Rigotte de Condrieu, emblème des Monts du Pilat

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Si la renommée de la rigotte de Condrieu n’a pas encore atteint celle de son voisin d’appellation, le picodon, le petit fromage de chèvre des massifs du Pilat n’a, pour autant, rien à lui envier. En effet, 13 producteurs fermiers font perdurer la fabrication de cette petite appellation au lait cru.

Rigotte de Condrieu
La rigotte de Condrieu bénéficie d'une AOP depuis 2013. Crédit : Syndicat de Défense de l'AOP Rigotte de Condrieu

Sous sa croûte fleurie immaculée, la pâte de la rigotte de Condrieu est souple, fondante et révèle un goût caprin très lactique aux reliefs de noisette et de sous-bois. Ce n’est pas un fromage puissant, plutôt réconfortant, séché en plein vent dans des chassières traditionnelles. « Généralement, on l’affine peu, un mois au maximum, douze jours au minimum », souligne Simon Bouchet, animateur au syndicat de la rigotte de Condrieu.

Ce petit palet de chèvre de 40 g, réalisé à partir de caillé non brassé, s’est fait un nom grâce à la qualité du lait des chèvres qui pâturent essentiellement en pleine nature, au sein des 50 000 ha qui constituent l’aire protégée de production de ce fromage aux confins du Rhône, de la Loire et de l’Ardèche. Il détient en effet une AOP depuis 2013, qui exige 120 jours de pâturage par an pour les animaux. Le reste de l’année, 80 % de l’alimentation provient aussi de la zone de l’appellation, ce qui conduit la plupart des éleveurs à produire eux-mêmes la nourriture pour leurs animaux.

« Cet aspect est totalement lié à la typicité de la rigotte de Condrieu. Les animaux se nourrissent dans des landes et des parcelles boisées avec une grande diversité florale à la croisée du climat du Massif central, mais aussi des influences méditerranéennes », souligne Simon Bouchet. Le choix des races de chèvres n’est également pas anodin puisque seules les saanens, alpines chamoisées, et du Massif central sont élevées pour sa production.

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Treize producteurs fermiers constituent actuellement la filière. Crédit : Syndicat de Défense de l'AOP Rigotte de Condrieu

Ces particularités ont permis à la rigotte de Condrieu de se démarquer des autres productions de la région. « Le terme “rigotte” est en réalité un terme générique, comme l’est le “crottin”, précise Claude Boucher, président du syndicat de défense de l’appellation. Celle de Condrieu a su asseoir sa notoriété dès le XVIe siècle dans toute la région lyonnaise. » À cette époque, les femmes vendaient leur petite production sur le marché de la ville pour assurer un revenu supplémentaire au foyer. « Les chèvres donnant peu de lait, les fromages étaient de petite taille pour pouvoir satisfaire le plus de clients possible. La proximité des consommateurs permettait aussi de le vendre à différents stades d’affinage, y compris en frais. »

Une appellation fragile

Après la fermeture de l’unique entreprise de transformation, la rigotte de Condrieu sera en 2024 la seule appellation française uniquement issue de productions fermières. « Comme pour toutes les productions au lait cru, cela devient de plus en plus compliqué pour les transformateurs de répondre à des normes sanitaires de plus en plus strictes. C’est un vrai sujet de fond pour la pérennité des fromages au lait cru », affirme Simon Bouchet. La filière devrait donc produire une quarantaine de tonnes de fromages les prochaines années, mais compte sur la relève. « Financer une AOP demande des investissements, c’est donc plus compliqué si le nombre de producteurs baisse, note Claude Bouchet. Nous sommes dans une période charnière, mais il y a des perspectives avec de nouvelles installations à venir dans les prochaines années. » La garantie de préserver un produit de terroir et, peut-être, d’élargir son écho au-delà de la sphère régionale.

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