En renouant avec l’étoile Michelin dans son propre restaurant, Origines (Paris 8e), l’Aveyronnais Julien Boscus confirme son potentiel. Magnifiant les produits du terroir sans pour autant renier une créativité assumée, il garde les pieds sur terre et propose une cuisine hédoniste qui ne s’embarrasse pas avec les dogmes.

À 43 ans, Julien Boscus peut enfin savourer le plaisir d’être étoilé Michelin. Cinq ans après l’ouverture d’Origines (Paris 8e), la dernière édition du guide rouge lui a accordé cette distinction. Le cuisinier aveyronnais avait déjà connu ce bonheur, il y a dix ans aux Climats (Paris 7e). Mais il n’était alors que chef salarié. Depuis l’ouverture, à la fin de 2019, Julien Boscus a dû s’armer de patience, même si les critiques gastronomiques, comme les clients du restaurant, s’étonnaient de cette absence de reconnaissance. « Depuis quelques années, le niveau de cuisine requis pour l’étoile a augmenté. En outre, depuis l’ouverture, j’ai préféré jouer la prudence en limitant mes effectifs pour garantir la rentabilité », reconnaît-il avec humilité. Parti avec 11 employés, Julien Boscus salarie aujourd’hui 16 personnes.
Son restaurant de 33 places affiche complet à chaque service. Le chef est conscient que l’étoile ne devrait pas faire augmenter sensiblement le chiffre d’affaires, mais il la considère comme précieuse. « D’abord pour les équipes, mais aussi pour le regard de mes enfants, confie-t-il. Dans une période d’incertitude forte, elle consolide mon entreprise face aux éventuels aléas. » Il concède également que ce coup de pouce médiatique lui a permis de procéder à une hausse des prix annuelle un peu plus élevée que prévu, mais sans forcer la note toutefois. Le menu déjeuner est ainsi passé de 57 € à 59 €. « Je tiens avant tout à rester accessible, car j’ai une clientèle d’affaires locale très fidèle et attachée au lieu », assure-t-il. Cette considération le pousse d’ailleurs à ne pas forcément viser une deuxième étoile. « D’abord, je n’ai pas la prétention de penser que j’ai le niveau. Ensuite, cette ambition me pousserait à de nouveaux investissements pas forcément judicieux. Je préfère faire briller mon étoile », explique-t-il.
En revanche, Julien Boscus n’aurait rien contre l’idée d’ouvrir une annexe « pas pour y proposer une cuisine bistronomique, précise-t-il, mais j’adorerais ouvrir un vrai bistrot avec de la tête de veau vinaigrette et du pot-au-feu ». Julien Boscus conserve toujours dans un coin de sa tête la charcuterie paternelle de Saint-Cyprien-sur-Dourdou (Aveyron), une adresse réputée des environs de Conques. Sa famille lui a transmis le goût des produits authentiques et un mépris pour les faux-semblants. Il a quitté son village à l’adolescence pour le lycée hôtelier de Toulouse (Haute-Garonne). Ensuite, un chef de la Ville rose, Gérard Garrigues, le prend sous son aile et le recommande auprès de Pascal Aussignac, qui préparait l’ouverture d’un restaurant à Londres. L’aventure dure deux années, au terme desquelles Julien rentre à Paris pour intégrer la brigade du Meurice (Paris 1er) auprès de Yannick Alléno. À ses côtés, il a participé à l’épopée qui aboutit, en 2008, à la consécration des trois étoiles Michelin du palace de la rue de Rivoli. Sa carrière se poursuit, rue Balzac (Paris 8e), avec Pierre Gagnaire. « Je voulais découvrir une cuisine très créative, se souvient-il. En fait, pendant six mois, je ne comprenais pas la démarche. Puis il y a eu un déclic, tout s’est emboîté, j’ai pu avoir une vraie collaboration avec ce génie attachant. »
«Je préfère faire briller mon étoile.»
La confiance est telle qu’au bout de deux ans, Pierre Gagnaire lui confie l’ouverture de son restaurant de Séoul. À 27 ans, le cuisinier se trouve propulsé à la tête des cuisines au 35e étage d’un hôtel de 1 100 chambres. De retour à Paris, il obtient par hasard le poste de chef des Climats, un restaurant ouvert quatre mois plus tôt. Il gagne vite la confiance des propriétaires, Carole Colin et Denis Jamet. Ce lieu a représenté un tremplin pour lui, avec l’arrivée de l’étoile. Il reconnaît aussi avoir été inspiré par ce temple des vins de Bourgogne. « J’y ai compris l’importance des vins au restaurant, confirme-t-il. C’est la raison pour laquelle nous avons mis l’accent sur ce point à Origines. Nous avons 850 références à la carte et des prix qui restent très abordables. »
Une fine sélection
En créant Origines, il travaille sa carte sur ce même principe de sélection des produits. S’il montre un grand respect des saisons, il se moque des principes locavoristes. Thon rouge, asperges blanches et ris de veau figurent à la carte. Julien Boscus possède un sens de l’adaptation qui lui permet de faire face à l’adversité. Après avoir essuyé les effets des grèves SNCF dès son ouverture, il a été cueilli à froid par la crise sanitaire : « Sans bilan, sans résultat et sans aide, il fallait réagir. » Dès le début du second confinement, il s’est lancé dans la vente à emporter avec un menu à 29 €. Le bouche-à-oreille a fonctionné comme une traînée de poudre. Durant dix mois, le restaurant a connu le succès, vendant jusqu’à 150 menus par jour. Non seulement, cet épisode a remis à flot les finances du restaurant mais il a de surcroît forgé un lien fort et durable avec la clientèle.