Léa Desprat : in wine she trusts
- Temps de lecture : 4 min
À 30 ans, Léa Desprat a rejoint l’entreprise familiale il y a quelques mois. Tombée dans l’univers du vin quand elle était petite, elle est aujourd’hui responsable de l’export des vins de la Cave de Saint-Verny, qui s’est associée à la maison Desprat Vins l’an passé pour donner naissance à Desprat Saint-Verny.
Les vins d’Auvergne ont longtemps souffert d’une image pour le moins écornée. Mal vinifiés, lourds, rustiques, peu élégants… les adjectifs ne manquaient pas pour les discréditer. Léa Desprat, qui représente la cinquième génération de Desprat à œuvrer dans le négoce de vins, concourt aujourd’hui à dépoussiérer les côtes-d’auvergne et à les valoriser. Une volonté sans aucun doute héritée de son père, Pierre Desprat. Le patron de la Maison Desprat est bien connu dans le paysage des vins auvergnats. Basée à Aurillac, la Maison Desprat est le principal metteur en marché de vins régionaux. Elle distribue plus de 1 000 références. Son offre pléthorique et qualitative lui assure une position de leader dans le paysage du CHR auvergnat. Avec la naissance de Desprat Saint-Verny, l’ambition de placer sous le feu des projecteurs les vins volcaniques auvergnats est à son paroxysme.
« Notre objectif est de faire en sorte que les côtes-d’auvergne soient connus et reconnus », lance, sûre d’elle, Léa Desprat. Ce leitmotiv va de pair avec la mise en avant des terroirs dits volcaniques. « On ne trouve que sept vignobles volcaniques dans le monde. Il n’y en a qu’un en France et il se trouve en Auvergne », poursuit-elle.
Gagnant en minéralité, les côtes-d’auvergne profitent des coulées de basalte qui constituent ses sols. Léa Desprat est ainsi convaincue que le vignoble auvergnat est enraciné sur une mine d’or : « Nous faisons pousser des raisins sur du basalte, si cela ce n’est pas de la différenciation… »
Une région à convaincre
Paradoxalement, les Auvergnats font partie de ceux qui consomment le moins des vins d’Auvergne. Si ce public est essentiel à fédérer, l’export n’en demeure pas moins un marché capital. C’est ce dernier que la jeune femme est chargée de chapeauter. Une prérogative qui n’est pas due à son patronyme, mais à une solide expérience bâtie au fil des années en France comme à l’étranger. Bac en poche, Léa Desprat quitte Aurillac pour intégrer une école de commerce toulousaine. Se spécialisant dans le commerce international, elle effectue différents stages en Angleterre et en Espagne avant de décrocher un MBA à New York. En 2012, ses études à peine bouclées, elle rejoint la multinationale Altran, à Paris, et plonge d’emblée dans le grand bain. Léa Desprat assure alors la gestion d’une équipe de consultants et commerciaux tout en développant de nouveaux marchés. L’expérience durera cinq ans avant qu’elle ne ressente finalement le mal du pays. « Je n’ambitionnais pas nécessairement de rejoindre l’entreprise familiale.
Quand l’alliance avec Limagrain, propriétaire de la Cave Saint-Verny, s’est nouée et que nous avons été mêlés à la production, il y avait un gros travail à mener à l’export pour valoriser nos vins » , confie-t-elle. Le mariage entre Desprat et Saint-Verny a dessiné de nouveaux challenges auxquels la jeune femme a été associée. Saint-Verny n’étant pas rentable, il convenait de redresser la barre et de créer de nouveaux marchés. Aux côtés d’une équipe de 45 personnes (vinification, commerce, vente en direct, logistique), elle met son talent au service de la valorisation des trois gammes, représentant 35 références de Desprat Saint-Verny : Magma, Fusion et Éruption. Entre autres chantiers, il a fallu structurer davantage la chaîne de la production jusqu’à la bouteille, mettre en place des supports de communication et adopter une segmentation stricte entre le CHR et la GMS. La vinification est encadrée par un maître de chai, Étienne Rachez.
La quête de qualité
« À la suite de l’union, il a fallu rassurer et fédérer les 62 vignerons de la cave.
C’est grâce à eux que nous faisons du vin. Nous avons fait passer un message de modernisation et, aujourd’hui, nous sommes en place, notamment sur l’aspect organisationnel », commente Léa Desprat. Desprat Saint-Verny s’est ainsi employé à rendre l’offre plus lisible tout en augmentant la qualité des vins. Cette quête débute par la viticulture : l’évolution de la culture des vignes et des méthodes de vinifications a conduit à une montée en gamme. Dans un second temps, le vignoble va être étendu : 50 hectares de vignes vont être plantés d’ici à cinq ans.
« Nous faisons pousser des raisins sur du basalte. »
Aujourd’hui, la nouvelle entité représente environ 230 hectares sur les 400 hectares que comporte l’appellation. Ces efforts ont permis de lancer des vins équilibrés, avec de beaux assemblages, et vinifiés en fûts de chêne. « Il s’agit de répondre aux attentes de palais en quête de vins légers et élégants, pas trop boisés » , estime-t-elle. Desprat Saint-Verny inaugurera d’ailleurs un tout nouveau chai à barriques capable d’accueillir 350 fûts de chêne.
Chardonnay, pinot noir ou gris, gamay et syrah sont autant de cépages qui viennent puiser dans la richesse des sols auvergnats.
Forts ce nouvel élan, les côtes-d’auvergne draguent de nouveaux marchés sous l’égide de Léa. Cette dernière, qui travaille déjà avec 14 pays dont la Grande-Bretagne, le Japon, le Canada et les États-Unis, entend consolider ses positions avant de les développer. Elle souhaite notamment conquérir la Belgique, la Suisse, et pourquoi pas le Maroc. Ce pays d’Afrique du Nord, qui représente un marché de niche, attire beaucoup de touristes amateurs de vin, et notamment des Français. Les CHR des villes touristiques, comme Marrakech ou Rabat, sont particulièrement actifs en termes de vente de vins.
Amatrice « de vins rouges typés et originaux », Léa Desprat ne pouvait espérer mieux comme challenge que celui de valoriser les vins volcaniques. « C’est un très beau projet à mener », souffle-t-elle. Les Américains ont pour devise « In God we trust ». À l’égard de Léa Desprat, l’expression « In wine she trusts » aurait plus tendance à s’appliquer.