Les couteaux japonais : des lames tranchantes et séduisantes

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Depuis plusieurs années, les couteaux de fabrication nippone s’imposent dans les cuisines des établissements français. La qualité de ces outils associée aux soins dont ils font l’objet confère aux lames japonaises une longévité remarquable.

Compilation des lames japonaises
Compilation des lames japonaises. Crédit DR.

«Ce sont des objets et des produits utilitaires. Avant d’être beau, cela doit être fonctionnel »soutient Fabien Bourly. Cet expert du couteau a fondé et gère depuis 2004 la Coutellerie Champenoise, à Reims (Marne), où il vend et répare des couteaux de cuisine. Cette boutique de 100 m2 est aujourd’hui l’une des plus grandes en Europe. D’autres établissements de Fabien Bourly – spécialisés dans la vente de couteaux pour les professionnels et les particuliers – sont implantés à Paris (5e et 6e), Lyon (Rhône), Brest (Finistère), Valence (Drôme) et Colmar (Haut-Rhin). « Le cœur de notre métier est la coutellerie, et particulièrement la coutellerie japonaise », précise le Rémois.

En effet, il a également créé le site couteaujaponais.com en 2008, afin de s’adapter aux nouvelles pratiques et méthodes de découpes des aliments. « C’était une réponse à une demande des cuisiniers gastronomiques. Ils faisaient venir en France des cuisiniers japonais, qui ont converti les Français, confie Fabien Bourly. Le couteau japonais est une lame de fond qui a été amenée par les professionnels. Les couteaux japonais ont un meilleur acier, une meilleure géométrie de lame. »

L’enthousiasme envers la coutellerie nippone n’est pas le résultat de projets marketing. Les couteaux japonais étant leur meilleur vecteur de promotion, ce succès « s’est fait tout seul », estime le coutellier. Ces outils possèdent des lames fines et tranchantes parfaitement appropriées aux découpes pratiquées en cuisine. Techniquement, les aciers nippons sont aussi beaucoup plus performants que les aciers utilisés en Europe (voir encadré).

Par ailleurs, la coutellerie japonaise a su adapter son offre aux besoins de l’utilisation européenne. « Les lames sont traditionnellement asymétriques pour les sushimen (chefs spécialisés dans la confection de sushi, ndlr). Mais les Japonais ont fait des lames pour les cuisiniers européens et américains : ils ont fabriqué des lames symétriques, comme ce que l’on retrouve sur les Sabatier, les Laguiole et les Opinel », explique Fabien Bourly.

Santoku, l’indispensable des fruits et légumes            

Incontournable dans la cuisine nippone, le santoku – qui signifie « trois dimensions » en japonais – excelle dans trois univers de découpes. À savoir, la viande, les légumes et le poisson. Particulièrement polyvalent et doté d’une lame tombante comprise généralement entre 16 et 19 cm, « le santoku est la version japonaise de ce que l’on appelle en Europe un couteau de chef », note le site web couteau japonais. Utile à tous les chefs, il est particulièrement adapté aux personnes « qui ont une cuisine orientée sur le végétal, précise Fabien Bourly. Il a une bonne assise, une bonne stabilité et il est très large. On peut l’utiliser comme une spatule pour mettre tous les ingrédients sur la lame, et ensuite dans un récipient. Dès qu’on travaille sur des planches, il est excellent ».

Pour un cuisinier professionnel, le coutelier rémois conseille notamment le Tojiro Zen f-503 : « C’est un bon rapport prix-coupe du marché, une référence que l’on vend du commis au chef. » Pour un santoku plus haut de gamme, Fabien Bourly orienterait un restaurateur vers un Kai Shun DM-0702 : « On est sur une lame du même acier mais avec une finition supérieure. »

Le polyvalent gyuto

Parmi la panoplie de produits qu’offrent les couteaux japonais, le gyuto – ou couteau de chef à la japonaise – est reconnu pour sa polyvalence. Il a les mêmes applications que le couteau de chef européen, mais sa pointe est plus tombante et son tranchant plus grand. « C’est l’un des plus vendus dans le monde de la gastronomie, aucun cuisinier n’a pas un gyuto », lance Fabien Bourly. En France, ce type de couteau de cuisine existe le plus souvent en deux tailles de lame, 20 ou 25 cm. Les Japonais utilisent, eux, plusieurs tailles en fonction de la personne qui s’en servira.

Ainsi, la plupart des fabricants proposent des lames de 18, 21, 24 et 30 cm. Le gyuto est « le seul couteau que le cuisinier gardera s’il en a un seul à garder. C’est le polyvalent de cuisine par excellence… C’est un polyvalent orienté viande et poisson », note le gérant en coutellerie. Le Suncraft WA-05 est selon lui « une entrée de gamme, à 80 €, exceptionnelle », pouvant suivre toute « une carrière de cuisinier ». Quant au gyuto de 21 cm de Ryusen, réalisé avec une lame forgée par des artisans, il est « plus équilibré » et assure « un meilleur comportement de coupe ». Fabien Bourly affirme qu’environ 90 % de sa clientèle possèdent aujourd’hui des couteaux japonais. Mais ces couteaux de grande qualité nécessitent un entretien, dont les japonais sont également des experts.

Art de l’affûtage

« Les couteaux japonais sont connus car leur tranchant est assez aigu. Une bonne qualité de couteau est un couteau facile à entretenir, et à aiguiser sur pierre. » C’est ce que soutient Yuki Ichikawa Darmon, formatrice en cuisine à Lyon. Depuis cinq ans, cette japonais dispense aussi des cours d’affûtage . « Je me suis aperçu qu’il n’y avait pas cette notion d’affûter et aiguiser les couteaux en France », confie-t-elle. L’enseignement de l’affûtage est une norme dans les écoles de cuisine au Japon… mais beaucoup plus rare dans les établissements hôteliers français.

Yuki Ichikawa Darmon propose donc des cours à des cuisiniers exerçant dans des restaurants japonais – notamment des sushimen – mais également des chefs français. « Anne-Sophie Pic ne fait pas de cuisine japonaise mais possède des couteaux japonais, comme un yanagiba (à longue lame), qu’elle voulait savoir affûter », confie la formatrice, reçue à Valence (Drôme) par le cheffe triplement étoilée en mai 2022. « Je pense que pouvoir entretenir un couteau soi-même permet de faire plus attention à son utilisation, estime la formatrice, qui importe du Japon des couteaux et des pierres d’affûtage. C’est bien d’investir dans un bon couteau et de l’entretenir. Au bout de 30 minutes de cours, les gens arrivent à se débrouiller seuls ». À travers sa structure dédiée à l’entretien des outils de coupe, Yuki Ichikawa interviendra le 4 octobre à l’Institut Paul Bocuse à Lyon, puis le 19 octobre à l’école Ferrandi (Paris, 6e).

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