Clubs et discothèques : une vie nocturne retrouvée

  • Temps de lecture : 5 min

La réouverture des clubs et des boîtes de nuit est effective depuis un an. Les habitués semblent avoir retrouvé leurs adresses favorites, tandis que de nouveaux adeptes s’initient au clubbing. Malgré ce constat positif, le secteur souffre de difficultés qui pourraient encore s’accentuer.

Discothèques
Les discothèques vont devoir faire face à de nouvelles problématiques en 2023. Crédits : DR.

Le secteur de la nuit avait été mis sous cloche pendant près d’un an et demi. La pandémie de coronavirus ne permettait évidemment pas de se réunir, et encore moins dans des lieux clos comme les clubs et les discothèques. Économiquement, cet arrêt total prolongé fut fatal pour certains. Les organisations professionnelles avaient alors estimé la fermeture de 250 à 300 établissements nocturnes (en liquidation ou redressement) à la fin de l’année 2021, parmi les 1.600 clubs recensés sur le territoire national en 2019. La réouverture de ces lieux festifs était donc attendue par les noctambules, habitués ou non des discothèques. « De façon générale, la reprise a été excellente en juillet 2021. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas connu ça. Mais la fermeture de décembre 2021 a anéanti l’enthousiasme, et nous n’étions plus sur la même dynamique lors de la réouverture en février 2022. Je pense que l’on a fermé une fois de trop à cause de la crispation de Matignon« , estime Christian Jouny, délégué général du Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs (SNDLL).

Pour ce propriétaire de trois boîtes de nuit en Loire-Atlantique – la Villa la Grange et Le Garde, à Guérande ; et Le Niagara à Missillac –, les aides destinées aux CHR durant la crise sanitaire furent accordées trop tardivement aux clubs : « Il eut été préférable de discuter de la mesure finale dès le départ. » Les clubs et les discothèques sont maintenant ouverts depuis un an, sans interruption. Et la majoritéde ces établissements semblent avoir retrouvé leur vitalité, notamment en région parisienne.

Un écosystème parisien favorable

« Il y a une vraie réussite de notre activité post-Covid. Les gens avaient besoin de ces clubs, qui font partie de la vie de nos clients« , témoigne Aurélien Dubois, président de la Chambre syndicale des lieux musicaux et festifs (CSLMF), regroupant plus de 300 adhérents, dont des clubs de jazz, des cafés-concerts et des bars-clubs, installés majoritairement à Paris en Île-de-France. Le responsable de la CSLMF observe également « une clientèle différente » depuis quelques mois dans ces lieux, mais les instants de sortie seraient désormais « plus organisés » et « moins spontanés« . « Nous retrouvons une vie nocturne« , s’enthousiasme Frédéric Hocquard, adjoint à la maire de Paris, chargé du tourisme…et de la vie nocturne. Selon l’élu du 20e arrondissement, « la crise a été traversée sans dégâts majeurs« , pour les établissements de la capitale. « Les Parisiens ont répondu présent. Il y a un écosystème favorable à la vie nocturne depuis quelques années à Paris. Après les attentats de 2015, la vie nocturne est repartie dès 2016 : il y a une vraie résilience de la part des Parisiens. Nous avons quelque chose de fort du point de vue de la nuit parisienne« , juge-t-il.

Depuis plus d’une dizaine d’années, la mairie de Paris s’investit directement dans la vie nocturne. Elle organise notamment des états généraux de la nuit, afin d’apaiser les relations entre les noctambules et les riverains. La municipalité est également propriétaire de bâtiments, où sont régulièrement organisées des soirées, à l’instar du Kilomètre25 (19e), de Virage (17e) ou du Carbone Club (10e). « Nous sommes dans une ville dense, il faut trouver des solutions à chaque fois. Faire la fête est une activité humaine légitime, mais cette activité doit être régulée. On ne peut pas réserver la vie nocturne à un seul quartier, il faut que cela soit possible un peu partout« , affirme Frédéric Hocquard.

Les craintes de l’inflation

L’activité nocturne semble avoir repris dans les clubs, à Paris et en France, mais la conjoncture économique mondiale pourrait une nouvelle fois rattraper le secteur. « Les clients sont là malgré l’inflation. Mais celle-ci est surtout à la charge des exploitants, et nous avons peur pour la suite, admet Aurélien Dubois. Comment cela va se passer sur le long terme ? Avec la baisse du pouvoir d’achat, nous doutons du maintien d’une fréquentation soutenue. » Certaines dépenses destinées aux loisirs, dont font partie les sorties nocturnes, pourraient effectivement souffrir des hausses de prix. Des comportements qui commencent déjà à se faire ressentir dans certains établissements. « Aujourd’hui, nous revenons à un chiffre d’affaires comparable à 2019. Mais depuis deux mois et demi, il y a un tassement de l’activité et le ticket moyen a diminué. L’inflation y est pour quelque chose. La hausse du prix du carburant, notamment en province, a un véritable impact« , remarque Christian Jouny, peu rassuré par les conséquences du climat géopolitique actuel.

Pour 2023, nous sommes tous un peu inquiets
Christian Jouny, Propriétaire de discothèques

« Pour 2023, nous sommes tous un peu inquiets. Nous attendons avec impatience les factures d’électricité. Nous travaillons la nuit, donc nous avons des dépenses élevées en termes d’énergie. Même si nous ne sommes pas les seuls dans cette situation, la période est tendue« , assure ce propriétaire de discothèques, dont certaines sont ouvertes toute l’année.

Une image ternie

Outre ce contexte plein d’incertitudes, les établissements festifs doivent également faire face à des problèmes d’ordre plus général, que connaît le CHR depuis plusieurs années. « Nous avons une pénurie de main-d’oeuvre dans notre secteur. Nous avons du mal à convaincre la jeune génération à nous rejoindre. Dans le business de l’hospitalité, nous avons une désertion au profit d’autres métiers, mieux perçus par les nouvelles générations […] Du fait d’un manque de prise en charge pendant la Covid, nous ne sommes pas perçus comme un métier stable et nous avons du mal à recruter. Nous pâtissons de notre image« , constate le président de la CSLMF.

Cette perception négative du monde de la nuit est aussi partagée par d’autres acteurs économiques. « Nous avons un problème de fond. Les banques sont paralysées par l’ouverture ou la reprise d’un établissement. Elles refusent de financer notre activité, et nos fonds de commerce n’ont plus de valeur. C’est une attitude lamentable de la part des banquiers« , s’indigne Christian Jouny, qui a lui-même hypothéqué son bien personnel, afin d’obtenir un crédit pour l’une de ses enseignes. Le représentant du SNDLL regrette que le secteur de la nuit ait conservé « une image un peu sulfureuse« , héritée des années 1980 : « Les histoires de blanchiment d’argent ne sont que des fantasmes, mais cela est resté dans les moeurs.« 

PARTAGER