Procès Axa : « Les restaurateurs doivent aller chercher ce qu’on leur doit »

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Tout juste sorti vainqueur de son procès au tribunal de commerce de Paris face à Axa, Guillaume Aksil, avocat spécialiste des assurances, répond à nos questions sur les nombreux litiges en cours entre restaurateurs et assureurs.

Guillaume Askil, avocat
Guillaume Askil, avocat. Crédit : La Revue des Comptoirs.

« Vous ne devez pas hésiter à aller voir un avocat quand vous avez droit à quelque chose, vous avez cotisé pour cela. » Guillaume Aksil est avocat, et a aujourd’hui la charge de défendre les intérêts de 70 restaurateurs dans un litige face à l’assureur Axa. Ce dernier refuse d’indemniser pas moins de 18 000 professionnels de l’hôtellerie-restauration en raison d’une clause d’exclusion, jugée non-avenue lors de trois jugements rendus par les tribunaux. Le dernier en date a vu Guillaume Aksil et cinq de ses clients l’emporter, c’était au tribunal de commerce de Paris, le 17 septembre. L’avocat répond à nos questions et parle d’indemnisation-assurance.com, le site de son cabinet qui permet d’obtenir un diagnostic gratuit sur son contrat d’assurance.

On parle beaucoup des litiges avec les assureurs dans le cadre des indemnisations pour pertes d’exploitation durant le confinement. Pouvez-vous nous expliquer plus précisément en quoi consistent-ils ?

« De nombreux restaurateurs ont signé un contrat avec Axa, lequel garantie une compensation pour pertes d’exploitations dans le cas d’une fermeture administrative, en lien avec une épidémie par exemple. Dans le contexte que nous connaissons actuellement, les conditions étaient donc réunies. Cependant, Axa a fait valoir une exclusion, arguant que si au moins un autre établissement est fermé dans le département ou la région pour les mêmes raisons, la garantie n’a plus vocation à jouer. C’est donc cette clause que nous avons contesté. »

Vous avez récemment remporté votre procès face à Axa pour cinq de vos clients au tribunal de commerce de Paris. Comment avez-vous défendu ce dossier ?

« Nous avons attaqué directement cette clause d’exclusion sur la forme et le fond. On ne peut pas dire aux gens « je vous garantis d’un côté, et je vous mets une exclusion « fourre-tout » de l’autre ». Cette clause est trop large, et c’est pour cela que le tribunal l’a déclarée illégale. La loi impose aux exclusions d’être limitées. En effet, celle-ci s’active quel que soit le type d’établissement touché par l’épidémie, sans se cantonner à la restauration :  c’est beaucoup trop large, surtout à l’échelle d’un département ou d’une région. »

« Je tiens à rappeler que des assureurs ont joué le jeu. »

La voie du tribunal est-elle la seule possible pour les restaurateurs concernés par cette clause ?

« Malheureusement oui. Avant d’attaquer Axa, nous avons voulu transiger pendant trois semaines, alors que mes clients étaient dans une situation économique difficile, puisqu’ils ne percevaient pas de chiffre d’affaires ; on a essayé à trois ou quatre reprises de se mettre à la table des négociations. Mais cela s’est révélé inutileJe tiens néanmoins à rappeler que des assureurs qui ont joué le jeu, il ne faut pas généraliser. Il y a eu des stratégies différentes dans le monde de l’assurance. La plupart ont été fair-play et proactifs en allant vers les assurés. »

Quels ont été les arguments d’Axa ?

« Axa a tenu sa position mordicus, je parlais littéralement à un mur. Au procès, leur argument consistait à dire qu’une épidémie ne touche qu’un seul établissement, d’où la clause. J’ai trouvé ça dingue de devoir aller expliquer devant le tribunal ce qu’est une épidémie, en utilisant des consultations d’épidémiologistes retraités de l’AP-HP… Si on doit expliquer cette clause, c’est de toute façon qu’elle n’est pas claire, donc non avenu. »

En quoi cette décision, qui suit celle prise dans les Bouches-du-Rhône il y a quelques semaines, pourrait-elle faire jurisprudence ?

« Elle fait pencher la balance de mon point de vue. La compagnie communique beaucoup sur le flou qui est entretenu, avec deux décisions à Toulouse et Bourg-en-Bresse qui ont été en faveur d’Axa. Là, le tribunal de Paris donne raison à cinq restaurateurs supplémentaires. Cela change la donne. »

Jusqu’à forcer Axa à se mettre autour de la table… ? 

« 22 dossiers sont dans les tuyaux du tribunal et seront plaidés dans les semaines à venir, partout en France. Pour la cinquantaine d’autres, j’attends, car j’ai bon espoir qu’on puisse se mettre autour de la table des négociations. Je suis peut-être un peu rêveur, mais on va laisser sa chance à l’accord amiable. Ce serait du bon sens de leur part. Mais 18 000 autres contrats sont concernés par cette clause. Ils vont peut-être attendre une décision d’appel, ou de cassation, avant de faire un choix… C’est une course contre la montre, spécialement pour mes clients, la reprise n’ayant pas été ce qu’elle devait être. Je vais donc rapidement dépasser le point de non-retour et devoir vite assigner au tribunal pour les dossiers restants et à venir. »

« Ils savaient qu’il y avait une possibilité d’interprétation, ils se sont dit « on la tente ». Et à la fin, statistiquement ils seront gagnant, il n’y aura pas de débat. »

Comment expliquer que ce soit le nom d’Axa qui revienne dans tous ces cas de litiges liés aux pertes Covid ?

« Cette clause d’exclusion est une question de stratégie opérationnelle. C’est une décision du management de la compagnie. Ils ont fait un choix, ils savaient qu’il y avait une possibilité d’interprétation, ils se sont dit « on la tente ». Et à la fin, statistiquement ils seront gagnants, il n’y aura pas de débat. Les 18 000 restaurateurs concernés ne vont pas tous monter au créneau. »

Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne le volet Covid de votre site, indemnisation-assurance.com ?

« On a mis en place ce site car on a été très sollicité au début du confinement. En répondant à un questionnaire basique en ligne, les professionnels bénéficient d’un retour gratuit sous 24 heures pour savoir s’ils peuvent prétendre à quelque chose. Toutes enseignes d’assurance confondues, et dans un cas sur trois dans la restauration, on leur disait qu’ils n’avaient droit à rien. Chez Alliance par exemple, on n’a pu déceler aucune faille sur la cinquantaine de contrats qu’on a observé. Ce qui n’a pas été le cas d’Axa. Passée cette étape de diagnostic gratuit, on a mis en place un forfait de base de 1 000 euros, et un pourcentage au résultat de 10 %. Dans les jugements rendus récemment, Axa a été condamné à rembourser les 1 000 euros de frais d’avocat. Je sais que le passage à l’action en justice peut-être dissuasif, et c’est justement ce qu’on voulait éviter en mettant en place ce système. »

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