Côte du Rhône Sud : la renaissance de la Cave de Cairanne

1929 : cette année-là naissent les Caves de Cairanne, une coopérative du nom de ce village provençal niché au pied du Mont Ventoux… Comme un air de Pagnol. Avec un terroir composé à la fois de matériaux caillouteux, argilo-calcaires, marnes jaunes, argiles rouges ou parfois de veines sableuses.

Quatre-vingt-cinq ans plus tard, la chute. En 2014, le domaine est mis en redressement judiciaire. Trois raisons peuvent être avancées : une gestion jugée comme hasardeuse, un vignoble attaqué par le gel en 2012, puis une mauvaise récolte l’année suivante. Résultat, la Cave de Cairanne se retrouve avec une dette de quelque huit millions d’euros.

En 2013, la cave vinifie alors 13.000 hectolitres dans une cuverie géante. Cette dernière dispose pour autant d’une capacité de 120.000 hectolitres. Durant les plus belles années du domaine, la production annuelle atteignait les 65.000 hectolitres.

Fin de l’histoire ?

Les vignerons de la coopérative retroussent leurs manches et appellent à la rescousse Denis Crespo, en tant que nouveau directeur vinificateur. Nous sommes le 14 juin 2015.

Ce dernier a dirigé pendant 13 ans le domaine Rouge Garance de Jean-Louis Trintignant. La remontada démarre. La Cave de Cairanne dispose d’un passif de 5 millions d’euros. Un plan de sauvegarde de 15 ans est mis en place.

« Grâce à l’effort de tous, souligne non sans satisfaction dans la voix Denis Crespo, nous sommes aujourd’hui à jour. Ce plan de redressement doit prendre fin en 1929, année de notre centenaire.» Néanmoins, il a bon espoir de le clôturer dès cette année. Selon toute vraisemblance, le Crédit Agricole devrait lui reprendre la dette au second semestre de cette année et lui ouvrir une ligne de crédits.

Les recettes du redressement ?

Jouer à fond la carte du modèle coopératif. Un homme, une voix, avec, au final, une direction commune. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le domaine est passé sous la houlette de Denis Crespo, de 300 hectares à 1.200. Pour une production progressant de 900 000 bouteilles à 1.800.000… Le nombre de vignerons adhérents est passé de 52 en 2015 à 124 en 2024.

« Par ailleurs, nous avons arrêté de nous adresser à la grande distribution, explique-t-il. Désormais, nous agissons uniquement auprès du CHR et des cavistes.» A cela s’ajoutent de la vente directe et le vrac. Il poursuit parallèlement l’élaboration de vins bio, « même si la France n’aide pas beaucoup à son développement. Le bio fait néanmoins partie intégrante de nos valeurs ».

Pour preuve, la Cave de Cairanne intègre en juillet 2020 celle de Sainte-Cécile les Vignes, une maison en excellente santé, très active dans les vins bio. Les efforts payent. La Cave de Cairanne est récompensée l’année dernière par la Revue du Vin de France comme Cave coopérative de l’année.

 Trois terroirs classés

– Les Terrasses de l’Aygues, près de Sainte-Cécile, aux sols graveleux.

– Les Garrigues au sud, sur le Plan de Dieu, un terroir d’alluvions et d’argiles rougeâtres.

– La Montagne, au nord du village, composé d’argiles pures avec des épandages de galets roulés.

Le tout avec trois cépages principaux. A savoir : le mourvèdre, le carignan, dont Cairanne a la particularité d’avoir gardé une part importante, et le grenache. La stratégie de reconquête de Denis Crespo s’appuie ensuite sur deux piliers principaux. D’une part, commercialiser des vins à prix attractifs, en moyenne entre 8 et 9 euros prix cavistes. D’autre part, il n’hésite pas à commercialiser des vins à des degrés élevés, entre 15 et 16°, du fait du changement climatique oblige. Denis Crespo jour la carte de l’authenticité.

« Nos vins doivent demeurer accessibles au plus grand nombre. Et ils doivent se boire frais, même les rouges, poursuit-il. J’assume également la maturité de nos vins. Nous ne modifions pas notre identité. »

La renaissance de la Cave de Cairanne est en marche, preuve de la pertinence du modèle coopératif. Rendez-vous en 2019 pour le centenaire du domaine…