JO 2024 : les restaurateurs dans un flou olympique

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À l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, l’excitation des restaurateurs parisiens est assombrie par le manque de communication du Gouvernement. Ces professionnels sont confrontés à l’absence de soutien et de directives claires face au défi qui les attend. Alors que la ville se prépare à accueillir le monde entier, avec près 16 millions de visiteurs attendus, ces derniers se sentent laissés-pour-compte, confrontés à un manque de mesures de soutien et de directives claires face au défi qui les attend.

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Jeux Olympiques 2024. Crédit : DR.

« Nous considérons cela comme scandaleux. On nous parle de Jeux depuis des mois, mais en réalité, ce sont des jeux dont l’accès est cadenassé de tous les côtés. Les pouvoirs publics incitent à limiter l’utilisation des voitures et encouragent le télétravail, qui est aujourd’hui notre pire ennemi», assène Frank Delvaux, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie Île-de-France (UMIH IDF). En effet, les mois passant, les restaurateurs remettent de plus en plus en question les bénéfices potentiels de cet événement pour le secteur. Des inquiétudes que partage également Paul Chantler, directeur de la chaîne de brasseries et pubs anglais The Frogs : «Pour l’instant, il y a beaucoup d’inconnues logistiques qui compliquent la planification et la gestion des opérations pour les restaurateurs. Or, dans notre secteur, l’efficacité repose souvent sur la répétition de gestes familiers. L’incertitude et l’inconnu liés aux Jeux olympiques rendent la situation particulièrement délicate.»

Livraison et personnel sur le banc de touche 

En ce qui concerne les livraisons, le sujet demeure épineux : «Nous faisons des réunions avec le préfet. Il essaie de nous rassurer en indiquant qu’il y aura sans doute un système de livraison avec un QR code pour circuler en journée, mais si jamais les livraisons ont lieu la nuit, cela engendrera forcément des coûts supplémentaires… », s’inquiète Frank Delvaux.

Certains professionnels, comme Paul Chantler, s’interrogent en effet sur ce point qui se révèle complexe, car il semble encore inenvisageable d’effectuer des livraisons la nuit : « L’administration a du mal à comprendre la vie des entreprises. Il y a des tonnes de produits – alimentaires et liquides – qui devront circuler à Paris, et on ne pourra pas les transporter avec des vélos cargos. Si les livreurs doivent circuler la nuit, les prix flamberont. Tout le monde en profitera pour demander des primes pour travailler dans de telles conditions. »

D’autres en revanche, à l’image de Kader Aibout, propriétaire des établissements La Cerise sur la pizza, semblent moins préoccupés par cette situation : «Je suis très lève-tôt, cela ne changera rien pour moi», affirme-t-il.

Quant à la question du personnel, Paul Chantler déclare «faire déjà face à des difficultés en termes de recrutement, mais là le problème va forcément s’accentuer. Nombreux sont les propriétaires souhaitant récupérer leurs appartements au moment des JOP. Certains de nos employés vont donc devoir trouver des solutions pour se loger. D’autres vont eux-mêmes préférer sous-louer leur appartement. Enfin, il y a aussi le personnel qui souhaite prendre ses vacances durant l’été et je ne peux évidemment pas leur en vouloir…»

Jouer avec son emplacement 

Actuellement, il semblerait que la meilleure réponse à l’incertitude reste encore de se trouver « au bon moment, au bon endroit », c’est du moins ce que souligne François Blouin, directeur de Food Service Vision. En effet, selon lui, « c’est d’abord et avant tout l’emplacement qui fera la différence ».

Ainsi, avec l’arrivée des Jeux, certaines zones bénéficieront d’une forte augmentation de l’activité, tandis que d’autres seront forcément impactées négativement. «Les restaurateurs situés dans des zones interdites à la circulation ou dans des quartiers où le télétravail sera favorisé, comme la Défense, pourraient connaître une nette baisse de leur chiffre d’affaires en raison d’une diminution de la consommation.» Une donnée bien assimilée par Paul Chantler qui possède huit pubs dans Paris: «Je mise surtout sur les établissements situés à Concorde [8e], Kléber [16e] et sur le Cours Saint-Émilion [12e], des zones proches des activités des Jeux olympiques. »

Pour tous ceux qui se trouveront «hors zone», il faudra marquer des points en comptant sur la réputation et le bouche-à-oreille. «Au moment des Jeux olympiques, il y aura tellement de bruit partout qu’il sera compliqué pour les restaurateurs de travailler sur une éventuelle communication. Ils doivent dès maintenant essayer d’émerger dans les médias et dans des classements du type “les 10 restaurants à ne pas rater à Paris” pour remonter dans l’algorithme des sites de réservation comme Trip Advisor. C’est la réputation qui fera l’activité.» Par ailleurs, François Blouin préconise aussi de passer des accords avec des lieux de réception afin que ces derniers les mettent en avant.

Un rebond à saisir 

Enfin, Frank Delvaux se veut néanmoins rassurant : «Il est probable qu’il y ait moins de touristes étrangers que lors d’un été habituel. Les familles qui prévoient de visiter des lieux emblématiques tels que le Louvre, les Champs-Élysées ou le Château de Versailles pourraient annuler ou décaler leurs voyages en raison des tarifs plus élevés et des conditions de circulation difficiles pendant ces périodes. Cependant, à plus long terme, la plupart de notre personnel, qui ne réside pas à Paris, pourrait bénéficier de certains avantages. Bien que les déplacements puissent être compliqués pendant les trois semaines de compétition, ils devraient par la suite être facilités pour beaucoup. Par exemple, la ligne 11 du métro ira jusqu’à Rosny-sur-Seine!»

Ainsi, les travaux du Grand Paris, accélérés à l’occasion des Jeux olympiques, apporteront à terme «beaucoup de dynamisme dans le secteur CHR», assure le président de l’Umih IDF. Un avis que partage David Zenouda, vice-président de l’Umih IDF : «Les Jeux olympiques et paralympiques ne sont pas uniquement un événement sportif mondial, c’est aussi une opportunité pour la transformation de la Ville et de la métropole, notamment grâce à l’amélioration de l’accessibilité aux CHR aux personnes en situation de handicap insufflé par les Jeux olympiques et paralympiques.»

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