Contenants pour la VAE, entre jetables et réemployables

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La nouvelle interdiction des contenants jetables pour la restauration rapide sur place et le déploiement du réemployable placent de nombreux restaurants dans un entre-deux. Quels contenants choisir pour la vente à emporter sans perturber outre mesure le fonctionnement de son établissement ?

restauration rapide
La restauration rapide représente 75 % du chiffre d’affaires des chaînes. Crédit : Unsplash.

Le 1er janvier 2023, la loi antigaspillage pour une économie circulaire (Agec), promulguée en février 2020, a marqué un nouveau pas en avant dans son calendrier vers le zéro plastique jetable d’ici à 2040. La restauration rapide ne peut désormais plus utiliser de la vaisselle jetable sur place dès lors qu’elle sert plus de 20 repas simultanément. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), cette mesure doit permettre d’éviter près de 130.000 tonnes de gobelets et d’emballages de repas à usage unique. Après l’interdiction des pailles en plastique, des touillettes ou encore des couvercles de gobelets, cette nouvelle règle implique de repenser la stratégie autour des contenants pour la vente à emporter pour les acteurs concernés, entre jetables et réutilisables. Face aux enjeux non seulement écologiques, économiques, mais aussi logistiques, le choix des matériaux doit être arbitré finement.

Le jetable en sursis

L’emploi de contenants jetables est toujours autorisé pour la vente à emporter. Avec le développement du secteur au cours des dernières années et en même temps que l’interdiction des emballages en plastique à usage unique, l’offre s’est considérablement développée autour d’autres matériaux naturels. « Le carton reste l’alternative la plus importante, affirme Hector Gaete, directeur commercial du fabricant d’emballages Le Lu. C’est une des meilleures solutions aussi bien d’un point de vue technique qu’esthétique. » Au rayon du jetable, il coche en effet toutes les cases : résistant au four, au micro-ondes, à la congélation. Il est aussi bien pris en charge par la filière recyclage. Si le carton est parfois critiqué pour son manque d’étanchéité, les progrès des techniques de lamination ont permis de régler le problème sans pour autant entraver le recyclage. Côté esthétique, ce matériau autorise des formes variées, des plus simples aux plus complexes, comme les fleurs qui séduisent jusqu’à la haute gastronomie. Le carton se révèle également très solide dans ses versions les plus épaisses.

Autre possibilité, la bagasse, ou pulpe de canne, qui présente d’autres avantages, à commencer par son prix bas. Elle résiste bien à un usage en cuisine, notamment grâce à son étanchéité à toute épreuve. Ce n’est pas forcément le contenant le plus attrayant visuellement, mais il se modernise avec des formes plus osées, plutôt destinées aux buffets traiteurs. Une gamme en couleurs sortira prochainement chez Le Lu, une première. L’entreprise planche aussi sur des contenants en pulpe de canne dotés d’une double paroi pour améliorer la résistance thermique. Si elle n’est pas recyclable, la pulpe de canne est éligible au biocompostage, à l’instar des contenants en feuille de palmier. Très intéressant sur le papier, cet argument se heurte malgré tout à l’immaturité du biocompostage en France.

Aujourd'hui, on attend presque des fabricants qu'ils imaginent des emballages qui fondent quand on les jette par terre, sans polluer.
Hector Gaete, Directeur commercial du fabricant d'emballages Le Lu

Si certaines agglomérations s’organisent pour valoriser les biodéchets, cela reste embryonnaire et ne peut constituer une valorisation globale de ce type de contenants. Ce que déplore Hector Gaete chez Le Lu : « Aujourd’hui, on attend presque des fabricants qu’ils imaginent des emballages qui fondent quand on les jette par terre, sans polluer. À notre niveau, on estime qu’il n’y a pas vraiment de prise en compte de l’écosystème global. Le jetable reste dans un contexte à court terme face à des lois qui évoluent très vite et qui ne permettent pas de se projeter sur des développements ambitieux. Tous les fabricants en sont là, ce sera d’ailleurs un gros problème en 2023 et 2024. » Conséquence directe, peu de nouveautés sur le terrain du jetable. Les contenants en bois pourraient peut-être tirer leur épingle du jeu dans la restauration haut de gamme et le traiteur.

Comatec, spécialiste du packaging durable depuis ses débuts, a d’ailleurs développé une vaste gamme de boîtes avec inserts amovibles, toujours dans l’optique du recyclage. L’entreprise familiale française Cook’in Wood s’en est d’ailleurs fait une spécialité. « Le bois est utilisé brut, sans traitement tout au long du cycle industriel. C’est une matière qui véhicule des qualités nobles et assure toutes les prérogatives d’un matériau de cuisson », souligne Anthony Fournier, dirigeant de l’entreprise. La possibilité de cuire à même le contenant est un gain de temps non négligeable pour la vente à emporter, d’autant que le bois supporte tout aussi bien les phases de congélation et de remise en température. Seul bémol, le manque d’étanchéité qui implique l’utilisation de caissettes en papier siliconé.

Les débuts du réemployable

À marche forcée, les contenants réemployables se font une place dans la restauration rapide ainsi qu’auprès des consommateurs. Car au-delà d’un simple changement de contenant, c’est un bouleversement des habitudes de travail d’un côté et de celle de consommation de l’autre. Si la restauration rapide prend le sujet à bras-le-corps pour éviter de se retrouver en défaut – rappelons que les restaurants contrevenants s’exposent à 1.500€ d’amende par jour de manquement – convertir les consommateurs de vente à emporter au tout réemployable prendra sans doute du temps. La réglementation sur les contenants réutilisables pourrait d’ailleurs être sujette à des évolutions vers la VAE et la restauration livrée.

Depuis janvier 2021, la loi Agec impose en effet aux commerçants de vente à emporter d’accepter les contenants apportés par les clients pour être servis, moyennant une ristourne. L’expérimentation de la consigne pour la restauration livrée, dans le cadre de la loi Climat et résilience, est aussi un indicateur fort en ce sens. Dans ce contexte d’entre-deux auquel sont soumis de nombreux établissements qui pratiquent à la fois la vente sur place et à emporter, la question de passer au tout réemployable se pose. Mais encore une fois, quid du matériau, plastiques réutilisables, inox, céramique, verre ? « Plus la vaisselle est de qualité, plus le réemploi sera possible et meilleur sera le taux de retour », analysait Yasmine Dahmane, cofondatrice de Bibak (ex-La Consigne Greengo) lors du salon Sirha en janvier dernier.

De son côté, Hector Gaete estime que la loi Agec constitue une conduite à tenir. « Nous avons besoin de trouver des alternatives, même s’il faut être honnête, les clients apprécient quand même beaucoup le plastique, estime-t-il. Il y a fort à parier que l’on va assister à une frénésie pour s’équiper en contenants et couverts en plastique réutilisable, mais pour quelle durabilité ? C’est pour cette raison que nous n’avons pas pris ce parti-là qu’on estime être une fausse solution. En restauration, les lavages en cycles très courts avec des produits agressifs vont altérer rapidement les plastiques qui auront finalement une durée de vie limitée. » L’entreprise a donc déployé en priorité sa gamme réemployable autour de contenants en verre et en céramique même si « leur coût d’entretien élevé est justement la raison pour laquelle on s’en est détourné il y a 30 ans au profit du plastique ». De nombreux fabricants privilégient néanmoins ce segment, à l’instar de Solia, qui a décliné sa série de plateaux repas Quartz en céramique, ou de Comatec, qui valorise le concept sous forme de bento en verre.

Firstpack a, elle aussi, décliné la céramique et l’émail assorti de couvercles en silicone. « Pour les fabricants, le réemployable amène les défis de la légèreté, de l’empilabilité, de l’étanchéité et de la traçabilité. Le réemploi est très exigeant de ce point de vue, réagissait Héloïse Jacquette, Product manager storage & to go chez Arc France à l’occasion du Sirha en janvier dernier. Les restaurateurs cherchent une rentabilité au plus tôt. Cela dépendra évidemment de l’investissement de départ, il sera forcément plus bas avec des contenants en plastique mais la valorisation du plat ne sera pas la même. » Le plastique n’est pas absent de l’équation, bien que sa faible tolérance au réchauffage soit une faiblesse face à d’autres matériaux. Le PP, le PET, et le PET recyclé représentent l’essentiel du marché.

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