettes évolueront dans l’espace, et surtout Franck veut apporter davantage de clarté dans la salle.

Du jazz pour 2025

Après cette transformation, il reprendra en main l’établissement actuellement géré par deux anciens employés. Il envisage de mettre le pied à l’étrier de son neveu, Mathieu Bonnin. Le jeune homme de 25 ans a fait ses preuves dans l’hôtellerie de luxe, notamment à la conciergerie du Ritz (Paris 1er). À moyen terme, il pourrait reprendre la gérance libre de l’établissement. Franck de Bona se consacrerait alors au rachat d’une nouvelle brasserie. « Je suis passionné par la transmission, explique-t-il. J’aime donner aux gens les moyens de réussir. »

Lors de la réouverture du Saint-Jean, en 2025, Franck de Bona entend aussi relancer les concerts de jazz qu’il avait organisés les 20 années qui ont précédé la crise sanitaire. Pianiste amateur, il a trouvé un moyen d’allier sa passion et son métier. Très investi dans la vie locale, membre de la Commanderie du Clos Montmartre, il participe activement chaque année – fin janvier – à la venue place des Abbesses des pêcheurs de coquilles saint-jacques d’Erquy (Côtes-d’Armor). Il est également une des chevilles ouvrières du succès de Mont-Aveyron, opération qui s’est tenue en juin dernier et pendant laquelle de nombreux producteurs de l’Aubrac ont exposé place des Abbesses. Cette année, l’opération ne sera pas reconduite, en raison des Jeux olympiques, mais les Aveyronnais pourraient être de retour sur la Butte dès 2025, une année qui s’annonce très chargée pour Franck de Bona.

PARTAGER