Le Conseil interprofessionnel des vins (CIV) de Corse réunit 135 caves particulières, quatre caves coopératives et 160 apporteurs. Ce regroupement permet de défendre un vignoble encore trop méconnu, qui offre pourtant divers types de vins surprenants et de qualité.

La production du vin sur l’île de Beauté ne date pas d’hier. L’existence du vignoble corse remonte à plus de 2.500 ans. Développée grâce aux influences grecques et romaines, la viticulture a été une ressource pour une grande partie de la population locale entre le XVIIe et le XIXe siècle. Mais le phylloxéra a ensuite entaché cette production viticole, qui a connu une renaissance à partir seulement des années 1960.
Bénéficiant d’un climat méditerranéen qui conjugue soleil et fraîcheur maritime, « la Corse est un puissant massif montagneux dont 20% des surfaces se trouvent à plus de 1.000m d’altitude, tandis qu’une centaine de sommets culminent à plus de 200m, précise le Conseil interprofessionnel des vins (CIV) de Corse. Cette richesse géologique offre une grande diversité de terroirs. » On peut distinguer quatre grandes régions corses : l’ouest et ses sols granitiques (deux tiers de l’île) ; la Corse dite alpine et ses variétés de schistes à l’est ; le nord-est et le sud aux sols calcaires, et enfin la zone est (entre Bastia et Porto-Vecchio) et ses sols argileux ou silico-argileux.
Depuis sa création en 2008, le Conseil interprofessionnel des vins de Corse fédère la filière et réunit aujourd’hui quatre caves coopératives : les Vignerons d’Aghione, la Cave d’Aleria, les Vignerons Corsicans et la Cave de Saint-Antoine. Chacune d’entre elles a sa propre histoire, mais toutes ont cette envie de produire de grands vins, « issus d’un encépagement autochtone en plein redéploiement, pour faire rayonner l’identité corse par-delà la grande bleue », soutient le CIV de Corse. « Notre empreinte et notre ADN résident dans la force de notre collectif », ajoute Éric Poli, le président de l’interprofession.
Cépages, AOP et agriculture biologique
L’île de Beauté regroupe une trentaine de cépages, dont quatre principaux, que l’on retrouve dans les neuf appellations d’origine protégée (AOP) de Corse : le sciaccarellu, le niellucciu, le vermentinu et le muscat petits grains. L’AOP Patrimonio est la première appellation corse à avoir été reconnue, en 1968. Situé au pied du Cap, ce vignoble proche de la mer bénéficie d’un microclimat ; la qualité géologique de son sol offre une large palette de vins. « Les rouges sont somptueux, puissants et persistants en bouche. Les blancs secs sont subtils et élégants. Enfin, les rosés sont frais, bien qu’un peu plus corsés, mais toujours sur le croquant du fruit, note le CIV de Corse. Les vignerons de l’AOP Patrimonio pratiquent l’agriculture biologique et le vignoble est en passe de devenir intégralement bio. »
Cette AOP historique s’étend sur 412ha, produit des vins à partir des cépages niellucciu (rouge) et vermentinu (blanc) et regroupe 36 vignerons. Consciente des enjeux environnementaux, la Corse est l’un des vignobles les plus en pointe en matière de conversion vers l’agriculture biologique. « Avec ses 1.234ha certifiés et en conversion, le vignoble corse figure dans le haut du classement de la viticulture biologique en France. Cela représente 22% de la totalité du vignoble », soutient le CIV de Corse.
« Beaucoup de jeunes qui étaient dans l’élevage sont aujourd’hui en reconversion totale, sur des exploitations viticoles entre 15 et 20ha », confie Amélie Mauduit, directrice commerciale de la Cave d’Aleria. Cette cave est aujourd’hui entièrement certifiée haute valeur environnementale (HVE) de niveau 3, et 150ha sont certifiés bio. Elle fédère par ailleurs près de 70 viticulteurs et compte 52 salariés à temps plein (hors vendanges). « Nous accompagnons les jeunes domaines dans leur restructuration pour la mise en place de plantations axées sur les cépages endémiques comme le niellucciu, le sciaccarellu, le vermentinu et d’autres vieux cépages corses comme le biancu gentile. Parce qu’aujourd’hui, ce qui nous différencie, c’est notre identité insulaire », ajoute Amélie Mauduit.
La Cave d’Aleria incarne l’expression des cépages corses, notamment à travers sa cuvée L’Éterna (avec un élevage en amphore, reprenant l’héritage antique), disponible en vin rouge et en vin blanc. Concernant ce dernier, vinifié à partir de vermentinu et élevé six mois en jarre de terre cuite, il présente un nez fruité aux notes d’abricot. Sa bouche est limpide et fraîche, laissant un retour complexe et harmonieux.
Membre de la Cave de Saint-Antoine en tant qu’apporteur et commercial salarié, Julien Poli, 28 ans, est à la tête d’une exploitation familiale de 15,5ha de vignes, complétée sur quelques ares par la culture de citrons et de clémentines. « Le modèle de la coopération est celui que j’ai toujours connu à la maison et à la mort de mon père, cela a été une évidence de continuer ainsi, affirme-t-il. Pour la partie vinification, la coopérative nous offre une structure adaptée où nous mutualisons le matériel. Je n’aurais pas pu m’installer seul et devoir construire ma cave. »