Restaurateurs à Paris, viticulteurs dans la vallée d’Olt

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Au début des années 2000, Didier Miquel et son frère Alain, restaurateurs parisiens, ont largement participé à la renaissance du vignoble d’Estaing. Ils partagent depuis leur temps entre Paris et la vallée d’Olt.

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Didier Miquel au milieu de ses vignes. Crédits : DR.

Cultiver la vigne sur les pentes abruptes qui entourent le village d’Estaing ne s’apparente pas à une sinécure. Il faut un acharnement et une volonté farouche pour continuer à faire vivre la vigne dans ces contrées. Le vignoble occupait 227 ha lors de son apogée, à la fin du XIXe siècle. Mais l’adversité s’est acharnée contre lui à la manière des dix plaies d’Égypte. Il a été successivement dévasté par l’oïdium, le black-rot, le mildiou, le phylloxéra et, enfin, par un gel polaire qui a anéanti les derniers ceps en 1956. Il faut aussi dire, qu’avec l’exode rural très important dans cette région, les bras manquaient pour travailler la vigne. Pourtant, grâce à une poignée de femmes et d’hommes, le vignoble d’Estaing s’est relevé. Une coopérative, celle des Vignerons d’Olt, structure la production de huit viticulteurs. Par ailleurs, deux vignerons indépendants subsistent. Enfin, en 2008, le village de la vallée du Lot a eu le plaisir de voir son statut de Vin délimité de qualité supérieure (VDQS) transformé en AOP. Les frères Miquel, Didier et Alain, ont participé à cette aventure dès 2004. Ils ont depuis lors constitué des domaines respectifs de 4,5 et 3 ha. Un ensemble qui pèse dans un vignoble dont la superficie représente 21 ha.

Auvergnats de Paris, ces deux hommes avaient pris la suite de leurs parents, au Mistral (Paris, 20e), durant le début des années 1990. Bien que né à Paris, Didier avait été élevé durant sa petite enfance par ses grands-parents à Estaing, dès l’âge d’un mois. Lui et son frère ont toujours gardé une forte nostalgie de ce village. Au début des années 2000, le redémarrage du vignoble aveyronnais les décide à investir de l’argent et du temps dans ce secteur. « Je m’intéressais aux vins. J’avais envie d’investir sur Gaillac, se souvient Didier, et un ami m’a conseillé de m’intéresser à Estaing. » Le succès de leur brasserie, Le Mistral, leur permet d’acquérir quelques hectares. Pour dégager du temps et travailler la vigne, les deux frères décident de se relayer à la tête du restaurant. Leur cousin, Gilbert, les rejoint dans l’aventure, ce qui leur permet de passer les deux tiers de leur temps à Estaing. Pendant près de 20 ans, les frères Miquel ont ainsi vécu une double vie alternant les passages derrière le comptoir et les périodes de travail dans la vigne. Une existence dure et harassante, mais qui leur a apporté un certain bonheur. La cave des Vignerons d’Olt a su maintenir une trajectoire qualitative, même si Didier déplore un manque d’ambition collective sur le bio ou sur les cuvées parcellaires. Il est persuadé que ce vignoble – qui connaît un véritable succès d’estime – peut encore progresser.

Sur ces terres, les rendements restent modestes et sont le plus souvent inférieurs aux 45 hl/ha tolérés par le cahier des charges de l’AOC. Didier Miquel estime que le développement du vin de la vallée d’Olt passe par une meilleure valorisation, et cite en exemple l’ancien restaurateur parisien Nicolas Carmarans. Ce dernier, installé dans un vignoble voisin à Campouriez, a acquis une certaine notoriété. Le patron du bistrot salue également le travail de son jeune confrère, Hugo Épinon, qui s’est implanté comme vigneron à Estaing et a déjà produit trois millésimes : « Si j’avais 20 ans de moins, je m’installerais ici comme vignerons et j’abandonnerais mon restaurant parisien. » Malheureusement, Didier Miquel doit au contraire être présent plus souvent à Paris pour se concentrer sur Le Mistral, durement touché par une crise sanitaire, qui a été suivie par une vague de travaux nuisant à la commercialité de l’établissement. En outre, aujourd’hui âgé de 64 ans, il songe à la transmission progressive des vignes qu’il a replantées. Pour lui, l’important reste la survie de ce vignoble grâce à l’émergence d’une nouvelle génération.

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