Les défis de l’hygiène écoresponsable

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En matière de nettoyage, l’écoblanchiment peine à convaincre les professionnels de la restauration. Pourtant, sur le marché très concurrentiel de l’hygiène et sur fond d’HACCP, les produits et les méthodes écologiques font preuve de leur efficacité, coûte que coûte.

L’HACCP est la bête noire des cuisiniers. Cette méthode, qui « prévoit l’analyse des dangers à chaque étape de la production en vue de leur maîtrise » afin de garantir la sécurité alimentaire des denrées, peut se révéler chronophage et complexe. Aussi ces professionnels se tournent vers des solutions de nettoyage qu’ils ont éprouvées, qui les rassurent, mais encore souvent formulées à base de composants issus de la pétrochimie. La révolution verte en cuisine peine ainsi à s’imposer dans la phase d’entretien. Efficacité, coût, mise en œuvre, des idées reçues persistent. « On a 15 ans de retard en France sur le sujet par rapport aux États-Unis », fait remarquer Christian Maritin, président de KSG France, entreprise spécialisée dans les solutions de nettoyage écologique, et notamment à la vapeur sèche.

« Les solutions d’hygiène écologiques pâtissent encore d’une image inadaptée, notamment sur le fait qu’elles ne seraient pas efficaces », regrette Mathilde Abadie, chef de produit cuisine et linge chez Greencare professional. La marque allemande, active sur ce marché depuis 30 ans, dépend du groupe Werner & Mertz également propriétaire de la marque d’hygiène traditionnelle Tana professional. Elle a entamé une démarche de conversion de l’ensemble des produits du groupe pour, à terme, proposer uniquement des produits écoresponsables. « Il n’y a aucune différence de résultat entre les deux types de produits. Et les conditionnements, les dosages sont les mêmes. Par contre, les formulations sont totalement différentes, à base de tensioactifs végétaux comme l’huile de colza, de coco, de blé ou de lin, d’acide citrique ou lactique, principalement d’origine européenne et issus de sous-produits de l’agriculture. C’est aussi une manière de s’inscrire dans une démarche globale. »

Tout changer sans déstabiliser

Depuis quelques années, les gammes récentes ont largement fait leur preuve. La défiance vient surtout du greenwashing, marketing celui-là, qui brouille les pistes. Pour s’y retrouver, les labels restent encore un gage de fiabilité (lire en encadré). « L’efficacité était un prérequis au lancement de nos produits écologiques. En cuisine, ils veulent du résultat, donc on ne voulait pas rater l’exercice. Les formules répondent à des besoins précis en fonction du type de graisse, mais la gamme reste très étendue, avec aussi des tout-en-un », précise Laurine Louche, directrice marketing chez Orapi hygiène.

Au-delà de la formulation, ce sont aussi les textures – gels par exemple pour couvrir plus facilement les surfaces – et les conditionnements (spray, systèmes de clipsage sans contact avec le produit) qui ont été mis au point. Les produits estampillés « Génération Orapi », la charte écoresponsable mise au point par la marque, sont ainsi exempts de phosphates, de DTA, formulés à base d’ingrédients végétaux. Depuis un an et demi, la marque a choisi de se recentrer sur sa compétence de fabricant et industriel, notamment pour travailler sur cette gamme écologique. « Notre expertise est reconnue sur le marché de la cuisine, mais nous avons voulu questionner à nouveau les besoins des clients pour comprendre comment ils nettoient leurs cuisines aujourd’hui », explique Laurine Louche, directrice marketing.

Penser à d’autres options

Si les bénéfices pour l’environnement sont évidents, il est bon de rappeler que, même écoresponsable, un produit nettoyant peut présenter des risques à l’usage, notamment à l’égard des allergènes. Dans ce cas, mieux vaut limiter les formulations utilisant des huiles essentielles et se tourner vers des références marquées de l’Écolabel européen qui garantit que le produit en contient moins de 0,01 %. Il peut aussi être intéressant de regarder de plus près le potentiel du nettoyage à la vapeur. Il est beaucoup employé dans l’hôtellerie, notamment pour l’entretien de la literie et des textiles, mais il trouve aussi son intérêt en cuisine. « La vapeur sèche dissout totalement les graisses, bactéries et moisissures. C’est une technique qui remet à blanc les surfaces et, surtout, qui ne crée aucune accoutumance des bactéries. Celles-ci peuvent devenir résistantes à la chimie, mais pas à la température », explique Christian Maritin.

C’est aussi un atout pour nettoyer les surfaces complexes, comme les hachoirs ou les appareils à engrenage. Les appareils professionnels projettent de la vapeur sèche à 7 % d’humidité à 130 °C. Cette méthode n’impacte pas particulièrement le protocole de nettoyage mis en place, d’autant qu’il permet de conserver les procédures par zonage ou par code couleur. Pour autant, elle doit être associée à des produits détartrants puisque la vapeur n’a aucun eff et sur les dépôts calcaires. « Il y a un manque d’accompagnement cruel sur l’usage de la vapeur en France et c’est par méconnaissance que les professionnels n’osent pas sauter le pas. »

Le procédé utilise pourtant peu d’eau, environ 2 litres pour 30 min d’utilisation pour un modèle monophasé. Si cela reste un investissement, à partir de 2 000 €, ces appareils se veulent durables. « Ils sont faciles à réparer et on part sur un amortissement comptable sur trois ans, mais avec une durée de vie bien plus longue dans des conditions d’usage adaptée. C’est pour cela qu’il est important de choisir un appareil en fonction du temps d’usage envisagé. » L’entretien demande en eff et un peu de suivi, notamment pour l’entartrage des chaudières. Les fabricants ne nient pas un coût supérieur à l’achat pour les produits nettoyants, mais proposent une autre lecture. « Le prix au litre est effectivement plus élevé, mais il faut plutôt envisager un coût à l’usage, pas au flacon, tempère Mathilde Abadie. Les produits écologiques sont plus concentrés et donc dosés en moindre quantité. »

On a 15 ans de retard en France sur le sujet par rapport aux États-Unis.
Christian Maritin, Président de KSG France

Le développement des ventes devrait aussi avoir un impact sur le prix. « Plus les professionnels iront vers ce genre de produits, plus les prix baisseront, analyse Laurine Louche. En attendant, on sait qu’il y a un seuil psychologique en termes de coût. Les clients sont prêts à un effort de l’ordre de 5 % à 10 % par rapport à de la chimie traditionnelle. » Reste à voir quel pourcentage de professionnels s’inscrira dans ce mouvement.

Que garantissent les labels ?

– ECOCERT

Il garantit des procédés de production et de transformation respectueux de l’environnement, valorise l’utilisation d’ingrédients d’origine naturelle ou biologiques sans pour autant en faire une obligation. Il exige une gestion responsable des ressources naturelles et interdit la plupart des ingrédients pétrochimiques.

– ECOLABEL

L’Écolabel européen vise à concevoir et à promouvoir des produits respectueux de l’environnement et de la santé tout au long du cycle de vie, de l’extraction des matières premières à leur utilisation, en passant par leur fabrication. Cela implique, par exemple, la réduction des substances dangereuses, la diminution des déchets d’emballage, une faible incidence sur la vie aquatique.

– CRADLE TO CRADLE

Cette certification internationale, créée en 2002, est l’une des plus exigeantes, puisqu’elle implique une production sans pollution et 100 % réutilisable. La démarche a pour objectif de générer de la valeur à chaque étape du processus et durant tout le cycle de vie du produit, en s’inscrivant dans une économie circulaire, autour de cinq piliers : la santé des matériaux, la réutilisation des matériaux, les énergies renouvelables et la gestion du carbone, la gestion de l’eau et l’équité sociale.

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