Contrat d’assurance : les pièges à éviter et les astuces à connaître
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La signature d’un contrat d’assurance multirisque professionnelle est un moment crucial lors d’une création ou d’une reprise d’une société.

La signature d’un contrat d’assurance multirisque professionnelle (MRP) est toujours un moment crucial lors d’une création ou d’une reprise d’une société. Tour d’horizon avec Philippe Meilhac, avocat spécialisé dans les CHR, sur les quatre vigilances à retenir : la formation du contrat, l’exécution, le cas de sinistre et la résiliation.
1ere vigilance : la formation du contrat
Demander une étude de besoins détaillée et comportant plusieurs offres en amont de la signature du contrat d’assurance. Généralement, l’assuré ne la reçoit qu’en même temps que le contrat à signer, ce qui ne lui permet pas de l’étudier et de vérifier si celui-ci répond à ses attentes. L’intéressé doit donc réclamer cette étude en amont de la signature du contrat.
Se faire communiquer l’intégralité de la police. Un contrat comporte nécessairement plusieurs documents, a minima des conditions particulières (CP) ou dispositions particulières (DP) et des conditions générales (CG) ou dispositions générales (DG) et, le plus souvent, différentes annexes. La présentation du contrat di ère d’une compagnie à l’autre. Pour certaines, les règles les plus importantes se trouvent dans les conditions particulières ; pour d’autres, dans les conditions générales. Lorsque l’essentiel du corpus contractuel se trouve dans les dispositions particulières, l’assuré peut en prendre directement connaissance puisqu’il lui est demandé de signer ce document.
La situation peut être problématique lorsque l’essentiel des règles se trouve dans les dispositions générales. Celles-ci doivent être communiquées à l’assuré, ce qui n’est pas fait systématiquement, notamment lorsque le contrat se passe par un agent. L’assuré doit donc examiner en détail la proposition d’assurance et bien vérifier que l’ensemble des éléments du contrat lui est transmis, sachant que les conditions particulières mentionnent toujours qu’il a reçu l’ensemble des éléments. Il ne doit pas hésiter à contacter un professionnel.
2e vigilance : l’exécution du contrat
Veiller à bien déclarer, à chaque échéance annuelle, les modifications importantes. Toutes les polices prévoient que l’assuré veille à bien déclarer à chaque échéance annuelle les modifications importantes du risque assuré, en particulier la superficie des locaux et leur contenance, le montant du stock (déterminant pour l’indemnisation d’un dégât des eaux ou d’un incendie) ainsi que l’évolution du chiffre d’affaires ou de la masse salariale. En cas de déclaration erronée ou mensongère (dans ce second cas elle doit toutefois prouver la mauvaise foi de l’assuré, ce qui n’est pas simple à établir), l’assureur pourra réduire, voire supprimer, l’indemnisation (art. L.113-9 du Code des assurances). Par exemple, si le chiffre d’affaires n’a pas été mis à jour depuis la signature du contrat et qu’il a progressé au bout de plusieurs années, l’assureur pourra appliquer la règle proportionnelle et cherchera à réduire en conséquence le montant de l’indemnisation.
3e vigilance : le cas de sinistre
Bien déclarer le sinistre dans le délai prévu au contrat et agir dans le délai de prescription biennale. Toutes les polices prévoient un délai assez court pour déclarer son sinistre qu’il faut respecter même si une déclaration régularisée au-delà ne rend pas nécessairement irrecevable une action ultérieure. Ce délai qui est souvent de cinq jours est un délai « franc » c’est-à-dire que s’il expire un samedi, dimanche ou jour férié, il est prorogé au premier jour ouvrable suivant. Si un écrit n’est pas indispensable (un simple coup peut suffire), il est fortement conseillé de formuler la déclaration par courriel ou, mieux, par courrier recommandé avec accusé de réception (électronique ou papier). Par ailleurs, toute demande d’indemnisation doit être engagée dans le délai de deux ans suivant le sinistre (art. L.114-1 du Code des assurances).
Exemple : 15 mars 2022 pour la prise en charge de la perte d’exploitation engendrée par la fermeture des restaurants ordonnée le 15 mars 2020 en vue de prévenir la propagation du Covid-19. Il n’est pas impératif de faire délivrer une assignation pour interrompre le délai mais une mise en demeure comportant certaines mentions est indispensable. Veiller aussi à préserver les preuves du sinistre.
4e vigilance : la résiliation du contrat
L’assuré, comme l’assureur, dispose du droit de résilier librement le contrat, en le dénonçant au moins deux mois avant l’échéance prévue (art. L.113-2 du Code des assurances). L’assureur qui désire résilier doit pouvoir justifier d’avoir informé l’assuré dans ce délai. L’envoi d’un courrier recommandé est indispensable. Pas de justification particulière à donner. Pour éviter de « traumatiser » l’assuré, il est fréquent que l’assureur (son agent) présente les choses différemment, à savoir une « évolution » du contrat qu’il l’invite à signer. Il ne faut pas se méprendre sur la sémantique car cette « proposition » précise souvent que si l’avenant n’est pas signé, « l’ancien » contrat sera résilié.
On a pu observer cette pratique chez les compagnies qui ont accepté ou ont dû indemniser les restaurateurs au titre de perte d’exploitation engendrée par la fermeture de leurs établissements le 15 mars 2020 et/ou du 30 octobre 2020 en vue de prévenir la propagation du Covid-19, ainsi que les restaurateurs ayant agi en justice contre leur compagnie. Dans ce dernier cas, « l’avenant » proposé contenait des garanties moins étendues mais… la cotisation « proposée » était plus élevée, de toute évidence pour compenser les indemnisations versées.
Le point de vue de Maître Philippe Meilhac
« Au fil des années, les petites entreprises familiales de la restauration ont vu les tâches annexes s’accumuler, comme la gestion de leur contrat d’assurance, et cela au détriment de leur cœur de métier », constate Philippe Meilhac, avocat spécialisé dans les CHR. Et d’ajouter aussitôt : « Il n’y a pas eu de simplification, mais de la complexification ! Dans l’esprit de beaucoup de ces restaurateurs, s’assurer est une obligation, et généralement ils prennent la moins chère. Tout en se disant que si un sinistre intervient on ne sera pas remboursé. Et la crise sanitaire n’a fait que creuser un peu plus le fossé entre assurés et assureurs.
Pour s’assurer, le restaurateur peut faire appel soit à un courtier, qui est un indépendant, soit à un agent, lequel travaille pour une compagnie d’assurances. « Mieux vaut faire appel à un courtier car il a sa propre responsabilité civile. En cas de litige, c’est lui le responsable. Contrairement à l’agent où c’est la société dans laquelle il travaille. »
