Laure Zanelli et Kevin Gallais, renforcer le lien
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En 2020, en association avec Kevin Gallais, Laure Zanelli a décidé de débaptiser son restaurant en modifiant le concept. Les deux associés ont simplifié l’offre, tout en renforçant la convivialité. Une initiative qui leur a permis de retrouver le plaisir de travailler, et de mieux soutenir la rentabilité de l’entreprise.
La naissance du restaurant L. et les Garçons, en 2020, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), est symptomatique des remises en question post-Covid. Laure Zanelli est arrivée dans les murs de cette adresse de la rue Wilson, il y a 26 ans. Après une carrière de directrice de production dans le théâtre, elle a suivi son mari pour l’ouverture d’un premier restaurant parisien, le Malesherbes (Paris 8e).
Quelques années plus tard, en 1998, le couple crée un deuxième restaurant à Levallois, l’enseigne Chez Laure et Thomas Chartier. L’aventure a été couronnée de succès. Le restaurant s’est singulièrement agrandi, puis Laure et son mari ont eu l’opportunité de racheter les murs. Au fil des années, Laure s’est intéressée au vin et a constitué une cave qui est devenue un des atouts maîtres. Arrivé à l’âge de la retraite, Thomas Chartier a décidé de vendre le restaurant… et dans un premier temps, Laure s’est rangée à cette idée. Le couple a fait appel à Kevin Gallais, comme consultant culinaire, pour garantir en cuisine la transition planifiée avec le repreneur pressenti.
Kevin Gallais, 48 ans, dispose en effet d’un CV qui force l’admiration. Issu des bancs de l’École de Paris des métiers de la table (17e), il a eu la chance de commencer sa carrière sous les ordres de Gabriel Biscay, lors de la réouverture de Prunier Traktir (Paris 16e). Il a travaillé dans de prestigieuses brigades comme celles du Jules Verne** (Paris 7e) à la tour Eiffel, ou de l’Ermitage à la Baule (Loire-Atlantique), mais aussi dans plusieurs restaurants de luxe à l’étranger. Il a dirigé les cuisines de deux Sofitel, l’un en Corse, l’autre au Maroc. Mais son expérience ne se limite pas à la gastronomie, puisqu’il a passé une dizaine d’années dans le groupe de restauration événementielle Horeto. Embauché comme chef, il en est sorti en tant que directeur de production, chargé de gérer plusieurs unités.
Ces dernières années, Kevin Gallais gérait des missions de conseil. C’est justement l’une d’entre elles qui l’a conduit à Levallois pour préparer la cession de Chez Laure et Thomas Chartier. Cependant, à deux reprises, la vente a échoué au dernier moment. « La deuxième fois, l’acheteur s’est désisté au moment de la signature définitive, en mai 2020, à la fin du premier confinement, explique Laure Zanelli. C’est à ce moment que j’ai réalisé que je n’avais pas vraiment envie de vendre. »
Remise à plat
De son côté, Kevin parvenait à une étape de sa carrière où il avait besoin de stabilité familiale. Le tandem professionnel a ainsi imaginé une association selon laquelle le chef assumait la gestion libre du restaurant, tandis que Laure, propriétaire, gardait la haute main sur la cave et la salle. « Durant la crise sanitaire, nous avons remis tout à plat en changeant même le nom du restaurant qui est devenu L. et les Garçons, résume Kevin. Nous avons identifié le vin comme le point fort de l’adresse et nous l’avons mis en avant. Nous avons supprimé le service du soir. Mais le mercredi et le jeudi soir, nous avons mis en place des afterworks qui rencontrent un grand succès. »
Le chef a donné une dimension qualitative aux petites assiettes accompagnant les vins sélectionnés par Laure, lors de ces soirées qui peuvent aussi être sujet à des privatisations du lieu. Une platine vinyle crée alors l’animation : les clients peuvent puiser leurs morceaux préférés dans la collection de 33 tours. Cette ambiance crée du lien. En outre, la surface de l’établissement permet de garantir un confort aux hôtes. Ils apprécient le décor authentique de ce lieu, qui abritait avant-guerre un ancien bistrot lié aux ouvriers de l’usine Citroën voisine.
Nous assumons nos goûts et les partageons.
Les patrons capitalisent ainsi sur la convivialité. Adhérents de l’Association de sauvegarde de l’œuf mayonnaise (ASOM), de l’Amicale du gras, ils ont fait de leur restaurant le représentant local du club de caves partagées, Canons.Paris. Dans leur cave, ils ont mis en place 24 casiers, proposés à leurs clients sous la forme d’un abonnement de 150€/mois qu’ils approvisionnent régulièrement en vins, à hauteur de la valeur de l’abonnement. Les abonnés peuvent ensuite consommer les bouteilles selon leurs préférences, à domicile mais aussi dans le restaurant, sans droit de bouchon. Ils disposent enfin d’avantages, comme des réductions de 10 à 20% sur la carte des vins.
Le lien avec la clientèle s’est ainsi resserré. « Nous assumons nos goûts et les partageons », résume Kevin. Laure est aussi pleinement satisfaite de ce nouveau concept : « Remplir le restaurant à tout prix n’est plus une obsession pour moi. Je prends plaisir en travaillant et en recevant bien mes hôtes. » L’équipe est aussi réduite et plus soudée. Avant la crise sanitaire, Laure et Kevin employaient huit personnes. Dans la nouvelle configuration, ils n’ont plus besoin que de deux salariés. « Bien sûr le chiffre d’affaires a diminué, mais la rentabilité s’est nettement améliorée », se réjouit Kevin.