Marius Bénard, moi je suis bistrot – bistrot !
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Après avoir fait ses premiers pas dans les restaurants parisiens de son père, Marius Bénard a décidé de devenir cuisinier et de se consacrer lui aussi au bistrot, en créant Le Beaucé en 2020. Il y propose une cuisine simple et généreuse, dans une ambiance conviviale. Une formule qui lui a permis d’éviter les écueils de la crise sanitaire.
Dans quelque semaines, Marius Bénard fêtera les cinq ans de l’ouverture du Beaucé, rue Richer (Paris 9e). Ce bistrot de 40 places assises dispose désormais d’une clientèle fidèle. Ce jeune chef de 33 ans peut considérer que sa première aventure entrepreneuriale a abouti. Les premiers pas furent pourtant difficiles. Après l’ouverture début 2020, Marius a dû renoncer à l’inauguration, initialement planifiée un certain 17 mars… Finalement, la petite fête n’a pu avoir lieu qu’en juin 2021, après le deuxième confinement. « On a coutume de dire qu’il faut deux ans pour lancer un restaurant, estime Marius Bénard. En ce qui nous concerne, 2022 a été notre première vraie année. C’est donc maintenant que l’on commence à récolter les fruits de notre travail. »
La vie de restaurateur n’est pas un long fleuve tranquille. Comme beaucoup de ses collègues, Marius a vécu cette année un été qu’il qualifie de « catastrophique ». Il a fait le dos rond en travaillant seul en cuisine, avec un apprenti, pendant que son chef de salle officiait lui aussi avec un apprenti. « L’idéal serait d’avoir une personne de plus de chaque côté du passe, reconnaît-il. Mais notre équilibre économique en serait fragilisé. » La forte dynamique enregistrée depuis septembre est très encourageante, mais le jeune patron veut attendre le printemps et la réouverture de sa terrasse de printemps avant d’embaucher. Il déplore le manque de visibilité : « la fréquentation des restaurants a toujours été aléatoire, mais cela s’est accentué ces cinq dernières années, avec le télétravail et les longs week-end prolongés des Parisiens. »
« L’important c’est qu’il y ait toujours à manger »
Son implication personnelle demeure la variable d’ajustement de l’entreprise et on peut dire que les journées de Marius sont bien remplies, entre ses neuf services hebdomadaires effectués à marche forcée. La gestion de ses fournisseurs s’avère aussi très chronophage. Le chef met en effet un point d’honneur à travailler en direct avec des maraîchers, des éleveurs, des mareyeurs, mais aussi des vignerons qui lui assurent à la carte ses 150 références de vins naturels. «À Rungis, précise-t-il, j’ai un contrat avec un maraîcher qui me vend et me livre une bonne partie de sa production et qui complète mes achats en achetant à ses confères sur le carreau des producteurs. »
Un vrai bistrot
Cette démarche particulière implique une gestion pointue et quotidienne des multiples interlocuteurs. « Lors des afflux de clientèle imprévus, poursuit-t-il, il arrive que des plats ne soient plus disponibles, faute de produits. Mais c’est la seule façon de pouvoir travailler avec des produits frais d’exception. L’important c’est qu’il y ait toujours à manger. »
Marius Bénard s’inscrit dans une bistronomie traditionnelle. Il n’est pas adepte des recettes éthérées et apprécie les assiettes généreuses et réconfortantes, avec de belles viandes et des poissons travaillés avec simplicité. Il suit en cela les traces de son père, Gilles Bénard, qui fut un des premiers à miser sur l’est parisiens en y créant de belles adresses bistrotières : la Faena (Paris 11e), Ramulaud (Paris 11e) les Zingots (Paris 10e) et Quedubon (Paris 19e). C’est dans cette dernière affaire que Marius a rejoint son père, en 2012, en rachetant les parts d’un associé. Il faut préciser que Marius a fait ses premiers pas au moment où son père est devenu restaurateur, à près de 40 ans. Auparavant cet homme avait bourlingué et exercé de nombreux métiers comme ceux de marin ou de garagiste.
Contrairement à son père, Marius s’est destiné au métier très tôt, en obtenant un BEP puis un bac pro à l’école Ferrandi. Ensuite, il a eu la chance de travailler chez deux grands noms de la bistronomie, Rodolphe Paquin (Le Repaire de Cartouche, Paris 11e) et Gilles Ajuelos (La Bastide Odéon, Paris 6e). Il a œuvré plus tard dans des restaurants gastronomiques aux Antilles, avant de revenir s’associer avec son père chez Quedubon. La collaboration a duré six ans et a offert à Marius une rampe de lancement pour créer Le Beaucé.
Il a ainsi jeté son dévolu sur une ancienne boucherie casher, transformée en restaurant depuis 2014. L’enseigne de cette échoppe est toujours accrochée au fond de la salle. Le décor joue la simplicité, avec la mise en valeur de la pierre brute, quelques casseroles en cuivre, des fauteuils bistro en bois et une grande banquette restaurée. Le jeune chef a toutefois commis «une petite folie de départ » en achetant aux comptoirs Nectoux, une piste en étain de sept mètres de long. Cette pièce s’est finalement révélée comme un élément hautement fédérateur, qui confère à ce restaurant un véritable cachet.Depuis la cuisine ouverte, Marius garde un œil sur la salle. «Devenir chef patron c’est très différent, admet-il. Lorsque je dirigeais les cuisines de mon père, j’étais moins attentif à la clientèle. L’accueil est primordial et je pense que c’est ce qui fait l’âme d’un lieu. »