Olivier Valade, la bonne étoile de Montluçon
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C’est dans le château Saint-Jean, racheté et rénové par la famille Delion, qu’Olivier Valade a posé ses valises en 2019. L’année suivante, il décroche une première étoile Michelin. Disposant désormais d’un écrin idéal pour exprimer sa créativité, il peut maintenant songer à l’avenir et à un second macaron.
Depuis 2020, une seconde étoile Michelin brille dans le ciel bourbonnais. Quelques mois après avoir ouvert les portes du château Saint-Jean, propriété de Jean-Claude Delion, le chef Olivier Valade décrochait un premier macaron et mettait ainsi en lumière cette demeure exceptionnelle. Située en bordure d’un parc de la ville de Montluçon, elle abritait autrefois une Commanderie des templiers. De cette époque, il ne subsiste que la chapelle du XIIe siècle, qui abrite aujourd’hui le restaurant gastronomique. Ce château médiéval avait déjà été converti en hôtel-restaurant par le passé. Mais à la fin des années 1990, ce lieu, laissé à l’abandon, est devenu la proie de squatters.
Jean-Claude Delion a décidé de racheter le château Saint-Jean en 2016. Originaire du département, il a construit durant sa carrière un groupe d’hôtellerie de luxe qui comprend notamment l’emblématique Réserve de Beaulieu (Alpes-Maritimes). Il a eu un coup de cœur pour cet endroit qu’il fréquentait dans sa jeunesse, il n’a pas alors hésité à faire appel au célèbre décorateur Patrick Jouin pour réhabiliter cette demeure montluçonnaise et la doter de 19 chambres, d’un bistrot et d’un restaurant gastronomique. L’architecte d’intérieur y a travaillé en privilégiant une épure mettant magnifiquement la pierre en lumière.
Ce travail exceptionnel a permis de créer, à 2km du centre-ville de Montluçon, un des plus beaux Relais & Châteaux de France. Olivier Valade est arrivé sur place quelques mois avant la fin des travaux et a ainsi été amené à diriger la fin du chantier. « Un recruteur m’a mis en relation avec Monsieur Delion. Je suis allé le voir à Beaulieu et il a suffi d’un entretien pour tomber d’accord, se souvient-il. Mais à la date d’embauche prévue, les travaux étaient loin d’être terminés. Monsieur Delion m’a demandé de les superviser. Ici, pour moi, chaque objet a une histoire. » Ce départ a scellé une relation de confiance entre les deux hommes. Il a aussi permis à Olivier Valade de participer à la conception de son outil de travail, qu’il s’agisse des deux cuisines équipées de fourneaux Molteni ou des deux restaurants.
Nous sommes avant tout des aubergistes.
Dans ce lieu exceptionnel, le cuisinier commence à envisager l’avenir sur le long terme. En le sélectionnant, Jean-Claude Delion a fait le choix du talent, mais aussi du local. Olivier Valade est né à Brive (Corrèze). Il a passé son enfance dans le secteur du Massif central où évoluait son père, agent EDF. Son goût pour la nourriture le conduit sur les bancs du lycée hôtelier de Souillac (Lot), où il reste six ans. « Ce cursus long m’a permis de connaître toutes les bases qui me servent aujourd’hui au quotidien », observe-t-il. Il obtient un de ses premiers emplois de commis au Pont de Menat dans les gorges de la Sioule. C’est ensuite un stage de six mois au Louis XV, à Monaco, sous la férule de Franck Cerutti, qui l’initie à la haute gastronomie. Il apprécie ce « chef exigeant, mais paternel et empreint d’une profonde humilité ».
Après un passage à l’Abbaye de Brantôme (Dordogne), il est embauché chez Bernard Loiseau, à Saulieu (Côte-d’Or). Entré comme demi-chef de partie, il devient progressivement second. Olivier Valade était présent lors du suicide du célèbre cuisinier et raconte « C’était un lundi à Saulieu. Nous avons dû servir seulement cinq couverts au déjeuner et je suis resté après le service pour préparer une poularde Alexandre Dumaine. Bernard Loiseau était resté avec nous, comme à son habitude. Il nous a dit au revoir. Nous ne l’avons jamais revu. » Il reste marqué par ce drame et confie sa bonne entente avec Bernard Loiseau : « Il m’a appris beaucoup de choses et notamment que nous sommes avant tout des aubergistes. »
Olivier Valade va ensuite enchaîner les postes à Paris, œuvrant tour à tour pour Hélène Darroze et Jacques Le Divellec, qui lui apprend la cuisson de turbot de 7kg. Il devient même chef d’une grande brasserie parisienne, le Bistrot de Marius (8e), où il doit parfois envoyer jusqu’à 800 couverts par jour. Après un crochet par Metz (Moselle), chez Christophe Dufossé, Olivier Valade obtient le poste de chef de La Maison Tirel-Guérin, à Saint-Méloir-des-Ondes (Ille-et-Vilaine). « À mon arrivée, la cuisine de ce restaurant étoilé était un peu datée, explique-t-il. J’ai souhaité la faire évoluer. Même si cette année-là le CA a progressé, le Guide Michelin m’a retiré l’étoile. Ce fut pour moi une grosse déception. Heureusement les propriétaires du restaurant m’ont maintenu leur confiance et m’ont permis de m’affranchir du passé. En 2017, j’y ai retrouvé l’étoile. »
Cet épisode fut sans doute fondateur dans la carrière de ce chef, le conduisant à une recherche permanente de l’excellence en matière de créativité et dans la mise en œuvre d’une technicité exigeante. Il s’est ainsi forgé un style avec ses mélanges terre-mer, à l’instar des langoustines au coulis de boudin noir. Il va falloir suivre l’étoilé du château Saint-Jean dans les années à venir.