Christophe Raoux, l’imperturbable lieutenant d’Alain Ducasse

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À l’orée de ses 50 ans, ce fidèle d’Alain Ducasse a été nommé, en début d’année, chef exécutif des Écoles Ducasse à Paris, quittant ainsi les cuisines du Peninsula où il venait de décrocher un macaron dans l’édition 2020 du Guide Michelin. Sa nomination intervient alors que qu’un campus flambant neuf est sorti de terre à Meudon (Hauts-de-Seine).

Christophe Raoux
Christophe Raoux

Vendéen d’origine, Christophe Raoux a vu le jour dans le Bourbonnais où les grandes tablées familiales étaient de circonstance. À table, on dégustait alors le foie gras et le civet de lièvre mitonnés par la grand-mère du chef. Après un CAP au lycée hôtelier Édouard-Branly à la Roche-sur-Yon, l’homme a fait ses armes en Eure-et-Loir, dans le restaurant étoilé L’Écritoire, où l’on confectionnait alors les plats grâce à un four à charbon. « C’est dans cette maison que j’ai pu dégrossir ma cuisine. J’ai appris la réalisation des jus, des cuissons, etc. », commente-t-il.

Trois ans plus tard, il rejoint le Château de Divonne où officiait déjà, avec deux étoiles, le célèbre Guy Martin : « J’ai découvert le monde des brigades qui m’était auparavant étranger. » Peu de temps après son arrivée, Guy Martin quitte les lieux pour laisser la place à Michel de Matteis qui venait d’être couronné MOF et de remporter le prix Taittinger. C’est de cette expérience que Christophe Raoux tire sa passion pour le produit et la rigueur dans l’exécution.

Des casernes de l’armée aux cuisines du Ritz

Au début des années 1990, le chef effectue son service militaire. Son commandant, un fin gourmet, le met alors en contact avec l’inénarrable Guy Legay, chef du Ritz. « Paul Bocuse a dit de lui que c’était l’un des meilleurs techniciens de sa génération », glisse Christophe Raoux. Ce dernier est d’un naturel besogneux. Quand Guy Legay lui demande le poste qu’il souhaite obtenir au sein de sa brigade, Christophe Raoux, qui était pourtant chef de partie, répond lapidaire-ment : « commis. » De 1994 à 1999, le Vendéen évoluera ainsi au Ritz, aux côtés des plus grands, à l’instar de Michel Roth ou de Jean-François Girardin. Encouragé par Guy Legay, Christophe Raoux s’intéresse par la suite au compagnonnage et devient un bourreau de concours, avec plus ou moins de réussite.

À l’orée des années 2000, il intègre la brigade du MOF Gérard Besson, pour approfondir sa connaissance des produits, et notamment du gibier et de la truffe. Pendant trois ans, le fidèle de Ducasse occupe le poste de sous-chef, mais il ambitionne de rejoindre l’univers des palaces et postule donc au Plaza Athénée. C’est alors Jean-François Piège, chef du Plaza Athénée pour le compte d’Alain Ducasse, qui reçoit la candidature du maître-queux vendéen. Deux mois s’écoulent avant qu’Alain Ducasse en personne ne contacte finalement Christophe Raoux. « J’ai gardé le message sur mon téléphone pendant des années, sourit le chef. Il m’a donné rendez-vous un matin et a posé sur son bureau le Dictionnaire amoureux de la cuisine et m’a dit qu’il s’agissait là de sa philosophie. J’étais impressionné. »

Les 33 travaux d’Alain Ducasse

Le chef monégasque propose à Christophe Raoux de rejoindre les cuisines du restaurant Marcel puis, deux ans plus tard, décide de mettre le Vendéen à l’épreuve en lui demandant de créer des plats. « Je lui ai fait goûter 33 plats de ma composition. À la fin du testing, il m’a simplement dit qu’on allait se revoir », se souvient Christophe Raoux. Ce dernier intègre toutefois les équipes de Lenôtre avant qu’Alain Ducasse le rappelle pour lui dérouler le tapis rouge. En 2006, il devient ainsi chef exécutif du groupe Alain Ducasse. « Le chef m’a emmené partout pour contribuer aux ouvertures d’établissements, comme pour les cuisines du Dorchester à Londres. Au bout de quelques années, je me suis lancé un nouveau défi, celui de devenir Meilleur ouvrier de France. J’ai donc quitté le groupe d’Alain Ducasse pour diriger les cuisines de l’Intercontinental Paris jusqu’en 2016. Je ne souhaitais pas subir des réflexions, mais montrer que je pouvais me débrouiller sans être assimilé à une brigade ou un chef », dévoile Christophe Raoux.

En 2011, il échoue lors de sa première participation au concours. Si la déception est grande, il retente tout de même l’expérience et s’empare du col bleu-blanc-rouge en 2015. L’année suivante, le chef prend la tête des cuisines du Peninsula et décroche la distinction qu’il attendait tant : une étoile au Michelin pour le restaurant L’Oiseau Blanc, obtenue dans l’édition 2020 du Guide rouge. Sans regrets, Christophe Raoux a répondu à l’appel d’Alain Ducasse qui lui propose un nouveau projet : celui de lui confier la place de chef exécutif des Écoles Ducasse Paris, qui comprennent notamment un campus flambant neuf de 5.000m2, à Meudon. En effet, après que le groupe Sommet Education (Glion, Les Roches) s’est allié à Ducasse Education en absorbant 51% des parts d’Alain Ducasse, une nouvelle entité nommée Écoles Ducasse Paris a vu le jour et dispense des formations dédiées aux arts culinaires et aux arts de la pâtisserie. À noter que Christophe Raoux a également la direction des deux restaurants du nouveau campus. Un défi de taille pour ce passionné.

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