Pierre Vila Palleja : le vin pour religion
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À 32 ans, Pierre Vila Palleja est à la tête du Petit Sommelier, un bistrot haut de gamme situé en face de la gare Montparnasse. Il y distille sa passion pour les vins et anime, avec une vingtaine de salariés, cette affaire haute en couleur. Ses activités de sommelier lui permettent par ailleurs de collaborer régulièrement à la Revue du vin de France.
Les parents de Pierre Vila Palleja ont lancé l’affaire familiale en 2001. Ils n’étaient pas issus de la restauration, mais cultivaient le rêve de diriger un restaurant. Le couple s’est lancé sur le tard et a fini par acquérir une affaire, en face de la gare Montparnasse, baptisée Le Tabac du départ. « Mes parents n’avaient jamais tenu un café avant d’acheter cette affaire. Mais mon père avait la faculté de bien monter des dossiers, ce qui lui a attiré la confiance des brasseurs », explique Pierre Vila Palleja. Après l’école hôtelière, ce dernier s’est passionné pour l’œnologie au cours de son BTS. La rencontre avec Franck Ramage a été déterminante et a conduit Pierre Vila Palleja à suivre une année d’études supplémentaire en sommellerie. « Mon chemin a aussi croisé une bouteille de vin qui m’a bouleversé, un Pouilly fumé blanc 2004 de Didier Dagueneau », sourit-il. La dégustation de ce flacon et la découverte de sa complexité ont achevé de convaincre Pierre Vila Palleja de s’offrir à la sommellerie. Sensible aux arômes, le sommelier a beaucoup travaillé pour acquérir le vocabulaire capable de caractériser toutes les aspérités d’un vin : « La sommellerie, c’est d’abord un travail de définition de soi et de ses sens. Cela se traduit par des visites de vignobles et énormément de lecture. C’est un travail perpétuel. »
Son engagement en faveur du métier s’est traduit par un premier concours en 2008, le Meilleur élève sommelier de France, une joute s’adressant à des sommeliers en formation. Le patron du Petit Sommelier montera finalement sur la première marche du podium. Alors en stage au Crillon (il est aussi passé par le Ritz et Lasserre), il fréquente des bêtes de concours et fait ainsi preuve, très tôt, d’abnégation.
Une qualité nécessaire dans ce type d’épreuve. Cette première victoire va lui transmettre le virus des concours et lui permettre ainsi d’aiguiser ses connaissances en matière de vins et de sommellerie. « Il y a une dimension théorique, mais il faut aussi travailler le langage, qu’il soit corporel ou verbal. Il faut également savoir gérer le stress, omniprésent lors des concours », commente Pierre Vila Palleja, qui a eu recours au sport et au yoga pour maîtriser ses nerfs durant les différentes épreuves qu’il a connues. Lors des concours du Meilleur sommelier de France, l’homme a fini deux fois second. Durant les épreuves du MOF Sommellerie, il parvient en finale… à deux reprises. Il a manqué d’un cheveu le titre suprême permettant d’exhiber le fameux col bleu blanc rouge. « La frustration est forte, d’autant plus que l’on se met à nu devant le jury durant les épreuves. Il est impératif de mettre son ego de côté », ajoute-t-il. À l’issue de sa victoire au Meilleur élève sommelier de France, ses parents décident de rebaptiser l’établissement Le Petit Sommelier. Dès 2009, Pierre Vila Palleja apporte une nouvelle dimension à la carte des vins et monte petit à petit en gamme. « J’avais l’ambition de monter une carte de vins de restaurant étoilé en pratiquant des tarifications de bistrot », lâche le sommelier. Ce parti pris lui permet de drainer une clientèle d’amateurs et d’éclairés. Il a commencé modestement et a réellement pris les rênes de l’établissement en 2015. L’ascension a eu lieu par étapes : constituer une cave de cette trempe représente d’importants investissements financiers. Aujourd’hui, Le Petit Sommelier, c’est 1 000 références, 14 000 bouteilles et trois sommeliers à plein temps, sur la vingtaine de salariés que compte l’établissement.
« Comme dans une grande maison, le vin est décanté et servi à température avant le plat »
« On relativise souvent ce que nous faisons en nous souvenant que Le Petit Sommelier n’est qu’un bistrot. Certes, mais comme dans une grande maison, le vin est décanté et servi à température avant le plat, malgré notre débit. Il s’agit de créer des automatismes et d’adopter une rapidité d’exécution. Sur certains points précis, j’ai les mêmes exigences qu’un étoilé Michelin , mais dans un contexte de bistrot », abonde-t-il. Pierre Vila Palleja évolue en salle aux côtés de ses équipes ; en cuisine, c’est le chef Olivier Bouillier qui régale la clientèle. Le patron du Petit Sommelier ne raisonne pas en termes de ticket moyen ou de nombre moyen de couverts par jour. On se contentera de signaler qu’avec 65 places assises, 45 000 repas sont servis chaque année dans ce temple du vin. Une réussite qui a convaincu Pierre Vila Palleja d’ouvrir une seconde adresse, plus moderne, dans le 6e arrondissement. Cette dernière devrait accueillir ses premiers clients dans quelques mois.
Le Petit Sommelier 49, avenue du Maine Paris 14e