Tribunal de commerce de Paris : UMIH vs Airbnb, verdict le 21 octobre

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L’UMIH a plaidé la cause de la profession lors d’une audience au tribunal de commerce de Paris face à Airbnb. Le motif : concurrence déloyale.

Véronique Siegel, présidente de l’UMIH Hôtellerie, et Philippe Carrion, directeur général de l’UMIH.

Vendredi 13 septembre 2024, 14 h, tribunal de commerce de Paris. Le président entre dans la salle, accompagné de ses deux assesseurs. Une certaine tension est alors palpable entre les deux parties. Et il y a de quoi car l’enjeu est très important pour l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) confrontée à Airbnb Ireland. Irlande, car comme la plupart des multinationales américaines d’internet, leur siège social européen est installé au Pays du trèfle (la maison-mère est cotée au Nasdaq).

Que reproche l’UMIH à Airbnb ?

De ne pas respecter les réglementations en vigueur, de détourner illicitement une partie de la clientèle des hôteliers, et de créer une rupture d’égalité concernant la collecte de la taxe de séjour, au détriment des collectivités locales.

Mais également : absence de numéros d’enregistrement dans les communes concernées, maintien des annonces au-delà des 120 jours légaux pour les résidences principales, mauvaise collecte et déclaration de la taxe de séjour. En outre, la plateforme manque à son obligation de surveillance en autorisant la présence de contenus illicites.

Nous nous sommes battus durant des décennies pour définir et instaurer des règles
Jonathan Bellaïche, avocat au sein du cabinet Goldwin

Maître Jonathan Bellaïche (cabinet Goldwin) prend alors la parole en premier au nom de l’UMIH. Ce dernier rappelle en préambule que ce syndicat représente un tissu économique primordial pour l’économie française et regroupe des dizaines de milliers d’entreprises. « Nous nous sommes battus durant des décennies pour définir et instaurer des règles et nous ne sommes pas là pour les remettre en question. » Comme il ne remet pas en question la légitimité de cette plateforme. D’autant que nombre d’acteurs du CHR y sont présents. Mais d’ajouter : « Néanmoins, Airbnb se doit de collecter la taxe de séjour. C’est une obligation Mais quand une plateforme ne respecte pas la règle, alors nous sommes face à une concurrence déloyale. Les règles ont été violées au préjudice de la concurrence. »

La mairie de Paris aussi

S’il n’y avait qu’un seul argument pour condamner Airbnb, c’est une atteinte majeure et essentielle à la profession dans son ensemble
Jonathan Bellaïche, avocat au sein du cabinet Goldwin

Inutile de préciser que sur le banc des avocats de Airbnb, au nombre de quatre (!), un certain agacement se lisait de temps à autre lors de la plaidoirie de Maître Bellaïche. Ce dernier tient également à rappeler que la mairie de Paris a elle-même attaqué Airbnb ainsi qu’une émission de Complément d’enquête de janvier dernier mettant en cause la plateforme. « S’il n’y avait qu’un seul argument pour condamner Airbnb, c’est une atteinte majeure et essentielle à la profession dans son ensemble. » Après une heure de plaidoirie, c’est désormais au tour des avocats de Airbnb de prendre la parole.

Parole à la défense

Sans surprise, la plateforme réfute tous les propos et autres exposés avancés par la partie adverse. La défense a comme pilier principal l’argument suivant : Airbnb est, et uniquement, une plateforme de mise en relation de différentes parties, et n’est en aucun cas responsable des contenus. « Amazon vérifie-t-il que dans les millions de livres vendus les droits d’auteurs ont bien été versés ? s’interroge l’un des avocats. The Fork vérifie-t-il les restaurateurs ? »

Quant à la taxe de séjour, elle est collectée. Et si ce n’est pas le cas parfois, elle est régularisée, affirme-t-il.

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Jusqu’au bout

A la fin de l’audience, qui a duré un peu plus de deux heures. Maître Bellaïche a tenu à déclarerqu’il ne s’agissait que d’une première étape.

« Pour nous, le combat collectif pour la profession continue. Nous ne nous limiterons pas au tribunal de commerce de Paris. Nous irons jusqu’au bout s’il le faut, de toutes les procédures. Notre conviction est fondée en droit pour lutter contre une concurrence déloyale. »

Et Véronique Siegel, présidente de l’UMIH Hôtellerie, de renchérir : « L’hôtellerie est un métier de service exigeant. Il implique une présence continue pour satisfaire nos clients. Et aussi le respect de normes strictes en matière de sécurité, d’hygiène et d’accessibilité. Nous investissons dans l’avenir, nous formons des jeunes, créons des emplois et payons nos impôts.»

Cette situation affecte directement les professionnels du secteur
Philippe Carrion, directeur général de l’UMIH

Au-delà du secteur hôtelier, l’impact de ces dérives dépasse aujourd’hui le cadre de la simple concurrence déloyale pour Philippe Carrion, directeur général de l’UMIH. « Le non-respect de la réglementation par Airbnb contribue à une dérégulation complète du marché locatif, aggravant ainsi la crise du logement. Cette situation affecte directement les professionnels du secteur qui ont de plus en plus de difficultés à loger leurs salariés, notamment les saisonniers, dans les zones touristiques. »

L’UMIH se montre confiante. Quoi qu’il en soit, le tribunal de commerce rendra son verdict le 21 octobre prochain, un délai pour le moins court, à moins qu’il ne décide de reporter sa décision. Reste à savoir si ce vendredi 13 sera bénéfique à l’UMIH et, au-delà, à la profession…

Les précisions de Airbnb

Dans un communiqué, Airbnb tient à préciser sa position en déclarant notamment que « ce litige fait suite à une longue série de tentatives infructueuses des lobbies hôteliers pour protéger leurs intérêts, en s’attaquant aux Français souhaitant louer leur logement sur notre plateforme. Il existe une différence majeure entre les professionnels de l’hôtellerie et les hôtes, qui sont – pour l’immense majorité – des familles françaises qui partagent occasionnellement leur propre bien quelques jours par mois. Airbnb respecte les règles et nous travaillons avec de nombreuses villes en France pour aider les hôtes à se conformer à leurs propres obligations, à l’image de la mise en œuvre de l’enregistrement, de la communication de données et de la collecte et du reversement de la taxe de séjour ».

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