Tant que les assurés n’attaqueront pas, Axa ne transigera pas

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Pour Maître Philippe Meilhac, avocat au barreau de Paris, AXA est rentré dans une stratégie d’intimidation face aux « petits assurés », mais il reste persuadé que la compagnie peut céder si suffisamment de restaurateurs montent au créneau.

Justice
Justice. Image d'illustration. Crédit : Pixabay.

18 000, c’est le nombre approximatif de restaurateurs concernés par le fameux contrat AXA. Dans celui-ci, une clause excluant le remboursement des pertes d’exploitation dans le cadre d’une épidémie si plusieurs établissements sont fermés administrativement pour la même raison. Une clause jugée abusive, imprécise, et donc cassée par le tribunal de commerce de Paris le 17 septembre. 

Malgré cela, « à la fin, statistiquement, ils seront gagnants », déclarait dans une interview accordée à la Revue des Comptoirs Guillaume Aksil, l’avocat qui a vaincu AXA. 

Une stratégie différenciée selon les clients

Le jugement du 17 septembre avait donné lieu à une réponse immédiate de l’assureur. Ce dernier a annoncé qu’il allait interjeter appel, par la voix de son PDG, Jacques de Peretti : « Tout en restant très préoccupés par l’ampleur des conséquences économiques des mesures de confinement pour beaucoup de nos assurés, nous ne pouvons pas couvrir des événements explicitement exclus de nos contrats ». Une stratégie d’intimidation qui tient à deux raisons principales, d’après Me Meilhac : une volonté de se montrer inflexible et de « faire peur aux petits assurés », mais aussi la pression du ré-assureur. « Car ce n’est pas AXA qui paiera les indemnités en dernier lieu, explique celui qui défend aujourd’hui plusieurs dossiers de restaurateurs. C’est son ré-assureur, dont on ne sait rien, si ce n’est que beaucoup de ces entités sont présentes en Allemagne ». 

Pourtant, certains restaurateurs ont obtenu gain de cause. On pense bien entendu à Stéphane Manigold, « l’homme qui a fait tomber AXA ». Sa victoire au tribunal lui avait permis de négocier en position de force un accord – soumis à confidentialité – avec l’assureur. Un accord qui a fait des petits depuis, et a permis à plusieurs centaines de restaurateurs de percevoir une indemnisation sur pertes d’exploitation. Le point commun entre tous ces restaurateurs, c’est le courtier qui leur a fait signer leur contrat d’assurance, la SATEC. Peu de temps après la victoire de Stéphane Manigold, les bénéficiaires du contrat SATEC – AXA ont reçu en effet une proposition d’accord par courrier. 

À noter que tous les contrats AXA « agents » ne prévoient pas l’extension de garantie perte d’exploitation en cas de fermeture administrative.

Reconfinement localisé et fermetures : qu’est-ce que cela change ? 

Avec les rumeurs de nouvelles fermetures d’établissement – une mesure déjà prise à Aix, Marseille et en Guadeloupe – , certains restaurateurs vont pouvoir tirer leur épingle du jeu. C’est le cas notamment de ceux liés à AXA via SATEC, et n’ayant toujous pas transigé pour un accord portant sur leurs pertes d’exploitation de mars et avril 2020. Ces derniers pourront négocier un indemnisation plus élevée en cas de nouvel épisode de fermeture. En effet, les signataires de l’accord « Manigold » ont accepté de renoncer à toute indemnisation pour de nouvelles pertes liées à la covid-19. 

Pour les 18 000 autres qui ne sont pas passés par des courtiers, le problème reste le même : être suffisamment nombreux à prendre la voie judiciaire pour forcer AXA au dialogue. Et quand bien même l’assureur interjeterait appel, « ce recours ne serait pas suspensif, et en comptant trois à six mois de procédure, cela laisse largement le temps d’obtenir un remboursement », explique Me Meilhac. 

L’allongement de la durée de perte d’exploitation (en cas de nouvelle fermeture) pourrait-elle donner droit à plus d’indemnisations ? « Dans une certaine limite, nuance l’avocat. Les restaurateurs qui ne sont pas passés par des courtiers bénéficient très largement d’une durée d’indemnisation limitée à trois mois. Or, il y a de fortes chances pour qu’un nouvel épisode de fermetures lié à la covid-19 soit considéré comme une prolongation du confinement en mars, ce qu’on appelle un sinistre sériel -(ndlr, qui prend en compte plusieurs dommages ayant la même cause). Le remboursement sera donc limité à la période d’indemnisation prévue dans le contrat, même si les pertes d’exploitation s’étalent sur une laps de temps plus long. »

AXA prend les devants pour 2021

D’après les informations rapportées par Philippe Meilhac, AXA aurait appris de ses erreurs. Un courrier indiquant sobrement « votre contrat évolue » serait actuellement envoyé aux assurés. Il contient un avenant, valable à compter de 2021, rectifiant « l’erreur » de la première clause d’exclusion, et en ajoutant une nouvelle concernant les risques épidémiques et pandémiques. « Cette fois, tout doute concernant les clauses sera effacé », prévient l’avocat.

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