Chez Françoise, au confluent de la Chiraquie et de Bordeaux

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Restaurant étonnant, à la croisée des Corréziens de Bordeaux et de la Chiraquie, Chez Françoise cultive avec bonheur une douce nostalgie avec des recettes du terroir ainsi qu’une cave exceptionnelle.

Chez Françoise
Chez Françoise devanture. Crédit DR.

Le restaurant Chez Françoise, à Meymac, est un lieu à part, improbable, hors du temps. Ses deux salles pimpantes, aux cheminées imposantes et aux boiseries rassurantes nous replongent dans le passé. Tout est rangé au cordeau, pas la moindre trace de poussière. Le lieu est entretenu religieusement comme un musée par la propriétaire, Françoise Bleu, 60 ans. D’ailleurs, il se murmure dans le département que le véritable Musée du président Jacques Chirac ne se trouve pas à Sarran, mais ici dans ce bourg opulent de Haute-Corrèze. L’ancien président est omniprésent dans le décor. Deux photos de lui trônent sur le piano, ainsi que nombre de livres lui étant consacrés.

Dans la boutique attenante au restaurant, on retrouve les bières brivistes, Abracadabrantesque, à l’effigie de l’ancien chef de l’État. Il faut dire que Meymac était une place forte de la circonscription de Jacques Chirac. Henri Bleu, le père de Françoise, l’avait accompagné lors de ses premiers pas politiques sur le territoire, en 1967. Henri Bleu, qui exerçait la profession d’inséminateur, avait portes ouvertes dans toutes les fermes de la région, et Jacques Chirac avait su utiliser à bon escient l’entregent et les conseils de cet homme avisé. « Il venait très souvent à la maison, raconte amusée Françoise. On m’a raconté qu’à l’âge de 2 ou 3 ans, je traînais sous la table pour lui défaire les lacets. »

À l’époque, le restaurant n’existait pas. « C’est un peu l’histoire d’une transmission inversée, explique-t-elle. À 17 ans, j’ai décidé de créer une crêperie à mon nom dans le village. J’y servais plutôt la crêpe locale, les tourtous. Je l’ai exploitée quelques années avant de rejoindre mon mari dans les Ardennes. » Sa mère, Monique, qui exerçait le métier de traiteur et de marchande de vin a alors décidé de prendre le relais en ajoutant à la carte quelques recettes locales, comme le coq aux cèpes et au vin de Corrèze ou la joue de bœuf mijotée aux cèpes… et bien sûr la tête de veau. L’adresse est célèbre pour son offre de champignons des forêts environnantes.

Bar chez françoise
Une ambiance hors du temps. Crédit DR.
Françoise Bleu
Françoise Bleu, la gardienne du temple. Crédit DR.

Mais surtout, Monique Bleu, passionnée de vins, a constitué une cave qui n’a pas d’équivalent dans la région. Meymac et ses environs ont en effet la particularité d’avoir vu naître une majorité de ces 400 familles corréziennes, à l’instar des Moueix ou des Janoueix, qui ont fait fortune dans le vignoble bordelais, avec le commerce du bois et du vin. Beaucoup d’entre elles ont conservé une résidence secondaire dans le village. Ces Corréziens de Bordeaux ont ainsi vite trouvé chez Françoise un lieu de rendez-vous idéal. Aujourd’hui à la tête d’une cave de 8.000 bouteilles, Françoise Bleu veille sur ce Fort Knox du bordelais. Rien ne manque à l’appel : Petrus, Haut Brion, Yquem. Si les autres régions vinicoles sont moins représentées, on peut tomber sur une caisse panachée du Domaine de la Romanée-Conti au détour d’un rayonnage de la cave. Et le menu est à 33€…

Le restaurant peut aussi compter sur les Chiraquiens, qui ne manquent pas une occasion d’effectuer un pèlerinage dans ce vestige d’une époque où la politique se jouait davantage autour d’une table ou au comptoir que sur les réseaux sociaux. En outre, le monde du vin et celui de la politique se rejoignent ici. C’est le cas avec Valérie Pécresse, fidèle cliente. Mariée à Jérôme Pécresse, originaire de Meymac et propriétaire jusqu’à l’année dernière de Canon-Pécresse, à Bordeaux, la présidente du Conseil régional de l’Île-de-France a deux bonnes raisons d’y conserver son rond de serviette. Françoise a repris la suite en 2007. « Mais, assure-t-elle, je ne me suis jamais vraiment éloignée de Meymac. Chaque année, j’y venais travailler durant six mois pour assurer la saison. »

Monique, non plus, n’a pas vraiment quitté le restaurant. Officiellement à la retraite, elle met un point d’honneur, à 84 ans, d’assurer une présence à chaque service.

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