Tariquet se remet en question

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Le vaste domaine vinicole familial du Gers vient de décider de modifier la recette de sa cuvée fétiche, Classic. Le gros manseng, cépage plus qualitatif, domine désormais l’assemblage, reléguant l’ugni blanc au second plan. Une véritable révolution pour le roi des vins blancs de comptoir.

Armin et Rémy Grassa veillent, avec leur père, sur le domaine Tariquet.
Armin et Rémy Grassa veillent, avec leur père, sur le domaine Tariquet. Crédit : DR

Le domaine Tariquet fait évoluer l’habillage de sa cuvée emblématique, Classic. Mais derrière ce changement d’étiquette, c’est la composition même de l’assemblage d’un des grands bestsellers du monde du vin qui est modifiée. Lancé en 1981, ce côtes-de-gascogne coule à flots depuis lors, dans le réseau traditionnel et à l’export. Durant des années de production normale, ce domaine familial appartenant à la famille Grassa parvient à mettre sur le marché près de 8 millions de cols de Tariquet, qu’il s’agisse de la cuvée Classic, largement majoritaire, ou de ses dix déclinaisons. Malgré tout, Yves Grassa et ses fils – Armin et Rémy – ont décidé de prendre le risque de tuer cette poule aux œufs d’or en changeant la recette du Classic. « C’est un travail mûrement réfléchi dont le chantier a été lancé il y a près de dix ans, tempère Armin Grassa. Il a fallu décider de replanter les vignes et organiser toute l’opération. » Cette évolution a pour but de redonner un second souffle à la cuvée dans un marché du vin qui connaît une forte évolution de sa qualité moyenne.

Jusqu’à présent, Classic intégrait quatre cépages dont une dominante d’ugni blanc, le raisin de l’armagnac, production où est également engagé le domaine. En effet, au début des années 1980, pour faire face à la crise commerciale des spiritueux, la famille Grassa avait imaginé de créer du vin de table avec ce cépage plutôt destiné à la distillation. En créant un vin de comptoir frais, aromatique et facile à boire (10,5°), l’entreprise a connu un énorme succès commercial, d’abord à l’exportation où les acheteurs d’armagnac ont été séduits par le goût expressif de ce côtes-de-gascogne. Les créateurs de la cuvée, dont le premier millésime était limité à 30 000 bouteilles, ont vite compté les cols en millions. Le marché français a rapidement suivi et cette forte demande a permis à la famille Grassa de mettre en place un domaine de 1 125 ha, qui se partage désormais entre la production de vin et celle d’armagnac.

Une évolution permanente

Au fil des années, la cuvée Classic avait déjà évolué en intégrant d’abord un peu de colombard. En 2012, près de 10 % de sauvignon et autant de gros manseng sont venus enrichir la cuvée. Mais la révolution qui vient de se produire dans la bouteille de Classic est autrement plus importante, puisque c’est le gros manseng (cépage roi des côtes-de-gascogne) qui devient majoritaire dans la cuvée, reléguant l’ugniblanc au second plan. D’autres cépages, comme le chenin et le chardonnay, viennent également compléter le quatuor de base. De cette manière, Classic prend un demi-degré de plus et tire désormais 11°, mais surtout, la cuvée gagne en rondeur sans perdre son épine dorsale croquante et aromatique.

Cette évolution fait partie des remises en cause régulières consenties par la famille Grassa pour continuer à surfer sur le succès de Classic. Elle a ainsi opéré, au fil du temps, des déclinaisons en concevant les Premières Grives, un vin issu de gros manseng moelleux, ou Amplitude, également en gros manseng mais vinifié sec. Cette bouteille a d’ailleurs changé d’habillage. L’entreprise a également accentué ses conditionnements en Bib ces dernières années. Ils concernent désormais Classic, le chardonnay, mais aussi le rosé de Pressée. Signalons enfin que le domaine vient de mettre sur le marché un nouveau rosé, Contradiction, uniquement élaboré avec le cépage marselan. Cette idée de créer dans une région de distillateurs des vins simples, accessibles et séduisants, s’inscrit aujourd’hui pleinement dans l’air du temps. Et Tariquet semble bien décidé à profiter de l’actuel succès des vins blancs. Le succès de Classic a aussi permis au domaine de demeurer l’un des principaux producteurs d’armagnac et de folle-blanche, avec une production de l’ordre de 140 000 bouteilles par an.

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