À quelle paille se vouer ?

Depuis l’interdiction des pailles en plastique jetable, le 1er janvier 2021, les restaurateurs ont plusieurs possibilités à leur disposition. Les pailles en bambou, en roseau, en inox, en verre, en pâte alimentaire, en papier… Mais en août dernier, une étude belge est venue semer le trouble. Parue dans la revue scientifique Food Additives and Contaminants, elle conclut que 90 % des pailles en papier réputées biodégradables contiennent des PFAS, des substances néfastes pour la santé et pour l’environnement.

Ces per et polyfluoroalkylés, composés chimiques à longue chaîne carbonée, sont utilisés dans l’industrie alimentaire pour imperméabiliser les emballages. On les appelle parfois des polluants permanents, car leur durée de vie est très longue. En migrant dans l’organisme à travers les aliments et les boissons, ils peuvent provoquer une augmentation du taux de cholestérol, altérer la fertilité, interférer avec le système endocrinien et immunitaire, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). « Les PFAS ont été plus fréquemment détectés dans les matériaux d’origine végétale, tels que le papier et le bambou », souligne l’étude. Elle note que seules les pailles réutilisables en acier inoxydable en sont exemptes.

Trouver une alternative

Sans envisager de revenir aux pailles en plastique à usage unique, à quelle solution se vouer si l’alternative végétale n’est pas fiable ? Comment imaginer servir un Spritz ou un mojito sans permettre au client de mélanger les glaçons ? Idem pour les bubble teas, ces boissons à la mode qui se consomment avec une paille de 12 mm de diamètre, permettant d’aspirer les billes de tapioca ? Davong Vongpaseuth en sert dans son restaurant asiatique Soï 79 dans le 8e arrondissement de Paris. Les solutions satisfaisantes ne sont pas si faciles à trouver. « J’utilise du bambou réutilisable pour la consommation sur place et du carton à base de maïs pour la vente à emporter, témoigne-t-il. Ce dernier est recyclable, mais il est un peu poreux et il laisse un goût en bouche. »

Pour Honorine Leconte, co-fondatrice du site lespailles.com qui fournit les professionnels et les particuliers, il ne faut pas tomber dans la psychose. « Il est dommage que cette étude décrédibilise une alternative qui fonctionne. Toutes les pailles en papier ne contiennent pas de revête- ment imperméabilisant. Nous-mêmes, nous ne commercialisons que des pailles fabriquées en Europe sans PFAS. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes encadre l’aptitude au contact alimentaire des matériaux organiques à base de fibres végétales. » Elle recommande ainsi aux utilisateurs de vérifier la conformité des produits qu’ils achètent.

Changer de matériaux

En outre, depuis les Panza Pailles de Panzani lancées en 2019, les matériaux à base de farine de blé ou de riz pour les allergiques au gluten ont fait leur apparition dans les verres, avec l’avantage d’être compostables et plus résistants que le papier. En revanche, les accessoires réutilisables en verre, inox ou bambou sont chers et favorisent le vol. Mais l’avantage est qu’il est possible de les personnaliser au logo de son établissement et en faire un objet publicitaire.

Enfin, Honorine Leconte croit beaucoup à une nouvelle référence. La Forest Straw, à base de fines tranches de bois issu de forêts durables, adaptée au chaud et au froid. « En règle générale, il faut réfléchir à l’utilisation de la paille. En faire une expérience ludique par la couleur, la mise en valeur du cocktail. Proposer une paille réutilisable pour le cocktail du mois par exemple… », estime-t-elle. Il n’est donc pas nécessaire d’en mettre partout, et pas toujours systématiquement.