Miel : la rosée sucrée des Vosges en sursis
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Le miel de sapin des Vosges se distingue par son origine, le sapin blanc, une espèce menacée par le changement climatique.

À la belle saison, les aiguilles des sapins blancs du massif vosgien, aussi appelés sapins pectinés, se parent de délicates gouttelettes de miellat. Durant les semaines qui ont précédé, l’arbre a offert le gîte et le couvert à un puceron qui, se nourrissant de la sève, a généré cette précieuse rosée sucrée. Lorsque cette miellée atteint son paroxysme, l’abeille se charge de la récolter et de la transformer en miel à la ruche par l’apport d’enzymes, de la même manière qu’avec le nectar des fleurs. « C’est pour cette raison qu’on peut appeler “miel” ce produit du sapin », explique Gaël Volland, apiculteur à Pierre-Percée (Meurthe-et-Moselle), et président de l’Appellation d’origine protégée. Dès 1996, les apiculteurs-récoltants ont souhaité protéger ce pur produit de la nature dont le goût malté, presque balsamique, est intimement lié à la conjonction naturelle entre ce sapin, une espèce particulière de puceron et le climat humide du massif, qui s’étend de la Moselle au Territoire de Belfort. « On produit du miel de sapin ailleurs en France, mais il ne provient pas de la même variété de sapin. La littérature faisait déjà état, il y a un siècle, de la grande qualité du miel de sapin des Vosges. » Reconnaissable notamment par sa couleur sombre aux reflets verts, ce miel a la particularité d’être très sec et de très peu cristalliser. « C’est vraiment un produit de dégustation. Il contredit la plupart des a priori sur le miel, ce qui fait qu’il convainc même les personnes qui n’apprécient pas celui de fleurs. »
Les arbres menacés par le climat
Mais depuis quelques années, l’évolution du climat impacte fortement la production. « Nos forêts de sapin souffrent de la sécheresse et une part importante de la population dépérit. Le climat n’est pas non plus très favorable aux miellées. Il suffit qu’il y ait une grosse gelée au printemps ou de trop fortes pluies pour décimer les pucerons. Ça a été le cas en 2024, c’était une année blanche, il n’y a pas eu de miel du tout. » Les apiculteurs sont particulièrement inquiets des prévisions de l’Office national des forêts, qui prédit l’extinction des sapins pectinés en dessous de 1 000 m d’altitude. Autant dire qu’ils disparaîtraient presque totalement du massif, qui culmine entre 1 300 m et 1 400 m selon les départements. Dans ce contexte, le miel de sapin des Vosges se fait de plus en plus précieux.
Une bataille pour protéger le miel de sapin
Une quarantaine d’apiculteurs se battent pour préserver la production. « C’est un travail très rigoureux, note Gaël Vollant. Pour entrer dans le cadre de l’appellation, le miel doit être extrêmement pur. C’est donc celui qu’on récolte en dernier, à la fin de la transhumance. Et c’est aussi le plus important pour nous. Les apiculteurs doivent extrêmement bien connaître la végétation présente dans le sous-bois, pour poser leurs ruches au bon moment et ne pas parasiter la récolte de sapin avec le nectar d’autres fleurs. » Chaque récolte subit en effet des analyses de pureté et de ses qualités gustatives. L’ensemble de la production, jusqu’à l’extraction à froid et la décantation, sont réalisés dans l’aire de l’appellation pour en faire un pur produit du terroir.