Lille, capitale gastronomique et touristique
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Il souffle un vent nouveau à Lille. La ville bouillonne, portée par une nouvelle garde de chefs et de professionnels qui souhaite l’ériger en capitale de la gastronomie et en destination touristique de choix. Tous clament haut et fort que la ville regorge de trésors encore trop peu connus.
Qui a dit que la gastronomie lilloise se résumait aux frites et à la carbonnade flamande ? Si cela a pu être vrai pendant un temps, la capitale du Nord semble désormais prendre sa revanche. Alors qu’en 2023 les Hauts-de-France deviennent la première région française à être labellisée Région européenne de la gastronomie, Lille entend bien en profiter et se positionner en tant que destination culinaire. Alors que le Guide Michelin semble l’avoir boudé ces dernières années, les étoiles reviennent peu à peu dans la métropole. « Nous avons à présent sept étoilés et de nombreuses mentions dans le Gault&Millau», note d’emblée Gérard De Poorter, président de l’Umih Lille Métropole.
Des reconnaissances qui s’expliquent notamment par l’arrivée d’une nouvelle génération de chefs, prête à casser les codes et sortir de la carbonnade flamande et du traditionnel cornet de frites, même si ces recettes restent encore des incontournables. « Nous n’avons pas la réputation d’être une grande ville de la gastronomie, mais finalement Lille a comblé son retard», assure de son côté Sélic Lenne, responsable promotion et presse à l’agence d’attractivité Hello Lille, qui regroupe les 95 communes de la métropole. Il faut dire que les chefs peuvent compter sur un terroir riche.
« Nous avons tout, du maraîchage, de la mer, de l’élevage… Le panier est bien garni», estime quant à elle Marie-Laure Fréchet, journaliste et présidente du collectif Mange, Lille !. Les cuisiniers, avec en chef de file Florent Ladeyn, sont les meilleurs ambassadeurs de cette gastronomie locale. Si les estaminets sont toujours légion, des restaurants nouvelle génération voient le jour, ainsi que des food courts et des concepts originaux. « Le terrain de jeu s’agrandit pour la clientèle, sans saturation, car il y a toute une cuisine lilloise à réinventer», commente Marie-Laure Fréchet. Son collectif, Mange, Lille !, est un regroupement de professionnels et de passionnés, qui souhaite porter la destination au rang de capitale de la gastronomie.
Il organise notamment des événements, dans le but de promouvoir la qualité culinaire des Hauts-de-France, à l’image du prix Mange, Livre !, récompensant les livres sur l’alimentation dans une démarche durable, mais aussi du festival du journalisme culinaire Boire Manger Dire (dont la première édition se tiendra les 20, 21 et 22 octobre 2023), ou encore des balades gourmandes tenues dans différents quartiers et des dîners dans des endroits insolites. « Lille est identifiée en tant que capitale culturelle et économique, il nous manquait la dimension culinaire», ajoute-t-elle.
Ce ne sont pas les seuls événements autour de la gastronomie, puisque le Lille street food festival a vu le jour en 2021, mené par l’agence Hello Lille. Comme cela se fait dans d’autres villes de France, il s’agit d’un temple éphémère de la street food locale. Pour son édition 2022, l’événement a réuni 26 000 visiteurs. Le festival Bière À Lille est également devenu un temps fort. En cinq éditions, une série d’événements ludiques dans les bars, restaurants et lieux publics a été organisée, en vue de créer des ponts entre le monde de la bière, la culture, le patrimoine et la gastronomie. La capitale des Flandres mise d’ailleurs sur le tourisme brassicole. En témoigne la création de « Héritage bière», en collaboration avec 35 brasseries locales. Il s’agit d’un label de qualité permettant d’identifier les brasseries artisanales du territoire qui proposent un accueil touristique. « Nous souhaitons que Lille soit identifié pour la bière, comme Bordeaux l’est pour le vin», explique Sélic Lenne. Un projet de cité de la bière en région Hauts-de-France serait d’ailleurs à l’étude.
Destination touristique
Selon Sélic Lenne, la ville s’est métamorphosée en 20 ans. « Cela a commencé quand Lille a été nommée capitale européenne de la culture, en 2004. À ce moment-là, elle a été identifiée comme vivante et active sur le plan culturel», assure-t-il. Dix ans avant, en 1993, l’arrivée du TGV entre Lille et Paris avait déjà donné le ton. La clientèle parisienne représente d’ailleurs 41% des touristes d’affaires et 32% de celle de loisir. Aujourd’hui, la ville se situe au carrefour de l’Europe, à une heure de la capitale française, une heure de Londres –l’Eurostar a une liaison directe – mais aussi à une centaine de kilomètres de Bruxelles, attirant de nombreux visiteurs venant de ces villes.
En 2022, le nombre de nuitées marchandes s’est élevé à 3,5 millions sur toute la métropole, soit 10 000 touristes par jour. Le tourisme d’affaires représente 65%, contre 35% pour le loisir. « Les deux sont complémentaires, les business en semaine, puis les loisirs le weekend, avec une moyenne de deux nuitées par touriste», explique Sélic Lenne. Gérard De Poorter, de l’Umih, note par ailleurs un regain d’intérêt pour la ville en tant que destination. « Il y a 30 ans, nous n’avions pas de saison estivale, mais depuis quelques années, les touristes d’agrément viennent, surtout en formule city break [voyage en ville de courte durée, NDLR]», détaille-t-il. Autre preuve de l’engouement, des hôtels lifestyle se sont installés en centre-ville, à l’instar du Mama Shelter (groupe Accor) ou encore d’Okko Hotels. « L’arrivée de ces chaînes modernes montre bien que Lille est une destination prometteuse», assure le président de l’Umih.
En outre, le chef-lieu du Nord accueille différents événements, comme les festivals Séries Mania et Cine Comedies, mais surtout sa braderie annuelle. Gros temps fort pour tous les CHR, au cours duquel des millions de visiteurs se pressent chaque année. Pas moins de 500 tonnes de moules, accompagnées de frites, y sont par ailleurs servies à chaque édition, créant des amoncellements de coquilles (quelque 200 tonnes) dans les rues de la ville. En 2023, une édition « normale » devrait se tenir les 2 et 3 septembre, une première depuis la crise sanitaire de 2020. Les restaurateurs sont dans les starting-blocks, d’autant qu’un weekend comme celui-ci se prépare à l’avance. Du vendredi soir au dimanche soir, aucun véhicule ne peut circuler, rendant impossibles les livraisons dans les CHR. « Nous arrivons dans une période d’optimisme, d’abord avec la braderie, puis avec la Coupe du monde rugby, suivi par les Jeux olympiques l’année d’après», note également Gérard De Poorter. Des occasions en or pour les hôteliers, restaurateurs et cafetiers locaux.
En septembre et octobre prochains, le stade Pierre-Mauroy va accueillir cinq rencontres de la compétition, amenant ainsi son lot de touristes étrangers, prêts à consommer dans les bars et restaurants. « Il n’y aura pas de fan zone à Lille, donc nous avons une carte à jouer», ajoute le président de l’Umih. Il espère que cela se répétera l’année suivante pour les JO, puisque la métropole doit accueillir les compétitions de handball. Enfin, un autre élément attire irrémédiablement les touristes à Lille. « Nous n’avons ni la mer ni le ciel bleu, mais nous savons recevoir les gens», assure Gérard De Poorter. Un avis partagé par Sélic Lenne : « Nous avons ce côté bon vivant, accueillant, convivial. C’est peut-être un peu caricatural, mais tellement vrai !» Même son de cloche du côté de MarieLaure Fréchet, qui assure que « beaucoup de clichés circulent sur les Hauts-de-France, mais celui-ci est vrai, nous sommes vraiment un peuple chaleureux». Comme dirait Enrico Macias : « Les gens du Nord ont dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors…»