Florent Ladeyn : le « terroiriste » des Flandres
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Florent Ladeyn est un amoureux de son territoire. Son engagement dépasse de loin le simple discours locavore, puisque dans ses différents restaurants, seul le sel ne provient pas des alentours. Une passion qu’il retranscrit dans sa cuisine, que cela soit dans son auberge étoilée, dans son restaurant gastronomique ou dans son estaminet lillois.
Lorsque l’on parle de gastronomie du nord de la France, le nom de Florent Ladeyn revient systématiquement. Sa cuisine et son engagement semblent en avoir fait, un peu malgré lui, un porte-drapeau des Flandres. «Je n’ai pas conscience de cela, je suis uniquement concentré sur le professionnel, ma démarche est ultralocale et radicale, c’est tout ce qui m’importe», lance-t-il d’emblée. Il se revendique lui-même comme un «terroiriste», tant sa vision de la cuisine est engagée. Il connaît tous ses producteurs, qui sont souvent devenus des amis au fil du temps, ne négocie jamais le prix de matières premières et ne fait aucune concession sur la provenance, à l’exception du sel. «Je fais mon métier de façon différente de certains de mes confrères, je regarde d’abord d’où vient le produit, puis sa qualité et enfin le prix», explique-t-il. Pour lui, la rentabilité et la notion du temps sont relatives. Une démarche qui le pousse à passer des heures auprès des agriculteurs du coin et dans son atelier de production situé à Boeschepe, à deux pas de son auberge. «Ce qui me pousse, c’est l’amour de ce territoire», résume le chef. Florent Ladeyn est un cuisinier autodidacte, issu d’une famille de restaurateurs. Dès son plus jeune âge, il évolue au sein de l’auberge familiale, dont il prend les rênes en 2007, après avoir occupé le poste de responsable pâtisserie. Il commence alors à s’exprimer pleinement dans les assiettes et est élu par le Gault&Millau 2011 jeune talent de la région nord. Deux ans plus tard, il participe à l’une des premières éditions de l’émission Top Chef, où il atteint la finale. Sa cuisine brute et gourmande a marqué les esprits. La même année, sans trop de préméditation, il décide d’ouvrir un nouveau restaurant, dans le Vieux-Lille cette fois. «J’étais sur le site Le Bon Coin pour regarder les maisons où déménager, et je suis tombé sur l’annonce d’un ancien atelier de menuiserie caché au fond d’une petite cour», se remémore-t-il. En 48 heures, il signe le contrat et décide d’installer un restaurant gastronomique (Bloempot) entre ces murs.
L’histoire ne s’arrête pas là pour le passionné. En 2014, les inspecteurs du Guide Michelin attribuent une étoile à l’Auberge du Vert Mont. Une reconnaissance qu’il perd en 2020, avant de la récupérer en 2022. Puis, lassé de ne pas trouver un endroit où boire une bonne bière et bien manger sur le pouce dans les rues de Lille, il décide d’ouvrir son estaminet nouvelle génération, le Bierbuik, en 2019. «Même si on est des chefs dans des restaurants gastronomiques, on aime manger gras et avec les doigts ! J’avais donc envie de m’amuser et de proposer de la street food, des frites, des flamiches…», commente-t-il.
Créativité sans limite
Si tous ses projets sont différents, sa ligne de conduite, elle, reste la même. «C’est la forme qui change, pas le fond, j’utilise les mêmes produits, j’aborde le travail avec la même philosophie», glisse-t-il. Tantôt en service à l’Auberge, tantôt derrière les fourneaux du Bierbuik ou en recherche dans son laboratoire de production, Florent Ladeyn aime l’idée de passer d’un établissement à l’autre : «Cela me permet de ne jamais m’ennuyer. Au contraire, je m’estime chanceux de pouvoir faire autant de choses différentes.» Et le public le rend bien à ce chef iconique du Nord, puisque ses trois adresses ne désemplissent pas, le midi comme le soir. Son succès, le chef le prête volontiers à l’ensemble de son équipe. «Je donne mon identité, ma direction, mais tout ne sort pas de ma tête. Mes chefs en place, au Bloempot [Florence Grave] et au Bierbuik, permettent que cela fonctionne», admet-il. Il a en outre instauré la semaine de quatre jours pour l’ensemble de ses employés, afin d’améliorer leur qualité de vie. Enfin, puisque le chef n’a pas froid aux yeux, il a décidé cette année de continuer à se lancer des défis. Il a donc décliné son Bierbuik à Béthune (Pas-de-Calais), mais aussi ouvert des comptoirs dans le food court lillois Grand scène et dans la Friche Gourmande de Marcqen-Barœul (Nord). «J’ai décidé aussi de me lancer à Bruxelles, grâce à la rencontre d’une personne qui vendait son établissement. C’est un défi, c’est la première fois que je sors de ma région», glisse-t-il. Dans la capitale belge, il doit donc s’adapter aux us et coutumes locaux. «Je suis proche de la Belgique, mais je dois m’habituer à une autre culture, une autre façon de faire. Par exemple, les Bruxellois ne s’attablent presque pas à midi, je propose donc la vente à emporter», détaille-t-il. Un pari qu’il relève avec passion et ardeur, comme pour le reste de ses projets. Et la suite ? «Je ne m’interdis rien, mais sept adresses c’est déjà pas mal!», sourit-il.