À mi-chemin: Nordine et Virginie Labiadh, un amour intégral

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C’est dans ce restaurant du 14e arrondissement de Paris à une centaine de mètres de leur boucher – le renommé Hugo Desnoyer – que Virginie et Nordine Labiadh se sont rencontrés, aimés, et qu’ils poursuivent aujourd’hui leur vie. À mi-chemin est un bistrot proposant une cuisine de qualité supérieure, où les origines tunisiennes du chef se conjuguent avec celles (bretonnes) de sa femme.

À mi-chemin
Nordine et Virginie Labiadh sont à la têt de l'établissement À mi-chemin (Paris, 14e). Crédit: DR

La date est prononcée avec certitude : « 16 mai 2000 ». Nordine Labiadh n’a pas oublié ce jour où il passa la porte d’À Mi-Chemin (Paris 14e) pour la première fois. Mais savait-il alors, en y entrant, que sa vie allait prendre…un autre chemin ? « Avant de me présenterpour travailler, je suis venu deux fois pour voir le restaurant », précise-t-il. Arrivé de Tunisie quelques mois plus tôt, Nordine Labiadh attendait désespérément l’appel d’un établissement, à la suite d’une annonce qu’il avait laissée dans un journal spécialisé.

Il aurait pu attendre longtemps cet appel. Le numéro de téléphone publié dans ce journal était erroné. « Si j’avais mis le bon numéro, on ne se serait jamais rencontrés », soutient le chef aujourd’hui. Mais cette rencontre avec Virginie, propriétaire du restaurant depuis 1998, s’est produite. « Ma mère avait ses bureaux rue Cels [Paris 14e]. J’aimais beaucoup ce quartier, qui était un peu un quartier d’enfance, explique la restauratrice. J’ai visité la maison, avec la cuisine qui donne sur la cour et ça m’a plu. J’ai signé deux promesses de vente, ils [les propriétaires] ont été sympas – j’ai trouvé une banque et j’ai ouvert. Je voulais reproduire, ici, un bistrot comme celui dans lequel j’avais travaillé : un vrai bistrot parisien. »

Virginie Labiadh a commencé sa carrière en restauration dans un bougnat de la rue de la Main-d’Or (Paris 11e), où l’on trouvait les classiques des bouclards du genre : œuf dur mayonnaise, filet de hareng, crudités… « Il y avait un plat du jour et moi je faisais les desserts. Je travaillais en cuisine et après il y avait le service », précise-t-elle, se remémorant « cette vie de quartier » où les ouvriers venaient boire « le café calva » en matinée, puis déjeuner le midi.

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Couscous vert. Crédit : À mi-chemin

Nordine Labiadh a lui aussi un lien particulier avec la France, où son père travaillait comme ouvrier chez Renault, afin de faire vivre son foyer en Tunisie, non loin de Zarzis. C’est donc assez jeune qu’il soutient sa mère aux fourneaux ou pour faire les courses. « Je savais faire la cuisine, mais je ne l’ai pas vraiment choisie. Quand je suis arrivé et que Virginie m’a pris, la maison que j’ai laissée en Tunisie, je l’ai trouvée ici… Éplucher les carottes, aller chercher des herbes au marché, changer des lampes ou une serrure : c’était le bonheur pour moi, je me sentais bien », témoigne-t-il.

« Il y avait des choses qui se réparaient toutes seules. Je ne m’en rendais pas compte, il faisait la petite souris derrière moi, ajoute Virginie Labiadh. Je l’ai embauché pour la saison et je lui ai ensuite dit qu’il y avait du travail : “j’ai besoin de vous, il y a plein de trucs à faire”. » Quelques années plus tard, l’enseigne À mi-chemin-Chez Virginie devient simplement À mi-chemin, signifiant indirectement la place prise par Nordine, très amoureux de sa patronne. « Ce que j’attendais toute la journée, ce n’étaient pas les clients mais Virginie qui pousse la porte vers 11 h », confie l’intéressé.

« La maison que j'ai laissé en Tunisie, je l’ai trouvée ici »
Labiadh Nordiane, chef d'À mi-chemin

Par la suite, les deux tourtereaux – qui se tournaient autour depuis des mois – se marient en 2002. Commis et homme à tout faire, Nordine est rapidement devenu le chef du bistrot. « À son premier service, avec plein de monde, il a envoyé tous les plats. C’était dingue », se remémore, encore émerveillée, Virginie. « Mon premier plat, c’était des joues de porc à la sauge et des gnocchis », ajoute Nordine, dont les souvenirs reviennent avec précision.

Très impliqué dans son nouveau poste, le chef poursuit en parallèle des formations à l’école Ferrandi, pour « se faciliter la tâche » techniquement et proposer une cuisine hybride, « à mi-chemin » entre son histoire et celle de sa femme. « Du coup, on a fait une cuisine triangulaire entre la cuisine française, une âme du sud et des produits bretons cuisinés avec des épices. J’ai intégré les épices pour offrir une cuisine bretonne, de mer, vive… et je l’ai amenée vers La Goulette [petite ville portuaire proche de Tunis] », s’amuse à décrire Nordine Labiadh, auteur de plusieurs livres, dont Paris-Tunis (Tana éditions, 2016), où il détaille ses recettes franco-tunisiennes.

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Makroud. Crédit : À mi-chemin

Ainsi, à la carte du restaurant de la famille Labiadh on trouve notamment, en entrées, de l’œuf mayonnaise twisté avec de la boutargue (18 €) ou une chorba au poulpe (12 €). En outre, le couscous – extrêmement généreux – est proposé en plat de diverses façons. Il peut être breton (38€) lorsqu’il est accompagné de lieu, aux légumes (32 €) ou encore royal (de 38 à 44 €), avec des viandes et merguez du célèbre boucher – installé dans la même rue – Hugo Desnoyer.

À mi-chemin (encore) entre la France métropolitaine et la Tunisie, la Corse symbolise un autre amour commun au couple. C’est aussi via la cuisine – plus précisément celle d’une cheffe corse, venue exercer dans leur restaurant – que cette idylle est née. Aujourd’hui, ils se rendent régulièrement avec leurs enfants – Samuel et Myriam – sur l’île de Beauté. Comme l’exprime Virginie Labiadh, cette terre est devenue « un terrain neutre » dans leur belle relation.

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