Gilles Breuil : l’homme-orchestre

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Après avoir été tour à tour maître d’hôtel, sommelier et cuisinier, Gilles Breuil souhaitait maîtriser toutes les facettes du métier avant d’ouvrir son propre restaurant. Il vient de céder l’affaire 11 ans après la création de Bourgogne sud. Ce restaurateur-né entend désormais mettre son expérience au service des autres.

Gilles Breuil entend mettre dorénavant son expérience au service des autres.
Gilles Breuil entend mettre dorénavant son expérience au service des autres. Crédits : Jean-Michel Déhais / Au Coeur du CHR.

Nous avons surmonté en ce mois de septembre de bien mauvaises nouvelles : le décès de la Reine d’Angleterre, celui de Jean-Luc Godard, la retraite de Roger Federer. Mais les aficionados de la bistronomie parisienne n’ont toujours pas digéré l’annonce du départ de Gilles Breuil, patron de Bourgogne sud.

Le petit bistrot de la rue de Clichy change de main, il sera repris dès la mi-octobre par Alain Manquat, le propriétaire d’Elmer (Paris 3e). Ce dernier conservera l’enseigne et a associé Simon Horwitz, jeune chef talentueux d’Elmer, dans cette aventure. Nous voilà rassuré, cette ambassade du Mâconnais, temple de l’andouillette de veau et de la quenelle de brochet à la cuillère demeurera fréquentable. Âgé de 57 ans, Gilles Breuil n’a pas l’intention de créer un nouvel établissement, mais préfère désormais mettre son expérience au service des autres.

Fondé il y a 11ans, Bourgogne sud s’est imposé rapidement dans le paysage parisien. Gilles Breuil et son équipe servent en moyenne 150couverts par jour. Le rapport qualité-prix explique ce succès. Au déjeuner, un menu à 20,90€ et au dîner, une formule entrée-plat ou plat-dessert à 28€ font mouche dans le quartier. Nombre de clients traversent Paris pour goûter le paleron au vin rouge, classé par Le Figaro comme le 3e meilleur bourguignon de la capitale. L’ambiance qui règne autour du comptoir central, habillé par les Étains de Lyon, est appréciée. Gilles Breuil a su créer un établissement décontracté, à son image, où transparaissent sa gentillesse et sa générosité.

Ambassadeur du Mâconnais

Son rôle d’ambassadeur de son Mâconnais natal a été largement reconnu. La confrérie Saint-Vincent des vins Mâcon l’a nommé consul et il a reçu il y a quelques années le Mérite agricole. Gilles Breuil a commencé son métier en apprentissage au Novotel de Mâcon Nord, dès l’âge de 15 ans, via l’école hôtelière de Mercurey. Spécialisé dans les métiers de salle, il poursuit sa carrière durant quatre ans à l’Hôtel de France, un établissement étoilé du Jura. Arrivé en Suisse, au Château d’Ouchy, à Lausanne, il bifurque vers la sommellerie et se forme auprès de l’ancien sommelier de Frédy Girardet. «Dans ma tête, raconte-t-il, il était évident que je m’installerai un jour à mon compte, explique-t-il. Auparavant, je voulais maîtriser toutes les facettes du métier.»

Je ne voulais jamais dépendre d'un chef

C’est dans cet esprit qu’il décide de s’initier à la cuisine au Chalet du Lac des Rousses, à la fin des années 1990. Embauché comme commis, il en sort deux ans plus tard chef de partie. «Je ne voulais jamais dépendre d’un chef et pouvoir le remplacer au pied levé», assure-t-il. Cette expérience lui permet en outre d’entretenir aujourd’hui un dialogue très constructif avec sa cheffe de cuisine, la Franco-Japonaise, Mayumi Uemura. Cependant, il a effectué l’essentiel de sa carrière en salle et obtient à 27 ans son premier poste de maître d’hôtel à Châlon-sur-Marne. «À l’époque, rappelle-t-il, le maître d’hôtel était le patron du restaurant. C’était une responsabilité. Je devais être présent de 8 h 30 à minuit durant cinq jours et demi par semaine.»

Brasserie Georges, Coupole Montparnasse…

Il enchaîne ensuite les belles adresses, la brasserie Georges à Lyon, avant de monter à Paris pour devenir directeur adjoint de la célèbre Coupole Montparnasse et d’épauler en salle le chef Pierre Lecoutre lors de l’ouverture du Dôme du Paris. Par ailleurs, Gilles Breuil a même animé le club de direction de Danone au service notamment de Franck Riboud. Il entretenait un très bon relationnel avec ce grand capitaine d’industrie qui lui a même proposé de gérer trois annexes du Royal Evian. «Finalement, je ne me projetais pas dans ces affaires», avoue Gilles qui a décliné l’offre. L’intuition et le ressenti ont davantage joué dans l’évolution de sa carrière que le business plan. Il a besoin de se sentir en symbiose avec sa clientèle.

En restaurateur né, il sait que son métier est une affaire de séduction. «Avec un ris de veau morilles à 27€, je ne gagne pas d’argent, mais je fidélise», assure-t-il. Avant de s’ins-taller en 2011, Gilles Breuil a fait une dernière expérience de direction d’établissement dans le groupe Blanc, alors détenu par la Caisse des dépôts. Il a ainsi pris en main le Procope à Paris où son ami Gilles Grandjean avait officié auparavant. Mais il a vite compris que les directeurs financiers avaient pris le pouvoir dans ces grandes brasseries parisiennes.

Alors âgé de 46 ans, il a décidé de se mettre à son compte. Gilles Breuil qui compte une grand-mère originaire de Brioude dans son ascendance, a fait jouer ses réseaux Auvergnats. «J’ai appelé Jean-Claude Cassagne qui représente la référence pour moi dans le métier pour me conseiller, se souvient-il. Je n’avais que 80K€ de fonds propres, mais France Boissons m’a bien épaulé, notamment grâce à Franck Salson et Patrick Gicquel. L’important c’est de donner l’impulsion initiale.»

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