Équipement et service : la décoration éthique

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Alors que les restaurateurs s’engagent pour l’environnement, ils sont de plus en plus nombreux à faire de l’écoresponsabilité leur ligne directrice à l’heure d’habiller leurs établissements. Matières naturelles des murs jusqu’au sol, artisanat local, seconde main et connexion à la nature s’invitent désormais dans les salles de restaurants.

Salle restaurant
Au centre du restaurant Les Singuliers en Dordogne trône un tronc d'arbre. Crédits : Adrien Viller.

Pour Guillaume Chupeau, fondateur de Ventrus, un restaurant itinérant vertueux et engagé installé dans le Parc de la Villette (Paris, 19e), il est impossible d’ouvrir un nouveau modèle de restauration qui ne soit pas le plus vertueux possible. Matériaux, équipements de cuisine, éléments décoratifs… À l’heure d’imaginer son restaurant mobile en totale communion avec la nature, lui et son architecte François Muracciole, ont pensé chaque élément dans le but de réduire leur impact écologique. « Nous souhaitons faire de Ventrus un laboratoire de solutions écoresponsables qui évolue au fur et à mesure des découvertes », explique-t-il.

Même son de cloche du côté de Lucie Lepage-Depreux, architecte à l’agence Mur.Mur, qui a pensé l’espace de restaurants comme Rhézome, Gros Bao ou encore Dalia : « Il y a aujourd’hui une prise de conscience particulière sur l’écoresponsabilité, mais dans notre domaine, l’architecture, ce sont des réflexions obligatoires depuis toujours. Quels matériaux et pourquoi les utilise-t-on ? C’est une stratégie de développement du projet qu’il faut rendre le plus “ propre ” possible. » Selon elle, il faudrait choisir peu de matériaux, les plus locaux et le moins transformés possibles et surtout, durables dans le temps par leur robustesse. En premier lieu, le bois, incontournable matériel architectural et décoratif. Ventrus en a fait son armure, construisant sa structure à partir de bois venant d’une scierie du Morvan. Il a la particularité de ne pas avoir à être traité pour résister aux intempéries, et limite donc les élé ments chimiques nocifs.

À plusieurs kilomètres, en Dordogne, Louis Festa met un point d’honneur à redonner vie au bois environnant dans son restaurant gastronomique Les Singuliers à Saint-Astier (24). Lorsqu’il ne réalise pas une cave à vin faite de tuiles et du bois traînant sur le terrain de son restaurant, il se fournit chez un forgeron du Tarn-et-Garonne pour ses couteaux en acier français, dont le manche est en essence de bois local et utilisé. D’autres optent pour le papier recyclé. Chez Dante (Paris, 10e), la table parisienne de Rebecca Beaufour joue de ses charmes de l’abat-jour jusqu’aux cartes de visite. « La tendance vient de plus en plus à aller chercher le recyclé par esprit de bonne conscience mais aussi par pur esthétisme. Si je peux allier les deux, cela me va parfaitement », commente-t-elle. Par ailleurs, à l’heure de peindre ses murs, la cheffe a également affirmé son engagement. « Entre de la peinture hydro – à l’eau – ou glycéro – à l’alcool –, le choix était clair. Je préférais utiliser des éléments sains pour le restaurant et les clients mais aussi d’un point de vue respectueux de l’environnement et je veux participer à la production de la peinture hydro. »

De son côté, l’architecte Régis Botta, à qui l’on doit les concepts de Bao Bar (Paris, 4e) ou encore Laurier (Paris, 8e), a un faible pour les peintures aux pigments naturels et enduits à la chaux, véritable matière naturelle et ancestrale.

Local ou d’occasion

À la manière de l’assiette qui se veut aussi locale et écologique que possible, les restaurateurs peuvent privilégier le mobilier et la décoration venant des environs. Chez Ventrus, les tables et les lampes ont été fabriquées par l’architecte lui-même dans son atelier Assemblage à Paris. De son côté, l’architecte Régis Botta se fournit auprès des plus belles maisons en la matière. Pour orner le restaurant Mavrommatis (Paris, 5e), de jolis lauriers en organza et soie, il a par exemple fait appel à la Maison Lemarié, spécialisée dans l’art de la confection de fleurs en tissu appartenant à Chanel. Quant à Louis Festa des Singuliers, il a opté pour des sets de table réalisés à la main par un pressing couturier local à partir de matériaux recyclés des ateliers Hermès non loin de là.

Autre option : employer des matériaux déjà existants. Rebecca Beaufour l’a bien compris. Lorsqu’elle a visité le restaurant qu’elle a repris, le mobilier ne lui plaisait pas. Elle a donc réutilisé les anciens pieds de table, les a habillés d’un nouveau plateau en bois pour créer ses nouvelles tables. À l’aide de tapissiers, elle a rhabillé les anciennes banquettes d’un tissu, leur redonnant ainsi une toute nouvelle apparence. Des chutes de ce même tissu, elle en fait des coussins pour que rien ne se perde. Chez Champ Libre, leur cantine du 10e arrondissement de Paris, Alice Chabanon et Chloé Jakubowicz ont réinventé leurs murs de manière écoresponsable. « Parquet, carrelage au sol, mur en pierre et en brique… Nous avons tout gardé et construit autour des éléments existants, avec notamment du mobilier a maxima issu de seconde main », s’enthousiasme Alice Chabanon.

Emmaüs, le Bon Coin, les brocantes aux quatre coins de la France, le duo a sillonné les antres de l’occasion à la recherche de chaises, tables, carafes, verres et couverts. « En réduisant les coûts sur ces achats, nous avons pu faire appel à des artisans de qua lité qui utilisaient des matières nobles et locales pour l’architecture. Nous ne voulions pas d’un restaurant “ jetable ”, mais d’un lieu qui vieillirait bien et durerait dans le temps. L’avantage est budgétaire et écologique puis sentimental, on donne une âme grâce à des objets qui ont déjà du vécu. » Alice Chabanon a même chiné chez sa grand-mère : « Lorsque je sers des plats dressés dans les assiettes de ma grand-mère, je me remémore mes souvenirs d’enfance, ça me fait toujours un petit truc. Elles continuent leur vie chez nous. »

Le tout végétal

Les tendances végétales permettent également d’avoir une déco ration écoresponsable. Chez Ventrus, les bouquets et suspensions ont été réalisés par une feuillagiste, Charlotte Mascart qui ramasse branches et feuillages principalement à la forêt de Rambouillet (78). Elle a également glané des éléments directement dans le Parc de La Villette dans une démarche ultra-locale pour fondre le restaurant totalement dans sa nature.

Chez Louis Festa, un tronc d’arbre trône au milieu de la salle : « À l’origine, il devait y avoir un escalier en colimaçon habillé en bois pour faire effet tronc d’arbre, mais ce n’était pas possible. Au même moment, mon beau frère avait un arbre tombé sur un terrain, nous avons donc décidé de l’implanter au centre de la pièce. » En le laissant brut, avec son écorce et sa mousse, l’arbre mort évoluera avec le temps, donnant du cachet et de la vie à l’écrin gastronomique. Chez Dante, la cheffe souhaite que les plantes ne soient de la partie qu’à condition qu’elles jouent un rôle à table. Elle imagine déjà attabler, dans un but doublement utilitaire, des bouquets d’herbes aromatiques ou encore des plantes à fruits de bois sauvages. Un élément décoratif qui ponctuerait l’assiette comme un assaisonnement final.

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