Jus de fruits : le marché qui fuit la banalité

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Touché par l’inflation et de piètres récoltes, le marché des jus de fruits a connu une baisse de volume en CHR. Mais les recettes sont restées substantielles grâce aux hausses de prix et à la montée en gamme des produits. Le consommateur plébiscite les produits premium et plus originaux.

Jus de fruits. Crédits : Alain Milliat.
Jus de fruits. Crédits : Alain Milliat.

« En 2019, le marché des jus de fruits en restauration hors foyer représentait un volume de 174 millions de litres. Conséquence de la crise sanitaire, il est retombé à 117 millions en 2020 et 128 millions en 2021 », observe Jérémy Tascher, directeur développement CHR d’Eckes-Granini, groupe qui exploite sur ce marché les marques Pago et Granini. La chute aurait pu être plus douloureuse, Heureusement, la VAE a partiellement compensé le choc. « Nous avons pu constater que les habitudes de consommation prises avec la livraison durent dans le temps, se réjouit Jérémy Tascher. Nos bouteilles de Pago 33 cl ont progressé en vente à emporter. Nous proposons sept parfums dans cette gamme. »

Les chiffres de consommation de 2022 ne sont pas encore connus, mais le distributeur C10 s’attend à un volume de l’ordre de 161 millions de litres, soit une réduction de 7% par rapport à 2019, qui constitue l’année de référence. Depuis 2015, le marché global du jus de fruits est plutôt orienté à la baisse. Mais les ventes dans le secteur du CHR restaient jusqu’à présent dynamiques. Elles représentent 15% des volumes et 17% du CA pour les producteurs. Le fléchissement sur ce marché ne traduit pas forcément un désintérêt du consommateur. « Il y a une restriction de matière première, mais aussi des problèmes d’approvisionnement en verres qui font que certains producteurs de jus étaient en rupture de stock », confie Jérémy Tascher.

Un secteur impacté par l’inflation

Le dérèglement climatique perturbe de plus en plus souvent les récoltes de fruits en raison du gel ou de la sécheresse. Les producteurs de jus doivent aujourd’hui composer avec cette donnée alors que la demande mondiale augmente. Dans ces conditions, le secteur est largement impacté par l’inflation que les fabricants essaient de contenir en sacrifiant parfois certains parfums, comme la framboise qui devient hors de prix. Mais cette baisse est plus conjoncturelle que structurelle puisque les jus de fruits bénéficient toujours d’une forte demande dans les CHR. Jean-Louis Denis, directeur commercial hors domicile, qui défend la marque Caraïbos, très impliquée dans la mixologie, estime que « l’effet cocktails et le développement de la demande sans alcool soutiennent le marché ».

La montée en gamme dope d’ailleurs les ventes. Chez C10, on note que « depuis 2019, les purs jus de fruits et ceux labellisés bio tirent leur épingle du jeu ». Un succès des produits premium qui se traduit dans les ventes du distributeur en 2022. Par rapport à l’année précédente, elles ne progressent en effet que de 2,7% en volume, mais de 16% en valeur. C10 développe d’ailleurs une marque distributeur bio, Jus de rêve, qui décline huit parfums. Des marques haut de gamme comme Alain Milliat sont de plus en plus présentes sur ce marché. Théodore Pied, responsable commercial de l’entreprise constate que « les établissements veulent se démarquer pour créer de l’expérience. Les clients apprécient des jus moins sucrés et plus naturels ».

De nouvelles combinaisons

« Les jus de fruits premium se démocratisent. Ils ne concernent plus seulement la restauration étoilée. On voit aujourd’hui que les bars à vins sont prêts à investir dans ces produits », assure pour sa part Romain Font, responsable de la marque Patrick Font, initiée par son père. La clientèle des bars et des restaurants cherchent aussi davantage de variétés et de diversité. Chez Pago on remarque que le parfum orange-carotte vient de détrôner le leadership du traditionnel jus d’orange.

Jamais en manque d’originalité, la marque vient de mettre sur le marché une version Fruit du dragon-goyave. Les combinaisons ont aussi le vent en poupe. Ainsi Patrick Font propose des mélanges comme yuzu-cassis ou fruits de la passion-grenade. Chez Alain Milliat, on pousse la sophistication en déclinant des parfums comme betterave. L’innovation vient ainsi soutenir un marché du hors domicile qui fuit la banalité. À cet égard, C10 s’est engagé à lancer chaque année un nouveau parfum dans chacune de ses marques propres.

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