Chez Poulpette, les papilles conquises par la maîtrise
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Le travail du chef Antoine Vernouillet ravit la clientèle cognaçaise et impressionne les guides gastronomiques depuis quelques années. Ses plats, préparés et dressés dans sa cuisine ouverte, révèlent une précision gourmande.
Une devanture qui ne paie pas de mine. La baie vitrée, teintée, peut même dégager une certaine austérité. Pourtant, sans entretenir de suspense, ce restaurant nous laisse encore un magnifique souvenir. Pour paraphraser Akrame Benallal, Poulpette réussit à « rendre l’éphémère inoubliable ». Installée au bord d’un rond-point de la rive droite de Cognac, juste après le Pont Neuf, c’est une adresse discrète – à l’instar de son chef – que l’on découvre. Antoine Vernouillet, originaire de région parisienne, est à la tête de cet établissement depuis huit ans. Cet ancien étudiant en sciences politiques de l’université Paris 8, spécialisé en philosophie, s’est tourné vers la restauration, mué par l’envie de toucher « quelque chose de plus pratique ». Il intègre ainsi une école de cuisine en cours du soir, à Bruxelles, et commence l’exercice de sa profession.
Dans la capitale belge, il s’aguerrit dans une quinzaine d’établissements reconnus, ou dits gastronomiques, durant plus de trois ans. « Je me suis formé essentiellement à Bruxelles », précise le chef de 40 ans, évoquant Chou ou encore Inada, du chef japonais Saburo Inada. « Ce qui m’intéressait, c’était de voir une méthodologie de travail et d’acquérir plus au moins une forme de protocole. Pour faire ce que j’en voulais après. Inada est le seul chez qui je suis retourné plusieurs fois bosser », ajoute le chef de Poulpette.
Dans son restaurant d’environ 25 couverts, modulable selon le nombre de convives installés au comptoir, la décoration est brute mais soignée. À l’instar des assiettes dans lesquelles les plats sont proposés. Seul en cuisine, Antoine Vernouillet balance entrées, plats et desserts avec rigueur. Les éléments composant chaque service sont courts, bien exécutés et avec des petits contre-pieds jouissifs ! Pour attaquer le déjeuner (proposé notamment dans une intéressante formule « sans choix », à 36€, en trois temps), du foie gras au cognac est plongé dans un bouillon miso, où sont aussi immergés des crucifères. Le doute ressenti à la lecture de cette entrée se dissipe grâce à un jeu de texture, un goût prononcé, un équilibre. En plat de résistance, un lieu jaune accoudé sur une aubergine cylindrique est relevé par une sauce tahina, parsemée de réjouissants petits morceaux de chorizo.
« De toutes mes expériences, ce que j’en ai retiré – plus que des recettes et des influences – c’est plutôt, par défaut, les limites que je ne veux pas m’autoriser à franchir, développe Antoine Vernouillet. Ce Japonais (Saburo Inada) m’a peu transmis le goût des chichis… Par contre, je n’avais pas intérêt à me planter sur la précision de la cuisson. » Cette précision – maîtrise ou rigueur – est certainement ce qui nous frappe le plus chez Poulpette. Dans le cadre qu’il s’astreint, son chef facilite ses tâches : « Tout ce que je fais doit être très simple. Si ce n’est pas simple, ça ne m’intéresse pas. Cela doit pouvoir être fabricable dans la temporalité d’une matinée pour le midi, ou d’un après-midi pour le soir. Avec deux exceptions : mes bouillons et mes jus de viande… ce sont des temporalités plus longues. »
Le plaisir de manger, le non-retour des produits au réfrigérateur et la livraison quotidienne du poisson (de la criée) complètent ses principes de cuisine. Une cuisine qu’il considère d’ailleurs comme assez traditionnelle. « Je sais que des gens la voient fantaisiste, parce qu’il faut catégoriser. Mais tout ça c’est très Escoffier, très classique […]. Après, j’ai des assaisonnements pour que ça reste ludique. »