Les coulisses du Meilleur sandwich du monde
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En début d’année, Le Petit Vendôme (Paris 2e ) a été primé par le magazine Time Out. Le média anglais a désigné son jambon-beurre comme étant le Meilleur sandwich du monde. Nous sommes allés déguster ce casse-croûte, rencontrer le propriétaire de l’établissement, Gilles Caussade, et observer les petites mains qui préparent, quotidiennement, les 300 sandwichs que débite le bistrot.
Il est à peine 11h30 qu’une file d’attente est déjà bien constituée devant le 8, rue des Capucines. Le Petit Vendôme, bistrot du 2e arrondissement de Paris, bien dans son jus, et longtemps détenu par des Auvergnats, connaît un beau succès depuis quelques mois. Cela en grande partie pour la qualité de ses sandwichs, que les touristes étrangers comme les Parisiens s’arrachent presque à toute heure de la journée.
Parmi les casse-croûte les plus commandés, le jambon-beurre décroche la timbale. Et pour cause, le magazine Time Out lui a décerné le titre de Meilleur sandwich du monde 2025. « Ils ne nous ont pas prévenus, c’est même un client qui me l’a annoncé un samedi matin », lance Gilles Caussade, propriétaire du restaurant situé à quelques pas de la place Vendôme. « Dans une autre vie, j’étais président d’une maison de haute couture, Madame Grès, qui était près d’ici. Donc je venais dans les années 1979-1980 pour manger un casse-croûte ou déjeuner, confie le restaurateur, qui, avant d’acquérir l’établissement en 2012, avait initié certaines clientes (plutôt habituées aux étoilés) dans ce bistrot. Ces gens très fortunés adoraient l’ambiance, et à la fin du repas c’était : “Next time, Petit Vendôme ! ” »
Sandwich pour tous
La « mixité sociale remarquable » de cette petite enseigne plaît à Gilles Caussade, voyant
alors s’attabler « des ouvriers, des secrétaires, des traders, des joailliers, des touristes… C’était un bistrot très vivant ». Ce troquet où le Formica vous entoure a conservé aujourd’hui cette faculté à mélanger des profils divers. Les clients s’installent pour manger une bonne viande (issue des Boucheries Nivernaises), des œufs mayo (validés par l’ASOM), une salade généreuse, du confit de canard ou du pied de cochon.
Mais la grande majorité s’attarde désormais sur l’ardoise des sandwichs. Ces derniers, facturés entre 6,50 € et 9 €, peuvent être consommés sur place, au comptoir, ou à emporter. « J’ai commencé ici il y a 16 ans, donc les casse-croûte, je les fais les yeux fermés, précise Sophie Gômme, salariée du Petit Vendôme, qui épaule le patron et gère l’établissement en son absence. Quasiment toute ma matinée est consacrée à la mise en place. C’est-à-dire qu’en amont il faut couper des cornichons. Et des cornichons on en passe beaucoup! Il faut réapprovisionner le frigo et précouper les baguettes. Comme on les fait tous à la minute, il faut qu’on ait au moins ce gain de temps. »
« On fait du casse-croûte toute la journée »
Hormis lors de la fermeture dominicale et le lundi soir, entre 250 et 300 sandwichs sont préparés chaque jour derrière le zinc. « On fait du casse-croûte toute la journée. Le matin on ouvre à 8h30, et dès que le pain arrive on a déjà des touristes qui attendent devant la porte pour un “jambon-beurre” », assure Sophie Gômme, en imitant l’accent américain. Elle est épaulée désormais par deux employées : l’une à la production – « elle tartine, elle tartine, elle tartine… » – et une autre en charge des prises de commandes et des encaissements. Ce soutien semble aujourd’hui primordial pour assurer la demande intense, notamment à l’heure du déjeuner. « Vers 16h30, pas mal de touristes reviennent pour s’asseoir en terrasse, et on refait un peu de casse-croûte en salle », poursuit celle que l’on appelle ici « la reine des sandwichs ».
Cinq points gagants
Mais quelle est la recette d’un bon casse-croûte ? Gilles Caussade a sa petite idée et elle s’articule en cinq points. Le premier est d’utiliser du « bon pain », à savoir ici des demi-baguettes traditionnelles issues de la boulangerie Painorama (Paris 1er, [voir encadré]). « Du bon beurre », conservé à température ambiante, est le deuxième élément recommandé par le taulier.
« De très bons produits: charcuterie, fromage… beaucoup d’Auvergne », ajoute-t-il, concernant le troisième point. « Une préparation à la demande ! C’est très très très important, soutient ardemment le restaurateur à propos du quatrième point. Le fait de préparer à la minute, c’est la clef ! Ce n’est pas facile, c’est un vrai boulot. Mais un bon sandwich, s’il est mis dans une vitrine réfrigérée, une heure après il n’a plus le même goût, il est humide… Alors que là, le pain ne rentre pas dans le frigo. »
Enfin, le cinquième point, que Gilles Caussade présente comme « l’ADN du Petit Vendôme », est « la générosité ». Ses sandwichs ne se limitent pas à un petit bout de jambon : « C’est du jambon! Une tranche, deux tranches, deux tranches et demie… c’est pas grave. Il faut que ça déborde, il faut qu’il y en ait ! »
Trois ingrédients soigneusement sélectionnés
La baguette tradition
Tous les sandwichs du Petit Vendôme sont faits avec des demi-baguettes « tradition », semblables à des petites baguettes. Elles ont en effet chacune deux quignons, ce qui leur permet de conserver leur fraîcheur et d’éviter de se dessécher trop rapidement. Ce pain en provenance de la boulangerie Painorama (Paris 1er) – anciennement boulangerie Julien – est fabriqué à partir d’une farine de type 65, composée en partie de blé malté, lui donnant une couleur légèrement jaune. « Le principe de la “tradition” aujourd’hui est d’avoir le moins de levure possible, avec la fermentation la plus longue possible, pour avoir le plus de goût possible, explique Laurent Forget, boulanger conseil des Moulins familiaux de Chars (Oise), fournisseur de Painorama. Pour une tradition, il faut compter 24 h de fermentation pour avoir quelque chose de qualité. Tandis qu’une baguette classique, c’est 5 h en moyenne. »
Le jambon à l’os
Cette charcuterie est originaire de Bretagne… mais nous n’en savons pas vraiment davantage. L’équipe du Petit Vendôme préfère ne pas révéler l’identité de son fournisseur, dont la notoriété ne serait plus à démontrer. Toutefois, ce jambon à l’os est très peu « salé », nous lâche Gilles Caussade du bout des lèvres. Quoi qu’il en soit de son origine précise, sa qualité gustative et son équilibre gras-maigre s’intègrent parfaitement dans le classique jambonbeurre (supplément cantal) que nous avons dégusté
Le beurre de Baratte doux
Les demi-baguettes des meilleurs sandwichs du monde 2025 sont généreusement tartinées de beurre. La motte de 5 kg se réduit à une vitesse impressionnante à l’heure de pointe. Ce beurre, fabriqué par la fromagerie Réo à Lessay (Manche), est obtenu par barattage, à partir de crèmes crues pasteurisées, maturées lentement à basse température. Il « va développer ses arômes grâce à la maturation lente des crèmes », précise la fromagerie normande. Le choix d’un beurre doux est « volontaire », affirme Gilles Caussade : « Parce que la charcuterie, c’est salé; le fromage, c’est salé. Alors rajouter du beurre salé, c’est un truc de Parisien! (rires). Oui, c’est très bon le beurre salé, mais c’est un choix. »