Tribune de Pierre Lacoin : La régularisation d’un salarié étranger
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Le manque de main-d’œuvre est une problématique tenace en restauration. Face à ce constat, de nombreux professionnels font appel à des salariés étrangers (hors Union européenne), dont la régularisation est souvent difficile à obtenir.
À moins d’être originaire d’un pays membre de l’Union européenne, la présence d’un individu étranger en France requiert (en théorie) qu’il bénéficie d’un titre de séjour. Néanmoins,face à une immigration illicite importante et à une pénurie de main-d’œuvre, de nombreux restaurants ont recours à des salariés ne béné- ficiant pas d’un tel document. Ces situations tombent sous la qualification de peines pénales et administratives, à moins d’être régularisées. Retour sur la procédure dite de « régularisation exceptionnelle par le travail ».
Rappel des sanctions applicables
L’embauche ou la conservation en toute connaissance de cause d’un ressortissant étranger sans autorisation de travail est en principe punie d’une peine maximale de cinq années d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. Si cette infraction est rarement poursuivie hors des cas de filières d’exploita- tion, l’amende administrative de 27 500 € est, elle, appliquée. Rappelons qu’un employeur ayant vérifié la pièce d’identité de son salarié, puis son autorisation de travail en ligne, ne peut être sanctionné au titre de cette infrac- tion s’il a légitimement pu confondre l’identité réelle de son salarié avec celle présentée. Il est donc absolument nécessaire de conserver une copie de ce document.
Exclusion de la procédure simplifiée des métiers en tension
La loi Immigration du 26 janvier 2024 a créé une procédure simplifiée de régularisation par le travail, pour les métiers dits « en tension ». La liste de ces métiers est fixée par arrêté du 1er avril 2021, et varie en fonction des régions concernées. Malgré les 250 000 emplois non pour- vus chaque année dans ce secteur, les métiers de la restauration n’y figurent pas, à de très rares exceptions près. Des demandes ont été faites à fin d’inscription par divers syndicats professionnels, comme le Groupement des hôtel- leries et restaurations de France (GHR), mais sans succès. Ceci parce que le Gouvernement considère que le « peu de déficit de formation des candidats » ne justifie pas cette inscription. L’apport principal de cette procédure était son déclenchement à l’initiative du salarié, mais les conditions d’octroi restent néanmoins plus ou moins les mêmes.
Application de la procédure classique de régularisation
La procédure classique de régularisation est la suivante : tout individu peut demander sa régularisation par le travail. Mais s’il peut justifier de :
– trois années de séjour continu en France et 24 mois travaillés, dont 8 au cours des 12 derniers mois, ou…
– cinq années de séjour continu en France et huit mois travaillés sur les deux dernières années, ou 30 mois travaillés sur les cinq dernières années. Il devra par ailleurs parler le français, au moins de façon élémentaire, ne pas présenter de menace pour l’ordre public, attester ne pas être en situation de polygamie en France et démontrer son insertion dans la société française. Son séjour pourra être démontré, outre par une copie du passeport ou des factures, par des avis d’imposition ou des attes- tations d’aide médicale d’État.
Si le salarié concerné a travaillé sous une autre identité (pièce d’identité d’un tiers, par exemple), il pourra à cette fin faire établir une attestation de concordance d’identité par sonemployeur. Son employeur devra adresser le formulaire CERFA 15186*03 à la préfecture compétente (attention, toutes les préfectures ne traitent pas ce genre de demandes), accom-pagné des pièces nécessaires et d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche, après avoir déposé une offre d’emploi préalable auprès de France Travail. Le paiement d’une taxe, variant en fonction du salaire et de la durée du contrat, est à prévoir.
En cas de refus de régularisation par la préfecture de façon explicite (courrier) ou implicite (absence de réponse dans les quatre mois), un recours administratif peut être introduit dans un délai de deux mois. Le cas échéant, ce recours doit être confié à un avocat (s’étant idéalement chargé auparavant de la constitution du dossier et des conseils pour justifier de l’intégration du salarié).