Les menus de fête face à l’inflation

  • Temps de lecture : 4 min

Dans le contexte inflationniste actuel, les restaurateurs et les consommateurs vont voir leur traditionnel menu de fête chamboulé. Homard, foie gras, huîtres ou encore saumon risquent de faire l’impasse sur nos tables garnies.

Dinde rôtie
Les menus de fête face à l'inflation. Crédits : Pixabay.

« Il va falloir réfléchir à nos achats bien différemment », explique Guillaume Veyssière, chef de la table étoilée des Sources de Fontbelle à Angoulême. Ce constat alarmiste touche, sans exception, tout le secteur de la restauration et sera l’invité de nos fêtes de fin d’année. Annoncée par l’INSEE, l’inflation qui touche les produits alimentaires atteint aujourd’hui une hausse de 10% par rapport à l’an dernier. Les Français se préparent et s’adaptent à de nouvelles fêtes particulières après les deux dernières sous les masques de la pandémie de Covid-19.

Des prix salés, mais une demande particulière

Si l’inflation s’invitera sous le sapin pour cette fin d’année, elle aura un impact pour les restaurateurs, et particulièrement sur les traditionnels menus de fête que bon nombre d’entre-eux mettent en place pour l’occasion. « Oui, nous avons prévu un menu de fête au restaurant. Mais l’inflation est telle que nous attendons encore avant de le concevoir », annonce Guillaume Veyssière. En effet, le marché des produits de fête français constate des hausses de prix conséquentes : par exemple, on note une augmentation de 30% pour les huîtres, de 25% pour le foie gras et une hausse de 25 centimes d’euro pour la tranche de saumon français. Face à ces prix, le milieu de la restauration s’inquiète et se penche sérieusement sur des alternatives impliquant des produits moins nobles. Guillaume Veyssière s’interroge : « Les prix du marché nous font évidemment hésiter avant d’acheter. Mais je vais rester fidèle à mes fournisseurs et nous travaillerons ensemble sur de nouvelles propositions. Pourquoi pas un excellent tourteau au lieu d’un homard cette année ? »

En plus de vouloir limiter leurs coûts de production, les chefs cherchent désormais à minimiser l’augmentation du prix du menu de fête. Le chef d’Angoulême reste pragmatique : « Les clients subissent l’inflation au quotidien, et il en est de même dans les restaurants. Je ne suis pas inquiet, j’ai même déjà reçu beaucoup de commandes pour les fêtes. Désormais, à nous de nous y préparer pour leur offrir de beaux souvenirs. »

iGuillaume Veyssière
Le chef étoilé Guillaume Veyssière temporise avant de concevoir son menu de fête. Crédits : Sources de Fontbelle.

Un marché des produits de fête bouleversé

Outre le prix des produits pour la fin d’année, un autre facteur vient jouer les trouble-fêtes : la disponibilité. Fabien Chevalier, directeur général de la maison Lafitte, revient sur ce point : « Aujourd’hui, les restaurateurs que nous rencontrons semblent bien plus inquiétés par l’approvisionnement que par les prix. Chacun se demande s’il pourra assumer pleinement les menus qu’il concoctera. » Par exemple, la production de foie gras en France accuse une baisse significative d’un tiers de sa production en moyenne sur l’année 2022. Si la grippe aviaire, particulièrement virulente, de cette année fut un acteur non négligeable, Fabien Chevalier précise cette courbe : « Jusqu’ici, la France importait de Hongrie et de Bulgarie une grande quantité de cru pour subvenir à la demande. Mais l’inflation étant encore plus importante dans ces pays, le coût des produits importés est devenu hallucinant et entraîne un manque de quantité évident pour le marché français [premier dans le monde]. »

Selon le directeur général de la maison Lafitte, il n’y a pas de raisons pour les restaurateurs de s’alarmer du moment que les restaurateurs s’y prennent à l’avance. « L’anticipation sera la clef dans les prochaines semaines. Bien entendu, si les chefs passent leurs commandes juste avant Noël, ils auront du mal à se fournir. Mais en prévoyant les achats et en rusant sur les préparations et la conservation, leurs menus ne devraient pas spécialement en pâtir », déclare-t-il.

Des clients plus frileux

Selon l’AFP, le marqueur inflationniste fait changer les habitudes de consommation de la majorité de la population. Si les fins d’années sont propices aux sorties au restaurant, cette année rien n’est moins certain. « C’est vrai que nous avons pour habitude d’aller au restaurant pour le Nouvel An. Mais entre nos factures et nos achats primaires qui explosent, je pense que je préparerai moi-même le repas cette année », déclare Fabienne Thouroude, travailleuse dans le social. En effet, selon l’Udaf, les ménages français avec deux enfants doivent prévoir près de 177€ supplémentaires par mois pour pallier la hausse généralisée. « Nous devons faire attention avec les dépenses non essentielles », conclut-elle.

D’après Fabien Chevalier, ne prendre en compte que la hausse des prix dans le choix des ménages de se rendre au restaurant pour les fêtes serait incomplet. « Avec les premiers retours qu’on nous remonte au CIFOG, ce Noël ne sera pas déserté. Après deux années plutôt morose avec la crise sanitaire, les individus veulent se faire plaisir. 5€ ou 15€ supplémentaires n’y changeront rien », avance-t-il. Mais l’inflation touchant différemment les classes sociales, la situation est à nuancée : les brasserie et bistrots risquent davantage de subir l’impasse des consommateurs que les restaurants gastronomiques, fiers d’une clientèle qui, en effet, ne regarde pas aussi strictement ses dépenses. Verdict début janvier.

PARTAGER