Recrutement CHR, le problème s’enlise

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Avec plusieurs milliers de postes vacants et un turn-over fréquent, les métiers de la restauration demeurent très nettement en tension. Si la loi immigration, récemment adoptée, peut favoriser l’obtention de titre de séjour pour les travailleurs sans papiers résidant en France, les problèmes de recrutement persistent néanmoins durablement dans le secteur du CHR.

Recrutement CHR
« La formation de base, de cuisinier ou de serveur, est en crise », estime Pascal Mousset, président du GHR Île-de-France. Crédit DR.

« Le sujet est connu, on a toujours eu une tension sur le recrutement depuis 30 ans, reconnaît d’emblée Pascal Mousset, président du Groupement des hôtelleries et restaurations (GHR) en Île-de-France. Mais ce qui s’est accéléré, c’est le statut d’auto-entrepreneur : il a perturbé la profession. Les auto-entrepreneurs peuvent travailler à la tâche, ils prennent des vacances quand ils le veulent. C’est un mode de vie plus actuel qui répond à un besoin de liberté. »

Si la difficulté du recrutement pour les CHR est une problématique structurelle en restauration et dans les métiers de l’hôtellerie, la situation s’est en effet accentuée. L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) estimait, l’an dernier, que plus de 200.000 emplois étaient vacants dans le secteur. Depuis la crise sanitaire, en 2020, de nombreux salariés se sont reconvertis vers d’autres d’emplois, notamment vers des secteurs moins pénibles physiquement ou en matière d’organisation (horaires tardifs, travail le week-end).

Le choix de la qualité de vie

« La question des rythmes est tout à fait centrale dans les revendications des employés du secteur, outre les revendications salariales, et explique également le manque de main-d’œuvre : la plupart des jeunes approchant la trentaine décident de quitter ce secteur trop contraignant, car ils veulent une vie de famille, ce qui les fait sortir de l’activité », expliquait Fanny Darbus, maître de conférences en sociologie à l’Université de Nantes et coautrice de Santé et travail dans les TPE, aux éditions érès, sur les ondes de France Culture, en octobre dernier. En région parisienne, selon le GHR, 75.000 emplois seraient aujourd’hui vacants dans le secteur.

Et à cela s’ajoute un manque de qualification. « La difficulté majeure est la formation. Les jeunes veulent être barman ou pâtissier, ces CAP se remplissent. Par contre, la formation de base – de cuisinier ou de serveur – est en crise. C’est compliqué de trouver des talents, on va donc chercher des personnes qui n’ont aucune formation mais juste une envie », soutient Pascal Mousset. Le constat du président du GHR Île-de-France, précisant que « des pics de besoin » se font ressortir en région parisienne « de juin à fin août », puis « d’octobre à décembre », est d’ailleurs corroboré par une enquête de Pôle Emploi. Réalisée en 2023 auprès de 424.000 établissements, elle démontre que les métiers les plus recherchés sont les saisonniers de l’agriculture… et de l’hôtellerie-restauration. Ainsi, parmi la liste des dix métiers les plus demandés par les employeurs en saison, les « serveurs de cafés, de restaurants » arrivaient en tête l’an dernier.

Conserver ses équipes

Lorsque le recrutement pour un ou plusieurs postes se concrétise en CHR, l’objectif est ensuite de conserver son personnel. C’est une nouvelle étape, tout aussi primordiale pour les restaurateurs . « J’ai changé trois fois de chef, c’est un poste qui requiert des compétences particulières, c’est plus compliqué, évoque Clément David, propriétaire de L’insurgé, ouvert à Saint-Ouen (Seine- Saint-Denis) depuis un an et demi. Nous sommes cinq à travailler : trois cuisiniers, un responsable de salle et moi. Ma serveuse est partie au bout d’un an, notre chef est là depuis plusieurs mois… Nous sommes une équipe opérationnelle. Dans une équipe de quatre salariés, le turn-over est plus faible. »

Emploi en cuisine
Formation en cuisine. Crédit DR.
Serveur de restaurant
Serveur de restaurant. Crédit DR.

Le restaurateur de 33 ans estime que « la rémunération et l’ambiance de travail » sont des éléments importants pour conserver son personnel. « La rémunération est la première des choses, c’est primordial. Je me mets à la place des équipes », ajoute-t-il. L’ensemble des professionnels en est d’ailleurs conscient. Le secteur de l’hôtellerie et de la restauration a procédé à deux revalorisations salariales dernièrement : 16,4% d’augmentation de salaire en 2022, puis 5,2% en 2023.

La flexibilité est de mise

L’atmosphère de travail est une donnée prenant davantage de place aujourd’hui dans le choix des salariés en restauration. Le contact social avec les clients se révèle tout aussi important que celui entretenu avec son employeur. Ainsi, ce dernier se doit d’être de plus en plus flexible. « La coupure est compliquée maintenant, tandis que les horaires continus sont bien vus. C’est une revendication du personnel qui est devenue la norme : tu seras moins compétitif et attractif avec la coupure qu’avec des postes en continu », suggère Clément David.

Malgré les contraintes, la restauration reste un secteur permettant à différents profils autodidactes – ou non scolaires – de s’insérer dans une voie professionnelle enrichissante. Certains étudiants engagés dans des études supérieures embrassent parfois le secteur sur le long terme, laissant de côté leur parcours universitaire. « Des gens vivent nos métiers comme un épanouissement personnel. Il n’y a pas de routine, on a la chance d’avoir du contact humain et la possibilité d’évoluer. À moins de 30 ans, on peut rapidement être cadre et avancer. C’est un métier où l’ascension sociale se fait très vite », note Pascal Mousset.

Transport et logement, des freins tenaces

Néanmoins, le président du GHR francilien et propriétaire de quatre établissements à Paris – dont Chez Françoise (7e) – concède que plusieurs facteurs réduisent les possibilités de recrutement en CHR. « Le problème majeur est le transport : comment rentrer chez soi après 1 h 30 ? C’est un vrai scandale dans la première agglomération d’Europe. Il faudrait améliorer la possibilité de rentrer chez soi après sa journée de travail. On a demandé à la Région un meilleur maillage pour les Noctiliens depuis des années, mais il n’y a rien de concret. Nous souhaitons avoir un service de transport jusqu’à 2 h, à partir du mercredi ou du jeudi », peste l’intéressé, alors que de nombreux salariés de la restauration finissent tard leur travail.

Le problème majeur est le transport : comment rentrer chez soi après 1 h 30 ?
Pascal Mousset, Président du Groupement des hôtelleries et restaurations (GHR) en Île-de-France

Pascal Mousset regrette également le manque d’hébergement social mis à disposition des travailleurs du CHR. Il souhaiterait l’instauration d’un « quota de logements sociaux », à Paris ou en proche banlieue, « pour ceux qui travaillent la nuit ou en horaires décalés ». Le représentant du syndicat patronal ne comprend pas que seul « le critère social et familial » soit pris en compte, lorsque les employés concernés résident à des dizaines de kilomètres de leur lieu de travail.

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