Les restaurants et les chiens, un duo gagnant
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Les chiens sont rarement refusés dans les restaurants. Pour autant, certains établissements mettent en place une véritable stratégie d’accueil. Un nouveau service pour mieux fidéliser la clientèle et se différencier de la concurrence. Tour d’horizon de différentes pratiques.
« Chiens acceptés, pas d’enfants. » Le gérant du pub Lower Red Lion, à Saint Albans dans la banlieue de Londres, s’est attiré un torrent de réactions sur les réseaux sociaux, entre encensement et indignation… Pourtant, le panneau installé depuis plus de dix ans n’avait jamais choqué personne. Dignes d’une table de Chez Tony, dans le film de Disney La Belle et le Clochard, chiens et humains sont reçus à la même enseigne chez Fiuto (flair en italien) depuis octobre 2023 à Rome.
Ainsi, au cœur de la capitale italienne, le restaurant propose un menu traditionnel pour ses clients humains, mais aussi une carte pour les toutous. Le chef Luca Grammatico sert à ses clients à quatre pattes du merlu-ricotta-courgette, de l’émincé de poulet-purée, ou encore des bowls végétariens, de même que quelques boissons pour toutous. Cet ancien dresseur de chiens a concocté le menu avec une nutritionniste vétérinaire sans épices, sans sel et sans huile, avait-il alors expliqué à l’AFP. Même s’il tient à proposer des plats « sous une forme un peu plus “gourmet” » avec des veloutés et un effort sur la présentation. Depuis son ouverture, le restaurant accueille en moyenne 6 à 10 chiens en semaine et 10 à 15 le week-end. Le tarif par tête oscille entre 8 et 20 €, en fonction de la taille naturellement.
« La plupart des établissement qui refusent les chiens ne connaissent pas les animaux »
Jamais sans mon chien
Le saviez-vous ? En France, aucune loi n’interdit la présence de chiens dans les restaurants. Cependant, certains établissements adoptent une attitude plus amicale envers les toutous que d’autres. Ainsi, Marlène, 31 ans, alors en vacances en Charente-Maritime, déjeune au restaurant avec sa famille et son chien Finkey (un croisé de plusieurs bergers). En plein week-end du 14 juillet, il valait mieux réserver.
Pour ses recherches, elle jette son dévolu sur un restaurant de spécialités marines, le mythique Café de la Mer, à Nieul-sur-Mer, ville située à 7 km au nord de La Rochelle. Cet établissement est installé au Port du Plomb, un petit port de pêcheurs, bordé de sentiers à flanc de falaises. Pourquoi ? Le menu n’était pas le seul critère de Marlène, puisqu’elle a pris le soin de sélectionner un restaurant qui acceptait son fidèle compagnon. « Je suis en vacances en location, et je n’ai pas envie que Finkey reste dans un appartement toute la journée. Pour moi, c’est logique de l’emmener partout », arme-t-elle.
De leur côté, Agnès et Gilles Dubaux gèrent le Café de la Mer depuis plus de 20 ans, un couple amoureux des animaux. Pour eux, le chien est bien plus qu’un animal de compagnie; il incarne un membre de la famille à part entière. « Nous avons toujours autorisé les toutous dans notre restaurant. Cela dit, nous constatons que nous en avons de plus en plus. Pour autant, nous n’avons jamais communiqué sur l’aspect “dog friendly” du restaurant », souligne Gilles Dubaux. Autrement dit, le bouche-à-oreille fonctionne. Il faut avouer que l’environnement se prête bien à des balades digestives en bord de mer.
« Accepter les chiens n'a jamais été une contrainte, on demande simplement de nous donner le gabarit avant leur venue. »
Comme un enfant
« Je considère mon chien presque comme mon enfant, parfois j’adore l’avoir avec moi quand je fais des activités », relate Charlotte, elle aussi venue avec son conjoint goûter les traditionnelles moules au curry. Leur chien Wax (berger blanc suisse croisé avec border collie) a été accueilli par quelques papouilles des propriétaires et des serveurs, une gamelle d’eau à disposition, un petit jardin dans le restaurant où il peut se promener. « C’est extrêmement agréable d’être bien reçu même avec son chien. Et nous savons que nous reviendrons », avoue-t-elle.
Quand elle réserve, Charlotte prend toujours soin de demander l’autorisation au restaurateur. « J’avoue que je ne comprends pas quand on refuse, c’est un gros chien mais il est bien élevé et très calme au restaurant ; on l’a habitué tout petit », assure la jeune femme. « Accepter les chiens n’a jamais été une contrainte dans notre restaurant, on demande simplement de nous donner le gabarit avant leur venue. Cela nous permet aussi de positionner les réservations en fonction et de nous assurer que le chien aura assez d’espace », détaille Gilles Dubaux.
Avec une clientèle senior, des clients ne viendraient pas sans leur animal de compagnie. « Un de nos plus fidèles clients, qui est veuf, vient chaque semaine manger seul en tête-à-tête avec son chien sur une chaise. Je pense que ça lui fait du bien, raconte le patron, ému. Les clients sont contents de pouvoir venir accompagner. » Si toutefois certains se révélaient mécontents des canidés dans la salle, le patron ne manquerait pas de les « remettre à leur place ».
D’ailleurs, le Café de la Mer est plus strict avec les enfants qu’avec les chiens. « On a souvent plus de chiens que d’enfants et ils sont souvent bien plus calmes », plaisante-t-il. Comme de nombreux établissements, des « Waf bar », autrement dit des gamelles d’eau, ont été mis à disposition, deux en salle et deux sur la terrasse. Pour aller plus loin, Agnès et Gilles Dubaux en ont même installé en dehors du restaurant, près des sentiers.
Sites de notation
Pour aider les clients à choisir le meilleur établissement pour eux et leur chien, Patrice Lelièvre a fondé le site Mon Dog Advisor (mondogadvisor.com). La start-up répertorie des hébergements (campings, hôtels, chambres d’hôtes), restaurants, ainsi que des activités à faire avec son chien. Pour le fondateur, apporter une gamelle d’eau à chien, c’est comme si on amenait une chaise haute à un enfant. « C’est un geste simple qui fait plaisir à tout le monde », ajoute-t-il avec bon sens.
Comme de nombreux Français, ce concierge de palace a adopté un chien pendant la pandémie. « Quand la vie a repris son cours, j’emmenais naturellement mon Staffy partout avec moi, au restaurant, dans les boutiques et je me suis rendu compte que mes proches étaient surpris et qu’ils ne savaient pas que c’était possible », poursuit Patrice Lelièvre. De plus, il a constaté que la première cause d’abandon de chiens était liée aux départs en vacances. Aussi, il s’est lancé dans le répertoire des établissements les accueillant. « Je voulais motiver les maîtres à amener leurs chiens en vacances et donc leur proposer des solutions clés en main », justifie-t-il. Pour cela, il suffit de saisir le nom d’une ville pour trouver tous les établissements dog friendly.
Pour aller plus loin, il a noté quelques remarques et a délivré des « coups de cœur » pour certains lieux. Partenaire avec certaines plateformes de réservation, le fondateur du site aimerait toucher des commissions sur chaque réservation via Dog Advisor. Aujourd’hui, le site recense plus de 400 restaurants et autant d’hébergements. La plate-forme sert aussi de blog d’échanges et de conseils.
Dans le même esprit, le site Emmène ton chien (emmenetonchien.com) répertorie également des hébergements et des activités à faire avec son toutou, lesquels sont labellisés Qualidog. Le site attribue ses coups de cœur et distribue aussi des truffes. Les établissements sont classés de 1 à 4 truffes — sur le même principe que les étoiles — en fonction du niveau d’accueil des chiens. S’il accueille simplement le chien, l’établissement obtient une truffe alors que s’il met en place des services et aménagements dédiés à son confort, il peut obtenir jusqu’à quatre truffes. Simple mais efficace.
Les gastronomiques s’y mettent aussi
Si animaux et gastronomie semblent incompatibles, certains restaurants étoilés acceptent pourtant volontiers les compagnons à quatre pattes: Thierry Marx, Gaya de Pierre Gagnaire, Apiscius, L’Atelier de Joël Robuchon, Têtedoie… Chez ce dernier installé à Lyon (une étoile au Guide Michelin), des gamelles d’eau et des plaids sont à disposition. « La distance entre nos tables est assez large afin que personne ne soit gêné. Mais si le chien est turbulent, il est alors possible d’installer le client sur une table bien à l’écart ou sur la terrasse, indique un employé du restaurant. Généralement les chiens qui viennent sont très bien éduqués. Et le but d’un gastronomique est aussi de s’adapter à sa clientèle. » Du reste, l’équipe se réjouit de recevoir au moins un chien par semaine, le chef Christian Têtedoie appréciant lui-même passionnément les animaux. Sur la partie rooftop et bistrot, les canidés sont également les bienvenus. Direction Carcassonne.
Le restaurant gastronomique La Vicomté de l’hôtel Mercure accueille les animaux. « Nous acceptons les animaux à l’hôtel. Il est alors logique pour nous d’en faire de même au restaurant, assure Lionel Biscans, chef de réception. Si c’est un gros chien qui ne sait pas se tenir, on se donne le droit de dire non. On évalue l’animal lors de son arrivée. » Au cas par cas en fonction de plusieurs paramètres. Les serveurs prévoient toujours une table sur le côté pour éviter de perturber le service et le chien. « On fait notre maximum car les clients de l’hôtel sont rassurés de dîner avec leur chien et de ne pas le laisser dans la chambre. Et c’est d’autant plus simple l’été avec la terrasse extérieure », ajoute-t-il. L’hôtel ne fait d’ailleurs aucune discrimination sur le type d’animaux puisqu’il a déjà accueilli un perroquet, un lapin, un chat et même un serpent (!)…
Travail de sensibilisation
La Vicomté est noté comme établissement coup de cœur sur Mon Dog Advisor. Une distinction décidée par Patrice Lelièvre pour les établissements qui font de vrais efforts d’accueil pour les chiens. « La plupart des établissements qui refusent les chiens ne connaissent pas les animaux, affirme Patrice Lelièvre. Par exemple, certains n’acceptent que les petits gabarits alors qu’ils sont souvent plus agités, aboient plus facilement, relate-t-il. Il existe souvent de l’appréhension sur les gros toutous alors que c’est souvent les mieux éduqués et les plus gentils. » S’il reste du travail de sensibilisation, les mentalités progressent selon Patrice Lelièvre. Et si 15 chiens se retrouvent dans un même restaurant. « Cela peut devenir compliqué à gérer, mais ça voudrait dire que les choses ont avancé et qu’on aurait déjà trouvé des solutions. »