Ispagnac : la vigne s’accroche dans les gorges du Tarn

  • Temps de lecture : 3 min

Réapparue depuis une vingtaine d’années dans le département grâce à deux pionniers, la vigne résiste en Lozère. De plus, quelques nouveaux acteurs prennent la relève.

Ispagnac
Élisabeth Boyé du Domaine des Cabridelles, dans le chai partagé. Crédit : DR

En Lozère, le flot du vin local est beaucoup plus ténu que celui du Tarn. Il est même ultra-confidentiel puisque seuls deux producteurs sont installés jusqu’à ces dernières années  : Sylvain Gachet (Domaine de Gabalie) et Élisabeth Boyé (Domaine des Cabridelles). Pourtant, les vignes étaient abondantes autrefois sur ces terres. On évoque la présence de 2 000 ha plantés sur les contreforts des gorges du Tarn, à la fin du XIXe siècle. Le phylloxéra a décimé ces vignes. Mais surtout l’exode rural les a condamnées, comme le chantait Jean Ferrat dans sa chanson La Montagne, en détournant les hommes de la viticulture. Pas facile en effet de cultiver et de tailler les ceps sur ces pentes abruptes.

Néanmoins en 2002, Sylvain Gachet a relevé le défi. Ce fils de producteur laitier a appris son métier dans une exploitation de côte-rôtie, appellation des côtes-du-rhône septentrionales connue également pour ses vignobles très pentus. Compte tenu du prix du foncier dans cette AOP, il a songé à une installation en Savoie, sa région d’origine. Mais « un jour, raconte-t-il, un ami m’a informé que la municipalité d’Ispagnac était prête à aider les jeunes vignerons qui souhaiteraient faire renaître le vignoble ». Il accepte alors cette main tendue qui lui a permis, entre 2002 et 2006, de planter 5,5 ha de vignes entre Ispagnac et Florac, en devenant locataire d’une association foncière. La municipalité fournit également les plants et le palissage. En contrepartie, Sylvain Gachet accepte de ne pas être propriétaire des vignes qu’il cultive. En revanche, il finance l’entretien et la vinification du raisin.

Un travail de titan

En observant ses cultures, on mesure le travail accompli, très peu mécanisable sur ces pentes escarpées. Ce vigneron a choisi de planter avec une forte densité (10 000 pieds par ha), ce qui complique la tâche et contraint à œuvrer avec des rangs très rapprochés. Au moment de planter la vigne, les spécialistes lui ont conseillé les cépages pinot noir et chardonnay. Mais il a aussi misé sur le marselan qui lui paraissait bien adapté au climat local et au terroir. Son passage dans la côte-rôtie l’a enfin incité à mettre en terre quelques pieds de syrah sur ses terres schisteuses de Florac. Au Domaine des Cabridelles, Élisabeth Boyé et son compagnon, Bertrand Servières, sont arrivés dans la région en 2006. Leur vignoble de 5,3 ha abrite les mêmes cépages qu’à Gabalie, auxquels s’ajoutent le sauvignon et le gamaret.

Depuis 2007, les deux domaines partagent les locaux d’une ancienne coopérative d’Ispagnac mise à leur disposition par la commune. Vu les volumes des deux domaines, la commercialisation est essentiellement locale. «98 % de notre production est vendue en Lozère», confie Élisabeth Boyé. Les prix restent accessibles : de 7 à 16 € pour des cuvées originales, la plupart marquées par une agréable fraîcheur. Le réchauffement climatique est cependant sensible dans cette région et selon Sylvain Gachet, «il amène désormais les vins à 13° ou 14°».

Cet homme, qui est le pionnier du renouveau de la vigne en Lozère, envisage déjà la transmission. Il est en train d’abandonner 1,5 ha à une jeune productrice désireuse de s’installer. Dans la commune, Marin Paquereau vient de concrétiser son rêve de devenir vigneron et un autre acteur devrait prochainement apparaître du côté cévenol du département. Élisabeth Boyé se réjouit de la présence de ces nouveaux venus : «Il faudrait que dans dix ans, il y ait dix producteurs. Cela pérenniserait le vignoble.» Le vin de Lozère commence d’ailleurs à avoir une identité sur les étiquettes. Commercialisé d’abord comme vin de France, il a pu être estampillé ensuite « vin de pays d’Oc» et a désormais la possibilité d’arborer l’appellation «vin de pays des Cévennes ».

PARTAGER