Hélène Kerloeguen, vers une pâtisserie instinctive 

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Cheffe pâtissière du Prince de Galles depuis fin 2022, Hélène Kerloeguen continue de tracer les contours de sa vision de la pâtisserie. Imprégnée par les codes de la haute gastronomie, la cheffe, aujourd’hui plus instinctive, s’émancipe pour proposer des desserts simples et naturels, où les jeux de textures et la gourmandise ont toujours leur mot à dire.

Hélène Kerloeguen
Hélène Kerloeguen. Crédit : DR.

Depuis deux ans, Hélène Kerloeguen signe les créations sucrées de l’Hôtel Prince de Galles (Paris 8e). Au très art déco 19.20, le restaurant signé Norbert Tarayre, elle propose des desserts à son image ; riche de son parcours gastronomique, généreux et délicatement spontané. Ce monde de la pâtisserie, Hélène Kerloeguen le découvre après un bac général. Brillante élève à l’âme créative, elle suit les cours du soir aux Beaux Art d’Angers mais se rend rapidement compte qu’il est hors de question pour elle de s’engouffrer dans une voie universitaire. « Cela me semblait peu concret. En revanche, à ce moment-là, la pâtisserie connaît un renouvellement. Ce sont les débuts de Christophe Michalak », explique-t-elle. Dès lors, elle réalise son premier stage en pâtisserie. « Je ne voyais pas le temps passer et lorsque je faisais des gâteaux je n’avais même pas l’impression de travailler », confie la cheffe, enjouée.

Puis, ce métier lui permet de réaliser quelques pérégrinations en France et à l’étranger. Commence dès lors une nouvelle ère pour la jeune pâtissière : celle dictée par le rythme des saisons. Elle atterrit d’abord au Kilimandjaro de Courchevel avant de faire ses valises pour le Grand-Hôtel de Saint-Jean-Cap-Ferrat et rejoint ensuite le mythique Hôtel du Cap-Eden-Roc à Antibes (Alpes-Maritimes). Démarre plus tard la période Bristol (Paris 8e). Mais entre-temps, elle pose ses bagages un an en Australie, où elle officie dans un établissement gastronomique libanais. «Leur vision de la cuisine est novatrice et plus décomplexée qu’en France. Cette expérience professionnelle m’a beaucoup marqué », témoigne la trentenaire.

À la fin de l’année 2022, elle reprend le poste de Tristan Rousselot au Prince de Galles. S’engage alors une autre grande aventure, celle de la création de son propre sillage. « J’avais carte blanche mais au début c’est compliqué de trouver son identité », explique Hélène Kerloeguen. Elle décide de puiser ses inspirations au cœur même de ses origines bretonnes, de son enfance passée dans la douceur angevine et dans les saveurs de ses nombreux voyages. « J’ai d’abord mis sur papier tous les goûts que j’adorais, comme le kiwi et la cardamome verte par exemple, mais aussi le beurre », déclare la cheffe avant de poursuivre : « Je pense que, nous les pâtissiers, nous recherchons toujours trop compliqué… J’ai été très formatée gastro, alors je suis toujours tentée de mettre beaucoup de fioritures. Aujourd’hui, je veux aller à l’essentiel mais c’est encore une petite bataille », admet la cheffe. Pour certaines de ses créations, Hélène Kerloeguen puise dans les accords rencontrés dans certains cafés ou restaurants. « C’est pour cela que je vais beaucoup manger à l’extérieur, je souhaite multiplier les expériences culinaires », affirme la cheffe. Par ailleurs, la peinture et les livres de cuisine lui permettent de « découvrir des nouvelles formes », promesse de nouveaux horizons dans le travail de ses dressages. « Il y a sans doute chez moi quelque chose de très protocolaire, car j’ai beaucoup travaillé dans des établissements gastronomiques mais j’essaie de sortir de cela pour faire des choses plus instinctives », poursuit-elle. Dans chacune de ses compositions, Hélène Kerloeguen recherche « la fraîcheur, la légèreté autant que la gourmandise et la simplicité ». Le mélange des textures est, lui aussi, essentiel.

Aller à l’essentiel

Pour son incontournable mille-feuille, elle a souhaité utiliser le minimum d’éléments : «Julien Miller, mon sous-chef, me canalise beaucoup. J’aurais eu tendance à vouloir combler les alvéoles avec de la fraise mais il m’a rappelé que le mille-feuille était beau comme ça, dans sa pure simplicité. Nous ne sommes pas un établissement gastronomique, il faut donc essayer de rendre les desserts plus bistro. Je dois me forger à la brasserie qu’incarne le 19.20 ».Pour les avides de singularité, il faudra donc se rendre à son tea time audacieux et saisonnier. Ce dernier est proposé du vendredi au dimanche de 16h à 17h30, pour 65 €. «C’est sans doute là que je m’amuse le plus, et l’équipe aussi d’ailleurs ! Nous savons que les gens qui viennent lors de ce moment ne vont pas pouvoir choisir ce qu’ils dégusteront. Nous allons pouvoir les dérouter avec des associations qu’ils n’auraient pas forcément imaginer ou choisi sur un menu à la carte », explique-t-elle. Le fil conducteur reste néanmoins, et de toute évidence, la gourmandise. Jusqu’à la mi-décembre, son tea time – qui a pour prémices les créations salées du chef exécutif Claudio Semedo Borges – se compose d’une pavlova très florale aux litchis et aux raisins muscat, d’une tartelette aux kiwis mariant la cardamome verte et la coriandre, d’une bouchée au chocolat et baie de batak, une bouchée poire, cassis, et shiso vert, ainsi que d’un chausson aux pommes revisité avec du sarrasin. «J’aime de plus en plus les choses que l’on trouve dans la nature. J’adore randonner et ramasser des fruits et des plantes que je trouve sur mon chemin. En pâtisserie, je souhaite aussi aller à l’essentiel », conclut la cheffe.

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